Pauvres de nous !

Gabin dans La traversée de Paris lançait un vigoureux et ambigu Salauds de pauvres ! A-t-on réellement changé d’attitude ?

Ce qui a retenu surtout l’attention dans la vidéo présidentielle, c’était l’apostrophe sur le « pognon de dingue » que l’on mettait dans les minima sociaux sans efficacité puisque les pauvres, « tombés pauvres », restaient pauvres. On s’est focalisé sur l’éventuelle réduction des prestations qui découlerait de cette affirmation pour s’en indigner avec plus ou moins de bonne foi. Pour ma part, le fait de questionner la manière dont on lutte contre la pauvreté est bien une nécessité et réfléchir aux logiques d’émancipation et d’empowerment une voie encore insuffisamment empruntée. La tribune d’Agnès Buzyn parue dans Le Monde ce matin donne ainsi des pistes intéressantes pour repenser le modèle social mais, sans les provocations jupitériennes, elle risque de moins retenir l’attention que la vidéo élyséenne.

Ce qui me parait problématique dans l’intervention du président a été pointé notamment ici, c’est le « tomber pauvre ». Cette expression étrange semble faire de la pauvreté une maladie – on tombe pauvre comme on tombe malade. Tomber, c’est aussi l’évocation de la chute avec son double sens d’accident et de faute morale. L’appel à la responsabilisation qui revient régulièrement dans la bouche du Président laisse penser que les pauvres n’assument pas la responsabilité qu’ils ont de leur propre dignité. Ils se laisseraient aller et perdraient progressivement leur dignité d’êtres humains. Seul le pauvre qui fait des efforts pour s’en sortir reste alors estimable. Celui qui se laisse aller mérite son sort. Etre pauvre n’est ni une tare ni une faute. Ce n’est pas non plus une catégorie sociale. On ne devrait pas dire UN pauvre ou LES pauvres. On essentialise la pauvreté. La pauvreté est une situation et elle est toujours relative. On est toujours ou plus pauvre ou plus riche qu’un autre. Continuer la lecture de « Pauvres de nous ! »

Au-delà des mâles blancs

Deux « mâles blancs » se sont donc échangé un rapport. Et après ? Après plus rien disent beaucoup d’élus locaux et de commentateurs politiques. Et si on regardait de plus près ? L’enjeu est trop important pour en rester aux blessures narcissiques, même injustes

Bien sûr, il faut y revenir. Mais comment ? J’ai essayé plusieurs angles : la question des « mâles blancs » et cette délégitimation de la possibilité d’agir si on n’est pas soi-même directement concerné (et donc, si on comprend bien, non-blanc et non-mâle) ; le ton employé par le président qui donne à ses interlocuteurs le sentiment qu’ils sont incompétents et que seule son approche à lui est la bonne, ramenant toute autre méthode à un archaïsme (avant sa naissance) ; les contradictions du président qui demande un plan et le récuse dès qu’il le reçoit mais en reprenant sa philosophie de co-construction et de mobilisation de la société civile tout en niant qu’elle soit présente dans le rapport.

Délégitimation, mépris, confusion, beaucoup de colères se sont exprimées sur ces trois aspects de l’intervention présidentielle… et j’avoue que je ne suis pas loin de les partager. Mais alors on tombe vite dans l’affrontement stérile et on se met soi-même à caricaturer… ce qu’on reproche justement au président d’avoir fait. Il me semble important de ne pas entrer dans la spirale de délégitimation qui ne produira que de la rancœur et une incapacité à agir ensemble alors que la clé reste bien dans cette capacité à réunir une Nation autour des problèmes qu’elle a à résoudre.

J’ai donc voulu, malgré ma déception, revenir au texte même de l’intervention présidentielle, telle qu’elle a été retranscrite sur le site de l’Elysée. Apparemment improvisé sur la base de notes, il tourne néanmoins autour de 3 axes : une politique des droits réels, une politique d’émancipation par l’école et la réussite économique, une politique pour « faire République ». Même si le discours reste brouillon, même si ce n’est pas ce que j’aurais espéré en termes de moyens, même si je trouve Borloo très optimiste quand il dit que tout a été coché, force est de constater qu’il y a bien une philosophie de l’action qui est affirmée et qui va au-delà d’un simple appel à l’émancipation individuelle auquel certains veulent réduire le propos présidentiel et que la mobilisation de la société civile n’est pas conçue comme une simple défausse de l’Etat.

Déconstruisons pas à pas les principaux sujets d’exaspération et de critique, en tentant de dépasser les désastreuses premières impressions. Continuer la lecture de « Au-delà des mâles blancs »

Mobilisation nationale ?

Je ne me résous pas à l’indifférence… J’ai bien conscience de sembler naïf ou « gentil » mais je persiste !

Dans mon précédent post, d’une manière très viscérale et immédiate, j’essayais de dire l’importance du plan Borloo. Pas de telle ou telle mesure, pas par une analyse fine de ce qui était nouveau ou non, juste l’importance et l’urgence de la démarche globale. Avec le soutien immédiat de Jean-Pierre Worms et d’Alain Caillé, un texte très court a été rédigé et proposé à la signature dans nos réseaux. Une trentaine de personnes, intellectuels, entrepreneurs civiques, responsables associatifs ont accepté de le signer et Libération l’a mis en ligne sur son site. Beaucoup d’autres sont déjà prêts à le signer. Je vous invite à le faire aussi.

Je sais que cet engagement explicite posera problème à certains lecteurs. Ce blog n’est pas un lieu de militance et ne va pas le devenir. Ce qui m’importe à travers cette prise de position, c’est de contribuer – très modestement, j’en ai conscience – à une possible « mobilisation nationale ». Non pas en faveur de tel ou tel mais dans l’espoir que nous réussissions collectivement à maintenir notre « commune humanité ». Les ferments de haine de l’autre, de repli identitaire sont tellement virulents ! L’indifférence au monde commun des plus privilégiés est tellement exacerbée ! Parler de « commune humanité », hélas, ne va plus de soi. Je ne m’y résous tout simplement pas.

Il y a un moment, on se dit qu’on ne peut plus se contenter de lire les journaux et de dire « décidément, le monde va dans le mur ! » Le monde c’est nous, non ?