Les jeunes au bord de la révolte ? Dans un article intitulé « Frustrée, la jeunesse rêve d’en découdre » Pascale Kremer rend compte d’une étude originale. C’est en effet l’analyse d’un questionnaire mis en ligne … par France Télévisions et auquel ont répondu 210 000 jeunes. Une mobilisation plutôt inhabituelle qui montre clairement une envie de prendre la parole.
La journaliste la résume en quelques phrases nettes :
Besoin d’expression étouffé. Frustrations de ne pas avoir de place, de n’obtenir aucune reconnaissance sociale, de ne pouvoir devenir des citoyens à part entière, dotés d’un travail et d’un logement. Trajectoires déviées parce que l’emploi trouvé ne correspond pas aux études. Craintes pour l’avenir. Défiance vis-à-vis du politique…
Cécile Van de Velde une des sociologues responsables de l’enquête, précise :
Ce sont des gens informés, qui ne se fichent pas de la politique, qui ont des habitudes participatives liées à l’usage des réseaux sociaux. Mais l’offre politique ne répond pas à leurs attentes. La démocratie ne s’adresse pas à eux.
Les jeunes ne sont pas dans la résignation. Il y a une énergie latente, comme en 1968 », perçoit Cécile Van de Velde. En temps de crise, explique-t-elle, on peut adopter une stratégie d’adaptation au système (loyalty), de départ (exit), ou de révolte (voice). «Loyalty pourrait bien se transformer en voice si rien ne bouge… Il suffit d’une étincelle…
Enfants de soixante-huitards, les jeunes ne croient pas particulièrement à la révolte, il me semble. Pour eux, elle est sans doute plutôt associée à l’insouciance de leurs parents et aux années 60-70. On est très loin de ce temps-là. En 2014, il n’y a pas de rejet du vieux monde. Il y a au contraire une demande énorme de normalité. C’est la société qui ne veut pas des jeunes aujourd’hui, en 1968, c’étaient les jeunes qui ne voulaient pas de la société.
Mais ne peut-on rien imaginer d’autre que la résignation ou la révolte ? « La démocratie ne s’adresse pas à eux » dit-elle. En écho Camille interviewée par Le Monde constate : « Les politiques ne changent pas notre vie ». La génération arrivée au pouvoir en 1981 prétendait pourtant « changer la vie ». Que faire de « l’énergie latente » dont parle la sociologue ?
Quand il existe une « offre » qui leur est précisément adressée, ils s’en saisissent. Le succès du service civique est assez significatif à cet égard. Pas seulement pour un succédané d’insertion professionnelle pour temps de crise mais bien pour un engagement qui a du sens. Alors qu’on en parle très peu, ils sont maintenant chaque année près de 25 000 à s’y inscrire. François Chérèque, le nouveau président de l’agence du service civique table sur 35 000 jeunes en service civique en 2014.
Quelle offre démocratique pourrait s’adresser aux jeunes, et au-delà à tous ceux qui se détournent du politique ?
Quand on va sur le site du Cidem, l’organisme officiellement en charge de promouvoir la participation à la vie démocratique, on ne peut être qu’atterré. Le document qui est censé donner envie est en fait un manuel d’instruction civique avec des Marianne en couverture et un titre qui se passe de commentaire : « La République, son histoire, ses symboles, ses valeurs » !
Il faut absolument sortir de cette vision d’une République en surplomb, purement conçue sur le registre de la rationalité désincarnée. Sans prétendre proposer ici LA solution, essayons quand même de définir les approches qui peuvent répondre à la culture contemporaine de ceux qui ont 20 à 30 ans. J’en vois quatre, complémentaires les unes des autres : « persopolitique », participative, ludique et médiatique.
Persopolitique, c’est partir des personnes telles qu’elles sont et voir comment elles se relient naturellement pour les amener à élargir, de proche en proche, leur prise en compte des autres dans une logique politique (vie de la cité). C’est l’inverse de l’approche descendante, celle des valeurs républicaines que l’on inculque.
Participative, c’est privilégier le collaboratif, l’échange, qui sont au cœur de la culture de nombreux jeunes, en leur laissant le plus possible l’initiative contrairement à tant de démarche de démocratie participative qui sont trop souvent de nouvelles manières d’enrôler
Ludique, parce que l’esprit de sérieux tue toute spontanéité, crée de la distance entre sachants et profanes alors que je jeu met chacun à égalité, oblige à sortir des postures et des rigidités (on met du jeu dans les rouages), entraîne dans une même aventure (on se prend au jeu)
Médiatique, car la vie est autant celle qu’on vit que celle qu’on voit.
Place à l’imagination ! Sur ce sujet aussi le Laboratoire de la Transition Démocratique va bientôt être force de proposition…