J’aime les mots. Les mots ajustés, ceux qui traduisent au plus près ce qu’on cherche à penser, et donc les mots oubliés et les mots nouveaux, les mots réinventés et les mots empruntés… il y a un réel plaisir à en découvrir de nouveaux au fil des lectures et des conversations, de les dénicher avant qu’ils ne soient repris partout comme oxymore ou ubris.
J’aime leur étymologie et leurs aventures. J’ai toujours été fasciné par le réemploi d’une langue à l’autre avec l’oubli de l’emprunt. Budget qui est venu de l’anglais mais que l’anglais nous avait emprunté plusieurs siècles plus tôt en anglicisant la « bougette », petite bourse de cuir ! J’aime aussi les auteurs qui utilisent l’étymologie pour construire leur propos. C’est le cas de Patrick Viveret qui en joue à la perfection. Juste un exemple pour le plaisir : Sidération et Désir. Le capitalisme contemporain produit un effet de sidération, car il provoque une panne d’imaginaire. Or quel est le contraire de la sidération ? L’étymologie nous renseigne sur ce point. Face au « sidus » de l’immobilité de la voûte céleste, la terre était le siège de la vie. « Desidere », racine étymologique du mot désir c’était donc être dans une situation inverse de l’éternelle immobilité : la vie et le mouvement.
Enfin n’oublions pas le bonheur de naviguer avec François Jullien entre nos langues européennes et la langue chinoise. J’aime particulièrement la manière de dire paysage avec les deux mots montagne – eau.
Voici donc des mots à partager, des mots français ou étrangers, des mots simples ou compliqués mais qui composent progressivement l’univers que j’appelle « persopolitique ».