Nature

L’étymologie peut servir à se réconcilier avec des mots. Prenez Nature. Voici un mot que j’ai toujours utilisé avec réticence. Son origine latine peut lui redonner un sens plus … actuel !

La Nature, pour moi, n’existe pas. Parler de nature pour dire d’un environnement qu’il n’est pas affecté par l’homme est toujours trompeur. La quasi-totalité de nos paysages ont été façonnés par l’homme. Il n’y a pas d’extériorité de la nature, nous ne pouvons pas « aller dans la nature » comme dans un monde à part.

De même la nature, au sens de ce qui caractérise quelqu’un, son identité, est tout autant impropre, comme si nous avions une nature fixée de toute éternité. Nos identités se recomposent sans cesse, tout au long de notre vie. Pourtant le mot nature ,  venant de natus (né), évoque le début d’un processus vital, rien de figé donc. Pour Bruno Latour (dans son dernier livre Où atterrir ?), « la natura latine pourrait se traduire par provenance, engendrement, cours des choses ». Regarder la nature comme ça, c’est accepter de faire partie  du processus vital, d’être un « terrestre » intriqué aux autres terrestres, comme dit encore Latour. Notre nature commune c’est la vie terrestre reliée, interdépendante, toujours en progrès, forte et immensément fragile à la fois.

Bureau

En ce vendredi soir, vous en êtes peut-être sortis, du bureau. Mais en sort-on jamais complètement ? L’origine du mot est éclairante sur ce point.

Et si nous étions en train de retrouver le sens premier de « bureau » ? Le mot vient en effet de bure, cette toile grossière qui évoque aujourd’hui plutôt un vêtement religieux qu’un espace de travail. La bure dont on recouvrait la table transformait instantanément un mobilier de la vie courante en bureau auquel on pouvait s’attabler avec un minimum de confort pour écrire ou compter. Nos espaces de travail n’en reviennent-ils pas à cette réalité première ? Les télétravailleurs sont habitués à transformer un coin de séjour ou de chambre en bureau simplement en y installant un ordinateur portable. Les grandes entreprises poussées à cela par le coût exorbitant de l’immobilier n’offrent plus que des espaces de travail que chacun s’approprie juste le temps de l’usage avec en contrepartie – pour les mieux lotis – un maximum de variantes possibles (de la cabine pour téléphoner aux salles de créativité dotées de canapés en passant par les si décriés open spaces). Les tiers-lieux en viennent à agencer ensemble toutes les activités de la vie sociale. On peut y voir l’envahissement de la vie par le travail, son non-respect comme un temps dédié mais limité. On peut aussi y voir à l’inverse sa relativisation et sa perméabilité. Le travail devient activité… une activité parmi d’autres et avec d’autres. Pour le pire et le meilleur.

 

Succès

Triomphe, raz-de-marée, voilà les mots qui décrivent aujourd’hui les succès en cours d’un président qui se veut « jupitérien ». Je ne jugerai pas ici de leur bien-fondé. Juste un éclairage sur le mot succès.

Un mot sans ambiguïté apparente, chacun étant en mesure de distinguer un succès d’un échec. Bien sûr nous avons en tête ce que dit l’adage : il n’y a pas loin du Capitole à la roche Tarpéienne (les Romains ayant eu l’idée perverse de précipiter les condamnés du haut de la colline où étaient également accueillis les triomphateurs). Qu’un succès ne soit pas définitif et qu’il puisse être suivi de déconvenues, on peut l’ignorer dans l’euphorie des victoires mais on ne l’oublie jamais vraiment. L’ambiguïté que je veux pointer est ailleurs, elle tient à l’étymologie du mot : sub cedere. Succéder, le verbe, ne parler pas de bonne fortune, il indique seulement un mouvement : aller après. Succéder à son père ne garantit pas le succès, simplement la succession. Je trouve intéressant de voir le succès comme un mouvement plutôt que comme un aboutissement. Le mouvement suppose le déséquilibre et donc l’incertitude. Le succès est donc une progression pas un résultat. Dans un monde qui veut tout évaluer précisément à tout instant, je trouve intéressant que de la relativité s’installe dans le succès ! Le succès scolaire quand on était enfant se résumait souvent à un lapidaire « en progrès », c’était frustrant mais tellement juste en fait…

persopolitique.fr
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.