Comment intéresser les jeunes à la démocratie ?

« La démocratie n’intéresse plus les jeunes ». L’enquête publiée par Le Monde fin février est inquiétante. Les campagnes pour le vote n’y changeront rien ! C’est la démocratie qui doit changer.

Les jeunes au bord de la révolte ? Dans un article intitulé « Frustrée, la jeunesse rêve d’en découdre » Pascale Kremer rend compte d’une étude originale. C’est en effet l’analyse d’un questionnaire mis en ligne … par France Télévisions et auquel ont répondu 210 000 jeunes. Une mobilisation plutôt inhabituelle qui montre clairement une envie de prendre la parole.

La journaliste la résume en quelques phrases nettes :

Besoin d’expression étouffé. Frustrations de ne pas avoir de place, de n’obtenir aucune reconnaissance sociale, de ne pouvoir devenir des citoyens à part entière, dotés d’un travail et d’un logement. Trajectoires déviées parce que l’emploi trouvé ne correspond pas aux études. Craintes pour l’avenir. Défiance vis-à-vis du politique…

Cécile Van de Velde une des sociologues responsables de l’enquête, précise :

Ce sont des gens informés, qui ne se fichent pas de la politique, qui ont des habitudes participatives liées à l’usage des réseaux sociaux. Mais l’offre politique ne répond pas à leurs attentes. La démocratie ne s’adresse pas à eux.

Les jeunes ne sont pas dans la résignation. Il y a une énergie latente, comme en 1968 », perçoit Cécile Van de Velde. En temps de crise, explique-t-elle, on peut adopter une stratégie d’adaptation au système (loyalty), de départ (exit), ou de révolte (voice). «Loyalty pourrait bien se transformer en voice si rien ne bouge… Il suffit d’une étincelle…

Enfants de soixante-huitards, les jeunes ne croient pas particulièrement à la révolte, il me semble. Pour eux, elle est sans doute plutôt associée à l’insouciance de leurs parents et aux années 60-70. On est très loin de ce temps-là. En 2014, il n’y a pas de rejet du vieux monde. Il y a au contraire une demande énorme de normalité. C’est la société qui ne veut pas des jeunes aujourd’hui, en 1968, c’étaient les jeunes qui ne voulaient pas de la société.

Mais ne peut-on rien imaginer d’autre que la résignation ou la révolte« La démocratie ne s’adresse pas à eux » dit-elle. En écho Camille interviewée par Le Monde constate : « Les politiques ne changent pas notre vie ». La génération arrivée au pouvoir en 1981 prétendait pourtant « changer la vie ». Que faire de « l’énergie latente » dont parle la sociologue ?

Quand il existe une « offre » qui leur est précisément adressée, ils s’en saisissent. Le succès du service civique est assez significatif à cet égard. Pas seulement pour un succédané d’insertion professionnelle pour temps de crise mais bien pour un engagement qui a du sens. Alors qu’on en parle très peu, ils sont maintenant chaque année près de 25 000 à s’y inscrire. François Chérèque, le nouveau président de l’agence du service civique table sur 35 000 jeunes en service civique en 2014.

Quelle offre démocratique pourrait s’adresser aux jeunes, et au-delà à tous ceux qui se détournent du politique ?

Quand on va sur le site du Cidem, l’organisme officiellement en charge de promouvoir la participation à la vie démocratique, on ne peut être qu’atterré. Le document qui est censé donner envie est en fait un manuel d’instruction civique avec des Marianne en couverture et un titre qui se passe de commentaire : « La République, son histoire, ses symboles, ses valeurs » !

www cidem
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Il faut absolument sortir de cette vision d’une République en surplomb, purement conçue sur le registre de la rationalité désincarnée. Sans prétendre proposer ici LA solution, essayons quand même de définir les approches qui peuvent répondre à la culture contemporaine de ceux qui ont 20 à 30 ans. J’en vois quatre, complémentaires les unes des autres : « persopolitique », participative, ludique et médiatique.

Persopolitique, c’est partir des personnes telles qu’elles sont et voir comment elles se relient naturellement pour les amener à élargir, de proche en proche, leur prise en compte des autres dans une logique politique (vie de la cité). C’est l’inverse de l’approche descendante, celle des valeurs républicaines que l’on inculque.

