Non, je ne pense pas transformer le monde au travers d’un blog ! Pas de prise de pouvoir en vue. Pas de grand soir. Mais de l’empowerment personnel, oui ! Le mien d’abord, parce qu’il est le plus évident. Celui qui émet reçoit : je retrouve des personnes, renoue des contacts, partage réflexions et envies d’agir – j’y reviendrai. Celui de ceux qui lisent ensuite. J’en ai eu un bel exemple ce soir. Bruno que je n’ai pas revu depuis plusieurs années me confie qu’il lit régulièrement mes écrits et que ça stimule sa propre réflexion, lui donne envie d’écrire sur sa propre expérience. Il me dit qu’il n’arrive pas à se lancer. Je l’écoute et lui dit que son projet a du sens, que j’en serai un lecteur intéressé. Je sens que ça lui donne une impulsion pour se jeter à l’eau. En raccrochant, il évoque les devoirs de vacance qu’il lui reste à faire ! Rien d’extraordinaire dans cet échange mais c’est bien du pouvoir qui circule, et c’est bien le blog qui le rend possible. Ce n’est pas seulement un média, c’est une occasion d’interactions. Pas de simples échanges amicaux, des échanges centrés sur le besoin de ne pas se contenter du monde tel qu’il est. Deux énergies renforcées : la sienne (je l’espère, mais le ton de sa voix le disait) ; la mienne, puisque je me suis mis à écrire plutôt que de m’affaler devant la télé après une semaine encore bien dense.
Thierry Crouzet écrivait récemment sur son blog qu’il désertait les réseaux sociaux, trop encombrés et qu’il retrouvait le plaisir des échanges vrais permis par le blog, comme on peut en avoir dans un café tranquille. Bien d’accord avec lui !
Dans notre société (dite à tort) de communication, on ne cesse de se parler pour ne rien se dire. Je trouve très symptomatique que l’un des principaux réseaux sociaux s’appelle « gazouillis » ! Twitter, n’est-ce pas adopter un comportement d’oiseau et piailler avec les autres ?
Je reviens au contenu des échanges. Je prends volontairement deux exemples qui n’ont apparemment rien à voir mais qui tous les deux font explicitement référence à l’empowerment.
Le premier exemple, celui de Georges avec qui j’ai renoué une relation toujours grâce au blog, en alternant échanges épistolaires (électroniques, je n’ai pas encore repris la plume !) et rencontre à Paris (un petit resto vietnamien près du Jardin des Plantes) et à Lyon (en terrasse au bord du Rhône). On se quitte en se disant qu’il serait intéressant d’écrire sur la diversité des champs où se joue la question de l’empowerment. Lui travaille sur les questions de santé, sur le rétablissement des personnes à côté du soin des corps et de leurs maladies. Il me passe un très beau texte (Se rétablir – Bernard Pachoud 2012) dont je reprends ici deux courts extraits.
[On passe] d’un objectif médical – la rémission des troubles – à un objectif social – la réinsertion – et existentiel – le réengagement dans un projet de vie. Ce changement d’objectifs justifie le recours à des stratégies faisant appel à des ressources et des principes différents. Dans le cadre médical, des exigences d’ordre épistémique : connaître la nature des troubles, leur mécanismes générateurs, en vue d’optimiser l’efficacité du traitement. Dans la perspective du rétablissement, l’objectif de reprendre un contrôle sur sa vie requiert une priorisation de l’exigence éthique sur le savoir – l’exigence d’autodétermination en
particulier.Cette restitution, ou cette réappropriation du pouvoir de choisir, de décider et d’agir, est précisément ce que recouvre la notion d’empowerment. C’est bien de « questions de pouvoir » qu’il s’agit, donc de questions politiques, qui en soulèvent une série d’autres : Quoi ou qui a privé cette personne de ce pouvoir ? Certes sa maladie. Mais qu’en est-il des institutions ? Comment soutenir la personne dans sa démarche de réappropriation du pouvoir de choisir, de décider et d’agir ?
Le second exemple, celui d’Yves Cabannes, pas revu depuis notre travail commun pour le conseil régional Nord-Pas de Calais… en 2009 si je ne me trompe pas. Il m’envoie par mail, en réaction au billet sur le « projet d’alliance », une info sur la démarche éditoriale qu’il a entreprise pour présenter les initiatives prises à travers le monde pour dire qu’une « autre ville est possible ». Je découvre à cette occasion le site CITEGO où cette collection sera publiée de 2013 à 2015. Lui aussi pointe le besoin d’alliances pour sortir de l’isolement : « […] Or si chacun de ces éléments se développe remarquablement dans de nombreuses régions du monde, leur combinaison n’est pas développée, en partie par manque de dialogue entre les acteurs de chacun de ces processus sociaux. Il y a donc un double enjeu à documenter ces expériences novatrices et développer des liens entre elles, mais aussi et surtout entre les acteurs qui en sont les porteurs. En effet, c’est par leur union, ou du moins leurs alliances, ponctuelles et globales qu’un changement d’échelle et de radicalisation pourra être atteint ».
Je vais réfléchir cet été à la manière dont peuvent s’amorcer ces alliances en partant de ce que j’évoquais au début de ce texte : l’énergie qui circule entre les personnes. L’alliance que j’imagine est à l’image des connexions neuronales : relier le maximum de personnes au travers d’un maximum de sujets pour éviter de rester dans des logiques de clans et de chapelles sans créer non plus une organisation centralisée à la fois illusoire et en contradiction avec l’idée même d’empowerment. Les connexions ne sont pas seulement des lieux de mutualisation, ce sont des lieux de recomposition des projets et de ré-energisation (je ne trouve pas de mot). Relancer des Ateliers de la citoyenneté à une vaste échelle ? Développer les agir-cafés expérimentés à Lyon depuis un an (si on parvient à sortir des logiques trop limitatives de l’accompagnement individuel) ? Créer des espaces de réflexion/action d’un nouveau type ? Voilà de quoi gamberger lorsque je sillonnerai à vélo les chemins de Charente où je pars mardi prochain ! Bonnes vacances à tous ceux qui en prennent et bel été à tous.