Donativo

Les pèlerins des chemins de Saint-Jacques connaissent ce mot qui n’a pas l’honneur du Robert ou du Larousse. C’est le don que l’on fait à l’hôte qui accueille à l’étape pas seulement pour remercier de l’hospitalité reçue mais aussi pour rendre possible l’accueil du suivant qui n’aura pas forcément les moyens de donner lui-même. C’est un don qui permet la poursuite du don, un don généreux et plus encore générateur. Un « don qui fait naître », don-nativo dans une étymologie imaginaire mais évocatrice. Je connaissais le crédential, le livret où le pèlerin fait certifier son avancée sur le chemin, je ne connaissais pas le donativo. Je l’ai découvert en demandant la signification du nom qu’avait choisi un confrère entrepreneur d’Oxalis pour son activité. J’aime naturellement quand une activité professionnelle reprend un mot ou une expression plus ou moins connue l’ayant pratiqué moi-même avec Maïeutique ou Kasumi-Tei.

Si j’écris sur ce mot c’est bien sûr en raison de mon plaisir de collecteur de mots mais c’est aussi pour garder une trace sur ce blog de cette journée chatelaine, campagnarde, coopérative et caniculaire. (la journée quatre C !). Merci à Patrice d’avoir pris l’initiative de ce travail sur l’élu.e du futur qui nous a donc réunis, à une douzaine, dans une belle demeure familiale aux marges du Morvan. Un temps de don mutuel et certainement générateur d’aventures partagées !

éluctable

Un mot qui ne demande qu’à exister, puisque son contraire existe ! et il est bien plus utile pour nous aider à avancer. Alors, si nous l’adoptions ?!

L’inéluctable est tellement sûr de son fait, qu’il est le contraire d’un mot qui n’existe pas : éluctable. Nous vivons de plus en plus dans un monde qui soupire sous le poids de l’inéluctable. Même la fin du monde apparaît désormais à beaucoup impossible à éviter. A la génération de mon père tout semblait au contraire possible. Quel retournement spectaculaire, spectral plutôt. Découvert sous la plume de Jean-Pierre Texier[1], l’éluctable est un mot que j’adopte d’emblée, avec joie et reconnaissance. L’éluctable, c’est l’anti-fatum, le pied de nez au destin ou plutôt le refus volontaire et combattif de la désespérance, l’inlassable capacité à se dire « Et si… » pour rouvrir des possibles. Il y a une complaisance maladive et paresseuse à se dire qu’on n’y peut rien, que tout est joué d’avance. On me traite souvent d’indéfectible optimiste. Je ne suis pas optimiste mais joueur. Tant que la partie n’est pas finie, un retournement est toujours envisageable. Nous ne manquons de rien dans notre monde suralimenté, nous manquons simplement, cruellement d’imagination et d’envie de rester dans le jeu. Qui avait imaginé avant la semaine dernière que l’abstention pourrait reculer dans un scrutin européen censé ne plus intéresser grand monde ? Qui aurait parié sur une montée en puissance des écologistes ? Pas moi en tous cas, gagné insidieusement par l’inéluctabilité. Après huit jours passés au milieu des splendeurs de la Toscane, j’ai envie de croire que le déclin de l’Europe et donc du monde est encore éluctable ! Pas seulement évitable, comme on évite un obstacle mais éluctable, comme on lutte pour ce à quoi on tient plus que tout.

l’illustration est extraite du blog de collage de RaphaëlleCD

[1] Dans In extremis, le volume 2 de la BibliotheK Sauvage, flâneries éclectiques . poétiques. politiques https://www.bibliotheksauvage.com/publications/

 

Chtôn

Une autre manière de dire la fragilité de notre monde !

Non, je n’ai pas oublié le A de chaton comme me le suggérait gentiment Google quand j’ai lancé une recherche sur Chtôn. Chtôn nous est d’évidence moins familière que les vidéos de chatons trop mignons! On connait plus ou moins l’adjectif chtonien qui évoque les forces telluriques les plus obscures. Chtôn est en fait la déesse grecque primordiale de la Terre, avant de s’appeler Gaïa. J’ai découvert ça dans la recension du livre de Franco Farinelli, géographe de l’université de Bologne, et dont le titre m’a interpelé « l’invention de la Terre ». Quand Chtôn épouse le Ciel, celui-ci lui offre un manteau couvert de forêts, de rivières et de palais. En géographe, Farinelli voit dans ce manteau une évocation des cartes qui sans cesse tentent de saisir la réalité de la Terre mais dans une représentation toujours infidèle, toujours abstraite. J’ai plutôt envie de voir dans ce manteau offert comme cadeau de noce, ce qu’on appelle aujourd’hui la « zone critique », cette fine couche de terre, d’eau et d’air qui entoure la Terre et la rend habitable. Sans son manteau, Gaïa n’est plus que Chtôn une réalité géologique invivable, une sphère perdue dans l’immensité du vide intersidéral. La vie sur Terre tient donc à peu de choses : un habit et un baptême (le don d’un nom qui fait exister). N’oublions pas qu’habit et habiter c’est la même origine. Ici l’habit est la possibilité même d’habiter. Gaïa, notre Terre, n’est habitable que dans une fragilité extrême : l’ajustement d’un vêtement et le fait d’être (re)nommée.  Et nous n’y prêtons pas garde. L’extractivisme dont nous l’accablons depuis la révolution industrielle troue de toute part son manteau et nous avons oublié le respect dû au fait qu’à défaut d’être une déesse, elle est indéniablement vivante. Gaïa résiste encore mais Chtôn déjà réapparait, comme dans ces films fantastiques où le visage des monstres se déchire laissant entrevoir l’horreur.

Ce matin, je prends la route pour la Toscane, un de ces points du globe où l’idée de manteau de Gaïa prend une évidence particulière. Oublier Chtôn quelques jours et célébrer Gaïa !

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