Participative, c’est privilégier le collaboratif, l’échange, qui sont au cœur de la culture de nombreux jeunes, en leur laissant le plus possible l’initiative contrairement à tant de démarche de démocratie participative qui sont trop souvent de nouvelles manières d’enrôler

Ludique, parce que l’esprit de sérieux tue toute spontanéité, crée de la distance entre sachants et profanes alors que je jeu met chacun à égalité, oblige à sortir des postures et des rigidités (on met du jeu dans les rouages), entraîne dans une même aventure (on se prend au jeu)

Médiatique, car la vie est autant celle qu’on vit que celle qu’on voit.

Place à l’imagination ! Sur ce sujet aussi le Laboratoire de la Transition Démocratique va bientôt être force de proposition…

 

Autorité ? et si on se trompait de quête ?

Notre quête légitime d’autorité conduit à rechercher « l’homme providentiel ». Et si on prenait la question autrement ?

 

Reculade, couac, renoncement, enterrement : le report de l’examen du projet de loi sur la famille donne une nouvelle occasion à la presse de se gausser d’un exécutif jugé décidément incapable d’autorité. On sait cependant que la critique inverse est immédiatement faite quand un exécutif « passe en force », est « sourd aux demandes de la rue »,… Mais ici ce qui frappe et qui a priori légitime le point de vue des éditorialistes, c’est que le gouvernement a vraiment vite reculé. La loi sur le mariage homosexuel avait été maintenue alors que les mêmes étaient dans la rue, depuis plus longtemps et beaucoup plus nombreux. On avait donc cette fois-ci plutôt l’impression d’assister à un baroud d’honneur qu’à une pression irrésistible. Le recul du gouvernement semble donc sans réelle logique.

Pourquoi alors ce sentiment de malaise devant le déferlement de critiques puisque je suis, comme chacun, frappé de cette conduite brouillonne de l’action gouvernementale ? Sans doute parce que ce qui ressort de tout ça est moins une demande de conduite efficace de l’action publique qu’une demande de chef que l’on suit. L’éditorial de Thomas Legrand sur France Inter disait à la fois quelque chose de très juste par rapport à la réalité de notre régime politique…. et en même temps de totalement inacceptable si l’on veut une démocratie vivante.

Dans la Vème République il faut que le président dise ce en quoi il croit. Et il y a encore trop de domaine pour lesquels on ne sait pas quelle est la conviction profonde de François Hollande ! Sa volonté de ne pas brusquer la société de ne pas être péremptoire et cassant est mal exprimée et ressemble à de la faiblesse ou du calcul cynique.

Il insiste :

Le sentiment général est, encore une fois, que l’exécutif a raté, dans les grandes largeurs, ce débat de société. Pour une raison principale, toujours la même : manque de clarté dans l’affirmation des convictions ! Le travail de clarification présidentielle tout azimut, débuté avec l’année 2014 n’est donc pas encore totalement achevé !

Quel paradoxe ! On veut être pris en compte dans le cadre d’un débat démocratique où chacun peut s’exprimer et on veut tout autant que le chef parle, pour s’aligner ou contester. Le principe majeur de la démocratie est pourtant ce que les grecs appelaient « l’iségoria », le droit à la parole égale pour tous. Nulle préséance du chef qui dirait sa conviction en préalable à toute discussion. Si c’est ça, la démocratie vire au plébiscite.

On m’objectera (et on l’a déjà fait lorsque j’ai testé mon propos avec celle qui partage ma vie mais pas toujours mes opinions !) : les réformes de société ne sont faites que lorsqu’un exécutif assume son rôle d’éclaireur.  C’est bien parce que Mitterrand le voulait contre l’avis de l’opinion que la peine de mort a été abolie. L’argument porte mais il faut tenter d’aller plus loin.

Opposer la vision du dirigeant politique clairvoyant au conservatisme de la population ne tient que parce qu’on confond l’opinion telle qu’elle s’exprime dans un sondage et l’expression collective des citoyens. Celle-ci n’a de réelle portée que lorsqu’elle est issue d’une délibération collective après un débat contradictoire. Force est de constater que le sondage d’opinion ne correspond pas à ces critères. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une technique très utilisée aux Etats-Unis mais très peu en France, celle du sondage délibératif montre qu’il y a un écart notable entre l’opinion mesurée avant la délibération d’un jury tiré au sort et l’opinion mesurée à nouveau à l’issue du débat collectif. Confondre l’opinion avec l’expression politique des citoyens est donc extrêmement dommageable. Cela ne veut pas dire pour autant que le résultat d’une délibération citoyenne serait nécessairement progressiste mais cela veut dire que l’on peut sur des sujets où l’opinion d’un seul, même s’il a été élu, ne garantit pas l’acceptabilité sociale d’une réforme, chercher à construire collectivement ce qu’on appelle légitimement un « choix de société ». Rien n’empêchera le Président de peser dans le débat, d’affirmer clairement l’option qu’il préfère mais il acceptera que le choix final ne lui appartienne pas. Ce qui, soit dit en passant, est normalement déjà le cas puisque c’est le Parlement qui est censé avoir aujourd’hui le dernier mot. (On a d’ailleurs vu un début de rébellion parlementaire chez les socialistes à propos de la loi sur la famille qui me semble pleinement légitime)

