Ecology matters

Hulot a démissionné ce matin. Et nous, nous démissionnons ?

Le triumvirat que j’espérais il y a un an n’a pas fonctionné. Macron, Philippe et Hulot n’ont jamais réellement fonctionné ensemble malgré le titre de ministre d’Etat donné au ministre de l’écologie. 

Il n’y a eu qu’un moment où j’y ai presque cru, quand Macron a lancé son « make our planet great again » mais, sur le sujet-clé de l’agriculture et de l’alimentation, on a très vite vu qu’il n’y aurait pas d’arbitrage risquant de mécontenter la FNSEA malgré les possibilités d’alliances inédites avec les ONG et la distribution qui avaient émergé lors des états généraux de l’alimentation.

On va à nouveau entendre les éditorialistes se demander doctement s’il peut ou non y avoir une stratégie des petits pas, si les ministres ne doivent pas accepter de perdre une partie de leurs arbitrages… Comme si un jour on pouvait décider de sauver la planète sur le climat et le lendemain laisser mettre en cause la biodiversité. Dans le serment d’Hippocrate, il est explicitement affirmé « d’abord ne pas nuire » (primum non nocere). Les médecins savent bien qu’il n’est pas toujours possible de guérir mais le minimum auquel ils s’obligent est de ne pas aggraver la situation de leur patient. Comment peut-on dire comme le porte-parole du gouvernement qu’un coup on gagne, un coup on perd et que c’est le jeu politique ? La politique pensée comme un jeu de cartes ! Oui au rami ou à la belotte, il n’y a pas d’enjeu, et seuls les « mauvais joueurs » se plaignent de perdre, mais là c’est de notre avenir commun dont on parle. Les ministres devraient signer leur serment d’Hippocrate en entrant en fonction.

Je suis bien conscient que la politique passe souvent par des petits pas mais à condition d’avoir une direction claire ! Un pas en avant et un pas en arrière (ou même un pas de côté) ne font pas une stratégie fiable et donc entraînante. Comment imaginer que les acteurs sociaux, les entreprises et les citoyens s’alignent sur une ambition commune si le message des plus hautes autorités de l’Etat n’est engagé que dans les discours généraux ? Hulot a pointé ce matin sur France Inter que le problème n’était pas seulement qu’il n’avait pas le soutien du reste du gouvernement mais que la société dans son ensemble restait souvent inerte quand il fallait défendre une position sur les pesticides ou sur la réintroduction d’espèces menacées. Il s’est même permis d’égratigner les médias insuffisamment présents sur ces sujets. Mais cette mobilisation générale ne peut subvenir par la volonté d’un seul ministre. Tant qu’on ne voit les questions écologiques que comme une question parmi d’autres, une question thématique comme il y a par ailleurs la santé, l’emploi ou le tourisme, on n’a rien compris.

A quel niveau de catastrophe va-t-on réussir à sonner utilement le tocsin ? L’été a pourtant été critique sur tous les continents, de l’Inde frappée par des inondations jamais connues à la Californie toujours plus ravagée par les incendies. On connait le risque de la grenouille dans la casserole : plongée dans l’eau froide progressivement portée à ébullition, elle ne tentera de sauter de la casserole que lorsqu’elle aura trop chaud pour en avoir encore la force. Parfois, on a la désagréable impression que nous sommes devenus une grenouille collective et que l’eau est déjà bien chaude…

Hulot espérait ce matin que son geste (il a, d’une certaine manière, sauté hors de la casserole !), provoquerait un sursaut positif. N’attendons pas que les responsables politiques aient un tel sursaut, ils ne l’auront pas, ils se révèlent ô combien du vieux monde. Mais nous, sommes-nous collectivement capables de dire que les questions écologiques ne sont pas des questions parmi d’autres, qu’elles engagent notre avenir à tous ?

« Black lives matter » ont dit les Américains pour rejeter le racisme ambiant des forces de l’ordre, ne devons-nous pas inventer un « ecology matters » ? Et l’afficher haut et fort. Nous sommes le peuple souverain, c’est à nous de « mettre à l’agenda » les questions qui comptent vraiment pour nous ! 

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Auteur/autrice : Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY

Je continue à penser que l’écriture m’aide à comprendre et à imaginer.

 

6 réflexions sur « Ecology matters »

  1. Complètement d’accord Hervé !
    Je prépare une pétition pour réagir à l’annonce et compter tous ceux qui ne veulent pas baisser les bras, je vous mets le lien dès qu’elle est prête.

  2. J’étais en écoute directe lors de l’annonce de Mr Hulot.
    Hervé t’es sérieux ? (à la mode de la toute première réaction de l’intervieweuse interloquée – « Vous êtes sérieux ? ».
    Il n’a pas fallu attendre 3 minutes pour que le fil du Monde sur le web ne reprenne l’info en une. Et toi, tu réagis en moins de 8 heures et déjà l’émission « C’ dans l’air » de ce mardi soir reprend l’évènement.

    Question : faut-il tirer sur le brin d’herbe pour qu’elle pousse plus vite ou faut-il se donner le temps de laisser se construire une pensée, une intelligence « complexe », en réseau où chacun des noeuds, des connexions concourent à construire notre demain. Et si les vacances (de Mr H.) du brouhaha pouvait débuter !

  3. @André Marcel
    La question de la réaction immédiate, je me la pose à chaque fois que je m’y laisse aller. Ma préférence va à des textes liés à ma propre actualité, à mon propre rythme. Mais justement, comme chacun de nous, il m’arrive de me « synchroniser » lorsque les événements me touchent particulièrement. Les attentats de 2015 bien sûr mais pas la victoire au football de la France en 2018. Ce n’est pas parce que tout le monde parle d’un sujet que je me mets au diapason.
    Est-ce « tirer sur le brin d’herbe » ? Je ne le pense pas. Je crois que dans nos « mediarchies »*, où TOUTES nos interactions comptent, rebondissent, se renforcent…, il est utile de contribuer, même très modestement à un phénomène social que l’on souhaite voir prendre de l’ampleur. Ecrire et le partager est ma manière d’agir. Je continuerai donc en essayant de ne pas être juste dans la répétition du bruit de fond, sans craindre pour autant, au contraire, d’être impliqué dans un mouvement commun.
    * : voir l’excellent Médiarchies d’Yves Citton qui donne un éclairage renouvelé sur le « pouvoir des medias » en élargissant la question. J’y reviendrai.

  4. Il est où le like sous ton post Hervé ;).
    Je ne suis pas du tout gênée par une réaction immédiate. Qui fait bien écho à l’annonce impromptue de Hulot. Ne nous privons pas de réactions spontanées quand, comme la sienne (et la tienne) elles sont portées par une vision claire. Par contre, pour mettre à l’agenda vraiment, quelle méthode vois-tu ? Je n’arrive plus à signer des pétitions. Sur quels leviers appuyer pour orienter le politique ?

  5. 100 000 dans les rues de France samedi.
    1 000 000 dans les rues de Barcelone hier.

    120 Catalans sur 1000 refusent de vivre avec un passeport espagnol,
    1,5 Français sur 1000 refuse de mourir dans une étuve.

    A la prochaine marche, nous devrions être 10 M dans les rues des villes de France !

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