Dans la nuit, « L’affiche rouge »…

Il y a des émotions que l’on a envie de partager. Tout est parti d’une chanson interprétée dans la nuit parisienne sous les colonnes du Panthéon, battues par la pluie. Un hommage qui peinait à sortir de la pompe républicaine, et soudain, la grâce…

Dans la nuit, « L’affiche rouge »…
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La lettre de Manouchian, le poème d’Aragon, la chanson de Ferré, l’interprétation de Feu ! Chatterton. Hier soir au Panthéon, il y a eu cette alchimie sublime et juste des mémoires. Même si les mots du président étaient beaux, convoquant eux aussi Aragon (« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »), ce sera la voix d’Arthur Teboul, claire dans les bourrasques et la pluie, qui restera le symbole de cette nuit parisienne où l’on rendait hommage à Manouchian et à ceux de l’affiche rouge.

Tout disait hier soir combien nos identités sont composites, qu’il n’y a pas à choisir entre être étranger et être Français. On peut être Arménien, juif, ouvrier, poète, communiste, résistant et Français (d’espérance, comme disait Manouchian). Ceux qui cherchent les identités dans des appartenances uniques trouvaient hier un formidable démenti, une vivante démonstration de leur racornissement mortifère. La vie était absolument, évidemment, magnifiquement du côté du métissage identitaire.

On le sait, l’affiche rouge, qui se voulait une preuve de l’infamie des « criminels » des FTP-MOI, est devenue un des symboles de la Résistance. Ce retournement, cette subversion positive des signes, était tellement frappante hier soir puisqu’on honorait des « grands hommes » sous cette affiche qui traitait ces mêmes hommes de criminels.

A nous d’être fidèles à ceux que nous honorons à un moment où l’étranger devient cet Autre que l’on ne veut plus accueillir. A nous d’affirmer que les seules identités réelles et souhaitables sont des identités tissées et métissées.

Hier soir, nous étions tissés ensemble dans les paroles d’une chanson et la voix envoutante d’un homme  et nous étions, un instant, la « patrie reconnaissante ».

Pour voir ou revoir l’interprétation de la Liste rouge par Feu! Chatterton au Panthéon : Manouchian au Panthéon : l’émouvante reprise de « L’Affiche rouge » par Feu! Chatterton (youtube.com)

De guerre lasse

L’expression « de guerre lasse » laisse penser que la guerre pourrait se lasser. Et si c’était vraiment comme ça qu’on sortait des guerres ? Notre lassitude et nos appels à la paix, en tous cas, sont inopérants.

De guerre lasse
Tengyart @Unsplash

Nous commençons 2024 avec deux guerres à nos portes et combien d’autres, meurtrières, en de multiples points du monde. On sait depuis Homère et la guerre de Troie que les guerres commencent souvent pour des motifs futiles mais font jouer des ressorts humains si puissants qu’ils les rendent rapidement inexpiables. Les guerres contemporaines, parce  que nous nous en croyions prémunis, nous semblent aussi folles que criminelles. Pourquoi ces guerres, qui ne peuvent rien régler ? Pourquoi ces pulsions de mort quand nous avons tant besoin de forces de vie pour faire face à l’extraordinaire mutation des nouveaux temps écologiques ?

Depuis plusieurs semaines, je remâche l’expression étrange « de guerre lasse ». Ce féminin est bizarre, ne devrions-nous pas dire « de guerre las » ? Ce sont des collectifs humains qui se lassent de la guerre. Des explications – simplistes ou alambiquées – ont été proposées pour justifier cette terminaison en SSE. Aucune n’est réellement convaincante et je n’arrive pas à m’enlever de la tête que c’est bien la guerre qui, in fine, se lasse. Et quand la guerre elle-même se lasse, elle cesse. Il faudrait n’attendre ni vainqueur, ni vaincu, n’espérer aucune entremise diplomatique, juste que se lasse la guerre, cette entité que les hommes font naître et qu’ils sont bien en peine de stopper. Continuer la lecture de « De guerre lasse »

Hamas, l’hybridation monstrueuse de la guerre et du terrorisme

Essayant de prendre un peu de recul sur l’actualité, j’ai, hélas, déjà eu à écrire sur le terrorisme et sur la guerre. Il me semble qu’avec l’offensive du Hamas du 7 octobre, nous assistons à une hybridation monstrueuse des deux : le terrorisme et la guerre. J’ai essayé de peser mes mots mais intervenir sur ce sujet reste incroyablement complexe. Les compléments, correctifs, demandes de clarifications sont les bienvenus.

Hamas, l’hybridation monstrueuse de la guerre et du terrorisme
Hercules_Killing_the_Lernean_Hydra

Ce qui me pousse à écrire malgré le sentiment d’illégitimité qui m’étreint (même Villepin avouait « marcher sur des œufs » en s’exprimant hier avec force et émotion sur France Inter), c’est le besoin de sortir de la sidération qui écrase toute capacité réflexive. Je ne peux pas – physiquement – en rester à l’émotion qui nous met le cœur au bord des lèvres. Pour moi sortir de la nausée passe par les mots. Ils ne sont pas savants, ils n’apprendront rien à ceux qui les liront. Peut-être donneront-ils, à vous lecteur comme à moi qui les écrit, le sentiment (passager) de ne pas me noyer dans le désespoir. Ecrire me permet de « mettre en mots » les images que j’ai refusé de regarder. Et j’ai choisi une illustration symbolique de mon propos pour, là encore, éviter la surenchère dans l’horreur qui annihile toute prise de distance.

Je ne prétends pour autant pas m’extraire du contexte dans lequel j’écris, celui de la France et de ses querelles. Avec cette question qui a tant occupée nos chaînes info : pouvait-on refuser de qualifier de « terroriste » le raid du Hamas en Israël ? Comme toujours la binarité du propos, le refus dominant de toute mise en contexte au prétexte qu’elle justifierait l’acte même m’a donné envie de dire « ce n’est pas si simple ! » Mais pour autant, je ne voulais pas être assimilé à un défenseur de LFI dont je ne partage pas la vision internationale alors même que je pense comme l’ancien ambassadeur en France, Eli Barnabi, que la droite israélienne est la plus « imbécile » qui soit. Alors j’ai voulu tenter mieux comprendre pourquoi je ne pouvais pas en rester au seul mot de « terrorisme » pour qualifier ce qui venait de se passer. Continuer la lecture de « Hamas, l’hybridation monstrueuse de la guerre et du terrorisme »