Ce débat sur le manque d’autorité de l’exécutif est donc révélateur de notre incapacité à sortir de la monarchie républicaine. Dominique de Montvallon le constatait avec justesse dans une analyse publiée dans Le Monde à propos de la propension des Français à attendre l’homme providentiel pour les sortir d’une situation politique qui leur apparaît bloquée.

L’aspiration à un « vrai » chef, clé de voûte d’un système qui fonctionne mal : on ne saurait mieux décrire en si peu de mots ce qu’est devenue notre Ve République, rongée de l’intérieur par l’illusion sur laquelle elle a été bâtie. Cette illusion, qui est restée très prégnante dans l’imaginaire collectif, est celle de l’homme providentiel.

Il pointe bien l’écart entre la réalité des pouvoirs et notre pratique politique

Dans la « vie réelle », les centres de décision se sont déplacés, complexifiés et multipliés, sous l’effet conjugué des traités européens et de la mondialisation. Un tel contexte aurait dû nous inciter à moderniser nos institutions, renforcer les contre-pouvoirs et rétablir des lieux de débats. Mais nos règles du jeu ne s’y sont pas adaptées, bien au contraire. La personnalisation du pouvoir a renforcé le caractère monarchique du régime.

le président [normal]s’est remis sur le devant de la scène afin de raffermir une autorité dont on n’a eu de cesse de répéter qu’elle lui faisait défaut. Derrière lui, plus aucune tête ne dépasse ; ni au gouvernement ni dans la majorité. […] Point de débat, sauf ceux – si peu structurés – qui sont orchestrés en marge de cette vie politique, sur les réseaux sociaux et/ou dans la rue.

Il concluait d’une manière que je ne peux qu’approuver :

N’aurait-on pas besoin de nouvelles règles du jeu plutôt que de l’illusion d’un « vrai chef » ?

Dominique Rousseau, le constitutionnaliste que je citais récemment, disait aussi en novembre dans Le Monde

Les présidents sont enfermés dans le temps de l’Etat, incapables de saisir le rythme de la société. La « décision » Leonarda – inviter la jeune fille à revenir mais laisser ses parents au Kosovo – en est le parfait exemple : elle est une belle synthèse rationnelle dans la tête de l’Etat, mais un salmigondis dans la tête de la société.

Il voit dans les institutions « un bouclier » qui protège le Président. Et il s’interroge :

Mais un bouclier protège des ennemis. Les citoyens seraient-ils les ennemis dont il faudrait se protéger ? Les institutions doivent être, à l’inverse d’un bouclier, les canaux de communication entre les gouvernants et les gouvernés. Or, aujourd’hui, ces canaux sont bouchés et la société en cherche d’autres pour se faire entendre.

Si l’on veut éviter que la solution ne soit trouvée dans le recours à l’homme providentiel (ou pire au Lepénisme qui en est la version désespérée et désespérante), il faut bien remettre sur le tapis la question des institutions ou plus largement des « règles du jeu démocratique ». Là encore je partage l’avis de Dominique Rousseau :

En France, on bricole : un jour, on modifie la durée du mandat présidentiel, un autre les compétences du Parlement, un autre encore les pouvoirs du Conseil constitutionnel. Résultat : aucune vision d’ensemble. […] La question institutionnelle est considérée comme secondaire ».

Pour lui c’est au contraire une question essentielle :

C’est une question sociale car les institutions sont ce qui fait tenir debout une société. Sans elles, la société ressemblerait aux montres de Salvador Dali !

OUI, il faut revoir les règles du jeu démocratique pour que l’on sorte de l’alternative impossible entre l’impuissance gouvernementale  et l’autorité de l’homme providentiel. Et comme le disait excellemment Etienne Chouard :

Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir

Nous sommes tout un groupe, autour de Patrice Levallois à travailler à la concrétisation de cette idée… à suivre !

 

La parole des invisibles

L’initiative de Pierre Rosanvallon pour représenter les invisibles a eu un réel succès… et quelques critiques. Essai de décryptage.

