Attentat terroriste : Pavlov et l’uchronie

Attentat. Réactions à l’attentat. Tout semble se répéter, ad nauseam. Et si nous n’avions pas succombé à nos réflexes pavloviens ? Et si nous faisons en sorte que lors du quatrième attentat ce ne soit pas une uchronie ?

Attentat. Réactions à l’attentat. Tout semble se répéter, ad nauseam.

Je me suis pourtant dit l’espace d’un instant que les choses pourraient suivre un chemin différent cette fois-ci, mais non. Je ne savais encore rien de l’événement, simplement qu’il y avait eu des morts à Nice. J’allumai la radio. Sur France Culture, le commentaire en cours m’avait laissé entrevoir que les suites de l’attentat pourraient être différentes, cette fois-ci. Pas mieux, simplement différentes. Le commentateur disait en effet son malaise face à la répétition et au début d’accoutumance devant l’horreur. Un attentat de plus, un attentat perdant de sa singularité et donc de sa force. Je commençais à me dire que les terroristes allaient peut-être perdre de leur impact, même pour de mauvaises raisons, notre inavouable lassitude face à la répétition de l’horreur.

J’ai dû bien vite me rendre à l’évidence : ce n’était pas le mouvement général, médias et politiques avaient immédiatement réagi en suivant leurs réflexes pavloviens. Rien ne changerait cette fois-ci, les terroristes pouvaient se rassurer. Alors que Hollande annonçait la fin de l’état d’urgence à treize heures, il le rétablissait à trois heures du matin. Les médias déjà passés en mode vacances depuis quinze jours ressortaient prestement leurs éditions spéciales et leurs reportages en boucle sur les rescapés du carnage. Un élu comme Estrozy, qui disait il y a seulement 6 mois qu’il ne ferait plus de politique politicienne, demandait pourtant immédiatement des comptes et attendait que le gouvernement dise comment il allait garantir la sécurité des Français. Scénario et dialogues écrits à l’avance.

Il y avait pourtant une fenêtre d’opportunité pour que l’enchaînement des circonstances aboutisse à un autre traitement de cet attentat. Hollande aurait pu rester sur la même ligne… à 14 heures de distance. Il aurait pu réaffirmer que des lois avaient été votées qui donnaient les moyens de lutter contre le terrorisme et qu’il était inenvisageable de vivre en permanence en état d’urgence. Il a préféré aller dans le sens attendu de l’opinion. Pour ma part j’aurais trouvé fort qu’il dise que l’état d’urgence n’était pas la solution face au nouveau crime de masse commis à Nice.

Imaginons alors les suites. La présidence de la République appelle toutes les rédactions pour leur proposer un pacte républicain : traitement factuel et minimal de l’attentat, explications des raisons de ce choix par les directeurs de l’information, organisation de débats sur la manière de faire face à la répétition des attentats dans un régime démocratique. Cette attitude de la Présidence et des médias surprend l’opinion qui après un moment de doute reconnait le bien-fondé de ces orientations. Des voix s’élèvent dans le pays pour dire leur fierté retrouvée devant cette attitude qui rompt avec la veulerie quotidienne. Des voix de personnalités d’abord, puis des voix anonymes, toujours plus nombreuses. Plus qu’après les attentats de 2015, des initiatives se multiplient pour montrer que la société française est vivante, entreprenante et solidaire… Hélas ! ce n’est qu’une uchronie[1], un pas de côté décisif qui n’a pas eu lieu.

Attendrons-nous le quatrième ou le cinquième attentat pour sortir de nos réflexes pavloviens ? Saurons-nous enfin agir autrement que de la manière dont les terroristes attendent que nous agissions ?

Nous avons loupé la fenêtre d’opportunité du troisième attentat. Nous devons nous préparer pour être prêts lors du quatrième. Et si nous nous saisissions du temps de débat républicain que constitue une campagne électorale ?

[1] Une manière de revisiter l’histoire en imaginant qu’un fait historique s’est déroulé autrement (Louis XVVI n’a pas été arrêté à Varennes). Une manière de mettre la fiction au service d’une réflexion politique sur l’histoire comme l’ont bien montré deux historiens Florian Besson et Jan Synowiecki.

 

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