Otium et Negotium

Le mot latin negotium nous semble familier, mais on oublie qu’il n’est qu’un contraire, le contraire du très intéressant otium

Qui se représente aujourd’hui le travail ou l’activité économique comme le simple contraire d’un loisir qui serait considéré comme l’activité par excellence ? c’est pourtant comme ça que les Latins voyaient le monde des affaires, le négoce, negotium. Le neg-otium était l’inverse d’Otium, le mot qui leur importait. Mais c’est quoi cet otium qui a donné en français le mot peu flatteur d’oisiveté ? Est-ce le « temps libre » dont Mitterrand avait fait un ministère aux premiers temps de l’alternance de 1981 ? En réalité, c’est bien autre chose que ce temps qualifié de libre mais qui reste en réalité essentiellement subordonné à la restauration de nos capacités laborieuses et à la distraction. L’otium des Romains avait une tout autre importance : c’était le temps de l’étude, de la réflexion et de l’engagement pour la Cité. D’où sa valeur. A une époque où la robotisation et l’IA font craindre la disparition du travail que nous considérons encore comme essentiel à notre dignité, n’est-il pas temps de se poser la question : Et si ce qui n’était permis qu’à quelques-uns au temps de l’aristocratie était désormais accessible au plus grand nombre ? Et si nos temps humains n’étaient plus principalement consacrés au travail et au temps libre compensateur ? Quelle société saurions-nous construire ? Le roman d’anticipation Ecotopia réédité récemment donne une réponse qu’il serait sain de ne pas rejeter a priori comme une simple utopie. Et si « faire société » était le nouvel Otium ? Tellement urgent au moment où le monde qui se défait laisse remonter à la surface, tout autour de la planète, des monstres que nous croyions oubliés qu’ils soient nationalisme, proto-fascisme, intégrisme,…  Si, comme je le crois de plus en plus, le libéralisme a épuisé son énergie vitale, alors il est illusoire de croire qu’il nous sauvera du populisme. Thomas Legrand, toujours à la recherche du clivage politique pertinent, proposait écologisme vs populisme. Il est temps effectivement qu’on se pose la question en ces termes (l’écologisme n’étant évidemment pas réductible au seul parti des Verts) ! Parlons plutôt de Convivialisme comme y invite depuis plusieurs années Alain Caillé et beaucoup d’autres à sa suite. Dans Convivialisme, il y a « vie avec ». On retrouve  là une dimension importante de l’Otium ! 

 

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Auteur/autrice : Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY

Je continue à penser que l’écriture m’aide à comprendre et à imaginer.

 

3 réflexions sur « Otium et Negotium »

  1. L’étymologie reste une clé majeure pour nous ouvrir à la compréhension de notre monde. Merci Hervé de ce précieux éclairage qui milite en faveur d’une société anthropocentrée et laisse à la finance sa place nécessaire mais limitée, nous donner les moyens de vivre l’otium !

  2. Comment faites vous pour distinguer ce qui est de l’ordre de la démocratie (le pouvoir du peuple) de ce qui est du l’ordre du populisme (qui vient du peuple) ?

  3. Question permanente et jamais simple à trancher, on le sait. On est souvent traité de populiste pour évacuer un peu vite des questions dérangeantes. En revanche, pour moi, la démocratie doit toujours privilégier la recherche d’un accord, le débat plus que l’affrontement et là les populistes sont souvent plus faciles à repérer !

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