Je reçois souvent des mails ou des sms pour me signaler un texte, une initiative. C’est pourtant la première fois que je reçois autant de signalements pour le même fait. Manifestement l’initiative de Pierre Rosanvallon est une réussite,… au moins en termes de notoriété ! Est-ce aussi une initiative qui sert la démocratie comme elle en a l’ambition ? Il est intéressant de creuser pour tenter de voir ce qui relève de la bonne idée, de l’éventuel faux-semblant,… et des suites à donner possibles.

Pour ceux qui ne sont pas au courant, un rappel rapide : partant du constat que la société n’est plus représentée dans sa diversité, Pierre Rosanvallon lance une collection de livres pour donner à voir des parcours de vie aujourd’hui invisibles dans l’espace public (un cariste dans un entrepôt comme un chercheur dans son laboratoire) et un site de type réseau social pour recueillir et partager des histoires de vie. Le site s’appelle explicitement raconterlavie.fr. Rosanvallon publie à cette occasion « Le parlement des invisibles » qui précise la philosophie du projet. « Face à la mal-représentation par les partis, qui conduit à idéologiser et à caricaturer la réalité, il faut construire une représentation-narration pour que l’idéal démocratique reprenne vie et forme ». Pour lui cette initiative sera « authentiquement démocratique parce qu’elle tissera, à partir de multiples récits de vie et proses de parole, les fils d’un monde commun ». Il ajoute : « on ne devient acteur de sa propre vie que si […] on a les moyens de resituer son expérience dans une vision plus large de l’émancipation humaine ». Il parle de « communauté d’expérience, de relier son « je » à un « nous ».

Ambition forte donc pour cette « démocratie narrative » mais complémentaire des autres formes de renouvellement démocratique, la démocratie participative et la démocratie délibérative. Pour autant, Rosanvallon insiste à juste titre, sur le fait que la refondation démocratique ne peut se limiter au régime politique, qu’il faut réinventer la démocratie « comme forme de société ». Les lecteurs de ce blog savent que je parle pour la même raison de « démocratie sociétale ».

Pierre Rosanvallon a été interrogé dans de multiples médias sur son initiative. Je reprends ici quelques extraits :

Dans Télérama

Si le monde politique perçoit à peu près les changements de mœurs, comme on l’a constaté avec la loi sur le mariage pour tous, pour le reste, la société lui est devenue terra incognita. C’est grave. […] La non-représentation nourrit le désarroi social et une indifférence, voire une haine croissante à l’égard du monde ¬politique. Si on ne rétablit pas cette demande [de représentation] dans sa justesse, on laisse grossir le fantasme d’un « peuple » uni et en colère face à un monde politique qui l’aurait abandonné. Or ce « peuple » n’est pas un bloc de marbre. Il faut décrire le monde social dans sa diversité. Il en résultera plus de solidarité, car c’est bien l’ignorance d’autrui qui produit la « désolidarité » sociale, en ravalant chacun à un stéréotype : le chômeur assisté, le Rom voleur…

Dans Philosophie magazine :

Cette « terrible ignorance » (une expression de Michelet) est entretenue par trois « écrans » constituant « le paradoxe de l’invisibilité sociale » : l’hypervisibilité de quelques-uns – dont les médias sont l’expression – fait écran aux voix les plus faibles ; la prolifération de mots «fourre-tout» – le « peuple », les « travailleurs », etc. – masque sous une réalité de papier une réalité complexe et nuancée ; les stéréotypes – « bobos », « cité », « immigrés »… – enfouissent la réalité sous les fantasmes. Un remède contre cette « terrible ignorance », qui rend la société illisible : la représentation. Et une conviction : il est temps de « s’approprier le monde et dire la vérité des existences par de multiples voies ».

Si l’intérêt pour l’initiative prise est évident, il est utile de voir aussi ce qui est reproché à Rosanvallon. Il me semble que le point de vue de Christian Salmon dans son blog de Mediapart est emblématique de cette critique. Laissons de côté l’accusation de « soumission à l’air du temps » ou au contraire l’affirmation que le projet n’a rien d’inédit ». Deux reproches sont plus consistants :

L’injonction au récit vient parachaver le projet néolibéral de transformer les individus en performer de leur propre histoire.

Une démarche politico-citoyenne irréfléchie qui prétend lutter contre la crise démocratique et l’essor du FN en mobilisant la même catégorie, le même fantasme des « invisibles ». C’est au fond la résurgence du vieux projet néolibéral qui souhaite mobiliser contre les fractions syndicalisées du salariat ou ses minorités trop « visibles » et trop bruyantes une mythique majorité « silencieuse »…

La première critique oblige à se poser la question de la « parole » en démocratie. Le récit de vie est-il une parole démocratique ? Sans doute pas si cette parole est simplement du narcissisme, comme parfois la blogosphère le laisse penser. Mais ne voir dans ces récits que de l’étalage complaisant est terriblement élitiste. Cette parole, sans la médiation du politique ou de l’universitaire (sociologue, anthropologue,…) a une valeur en soi. Je peux en témoigner comme beaucoup de participants à l’aventure des Ateliers de la citoyenneté. Elle aide les personnes à passer de l’expérience personnelle à l’aventure partagée. Pour autant, deux conditions me semblent indispensables pour qu’elle prenne toute sa valeur : qu’elle soit reçue et qu’elle soit un point de départ. Si la parole tombe dans un grand réceptacle et qu’elle s’y noie, faute de réaction, on n’a pas progressé vers la création du « commun ». Le risque de l’initiative de Rosanvallon est dans sonéventuel trop grand succès Pour que les paroles se tissent, elles doivent rester dans un cadre à taille humaine ce que ne permet pas toujours internet. Mieux vaut une multitude de lieux de mise en visibilité. Le risque de la démesure existe même dans les projets citoyens ! Il faut donc trouver en complément d’autres manières de rendre visibles les invisibles. Utopique ? pas tant que ça ! A un moment où les instits étaient devenus les « invisibles de la République », la télé a su mettre à l’écran une série (l’Instit, avec Gérard Klein) qui a eu un réel retentissement et a contribué à la revalorisation de la profession ! (j’ai appris récemment par celui qui est à l’origine de la série que cette intention était clairement affirmée au lancement du projet).

Parole reçue donc mais aussi parole point de départ. La parole permet effectivement le passage du « je » au « nous » quand les fils sont tirés. Quand on peut passer de l’expression d’un point de vue au discernement collectif. Les paroles, encore une fois, doivent se frotter pour se polir comme des galets. Elles doivent s’enrichir mutuellement pour construire du nouveau qui deviendra peut-être du commun et donc de la coopération, du projet, de l’action politique (même à toute petite échelle). Je reprends un exemple qui me revient en mémoire, un échange au cours d’une rencontre organisée sur les jardins partagés. Plusieurs personnes présentent différentes formes de jardin partagé et, au bout d’un moment, une vieille dame prend la parole pour dire que tout ça ne la concerne pas vraiment car elle, elle a un jardin mais elle n’arrive plus à s’en occuper. Un échange s’engage alors qui permet de préfigurer une autre forme de partage, celui d’un jardin privé qui s’ouvre à des personnes sans jardin mais ayant envie de jardinage. Depuis, j’ai appris que des associations avaient organisé ce type de rapprochement. La parole, même bougonne, si elle est reçue et « travaillée » peut produire du commun.

On en vient alors à la deuxième critique, celle d’une dépolitisation par le choix de faire émerger une parole des invisibles plutôt que d’entendre la parole engagée des militants politiques et syndicaux plus apte à bouleverser l’ordre établi. Oui, il faut reconnaître que la parole spontanée des invisibles n’est que rarement idéologiquement structurée. Elle peut être forte comme un cri ou un appel mais elle est trop nourrie de l’expérience de vie pour déboucher a priori sur une revendication précise. Est-ce un mal ? Oui si cela sert à contenir toute volonté de transformation du monde. Mais je crois à l’inverse que dans un monde DEJA largement dépolitisé, il est plus pertinent de partir du personnel pour construire progressivement du collectif que de tenter de rallier directement des personnes à des combats idéologiques. C’est en tous cas la voie que je privilégie avec constance tant aux Ateliers de la Citoyenneté qu’au travers de ce blog, qui ne s’appelle pas par hasard… persopolitique !

En lançant le Laboratoire de la Transition Démocratique – dont je vais très bientôt expliciter le projet et pour lequel les bonnes volontés
seront les bienvenues ! -, je cherche néanmoins à franchir une étape. Construire un cadre cohérent de réflexion et d’expérimentation pour renouveler nos pratiques démocratiques. Toute initiative isolée hors des sentiers balisés du démocratiquement correct est vite taxée d’illégitimité, même pour un intellectuel reconnu comme Rosanvallon ! C’est la raison pour laquelle je pense qu’il faut agir en même temps sur plusieurs « fronts » : celui des représentations, celui de l’ingénierie démocratique (le vote comme principal outil est décidément trop limité !), sans oublier la mise en pratique par l’expérimentation d’alliances et la médiatisation. Plus de détail… très vite !!

 

 

 

 

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