Composition

Un mot pas si banal qu’il en a l’air… juste avant de profiter des trois jours du week-end pascal !

Dans un entretien récent pour la lettre interne d’entreprise, on me demandait mon mot préféré. Spontanément « composition » m’est venu à l’esprit. C’est un mot que j’utilise beaucoup (6 occurrence sur ce blog) même s’il suscite parfois les réserves de mes interlocuteurs : « un peu vieillot », « trop scolaire », « pas évident ». Pourquoi l’utiliser alors ? il n’a pas une étymologie sophistiquée, il n’est pas particulièrement euphonique, et sur le fond, il est assez prosaïque. Tout de même, ce qui sauve ce mot de la banalité c’est le fait qu’il s’utilise dans des registres très différents mais qui ont tous une dimension créative : la composition d’un… compositeur de musique, la composition d’un logement (lorsqu’elle a été faite par un architecte), la composition d’un bouquet de fleur (mais oui c’est un art au moins au Japon avec l’ikebana), même la modeste composition française de mon enfance qui m’a amené sur les chemins de l’écriture,…
Full title: A Still Life of Flowers in a Wan-Li Vase Artist: Ambrosius Bosschaert the Elder Date made: 1609-10 Source: http://www.nationalgalleryimages.co.uk/ Contact: picture.library@nationalgallery.co.uk Copyright (C) The National Gallery, London
Full title: A Still Life of Flowers in a Wan-Li Vase
Artist: Ambrosius Bosschaert the Elder
Date made: 1609-10
Source: http://www.nationalgalleryimages.co.uk/
Contact: picture.library@nationalgallery.co.uk
Copyright (C) The National Gallery, London

Mais si j’utilise le mot composition aujourd’hui c’est pour l’art politique que cela évoque dans l’expression « composition d’un monde commun », popularisée par Bruno Latour.

La politique n’est pas une science, ne pourra jamais l’être, quelque nom qu’on lui donne et à quelque science que l’on se voue. C’est un art […]. Le monde commun est à composer, tout est là. Il n’est pas déjà là enfoui dans une nature, dans un universel, dissimulé sous les voiles chiffonnés des idéologies et des croyances et qu’il suffirait d’écarter pour que l’accord se fasse. Il est à faire, il est à créer, il est à instaurer.

en illustration une « vie immobile » selon l’expression utilisée par les Flamands au lieu de notre terme si inapproprié de « nature morte »; un véritable art de la composition sous l’apparence si lisse de ce bouquet : on trouve dans cette toile des coquillages, un papillon, un bourdon, une mouche et … une chenille !

 

Fortitude

Même absent des dictionnaires contemporains, fortitude est un mot qui sonne juste, un mot pour affronter les tempêtes.

chateaubriantJe l’ai incidemment utilisé dans mon dernier texte de 2015 mais depuis il m’obsède tant ce qu’il exprime me semble nécessaire pour affronter les vents mauvais qui nous assaillent. Fortitude ! Il sonne mieux que la bravitude tentée il y a quelques années par Ségolène Royal. Fortitude, venu du latin, a existé en français sous la plume de Chateaubriand et de Julien Green (merci wiktionnary) mais a disparu des dictionnaires actuels. Même dans la vieille encyclopédie parue avant la guerre de 14 que je garde précieusement, fortitude n’apparait plus… alors que « fortification » a droit à plusieurs pages – signe des temps ! La fortitude évoque l’endurance plus que le courage d’entreprendre des actions périlleuses, toujours d’après wiktionnary. J’aime cette humilité de la fortitude mais elle ne se réduit pas pour autant à cette capacité à faire le gros dos et à attendre que ça passe. Il y a de la force dans fortitude, une aptitude à se tenir debout dans la tempête. C’est bien de fortitude dont nous avons besoin.

 

 

Drapeau

Au moment où nous sommes appelés à « pavoiser », une réflexion rapide sur le drapeau et les 3 couleurs.

AN_BleuBlancRougeLe drapeau, comme le dit son étymologie, était avant tout un morceau de tissu, une pièce de drap. J’ai appris qu’au cours de son histoire, il a désigné les langes dans lesquelles on drapait un nouveau-né ! Aujourd’hui les trois couleurs se dématérialisent en lumière pour recouvrir les profils facebook comme pour habiller les monuments. Comment rester insensible à ces illuminations trouant l’obscurité des nuits d’ici et d’ailleurs ? Cet habit de lumière sur l’Assemblé Nationale en a fait frissonner plus d’un. Le symbole, quand il perd son support matériel – hampe et tissu – semble perdre aussi sa connotation antérieure de panache auquel on est sommé de se rallier. Le drapeau ne serait plus l’oriflamme des armées mais l’expression de l’universalisme français. Alors, fallait-il pavoiser balcons et fenêtres ce vendredi ? N’oublions pas que nous n’utilisons  plus ce vieux  mot de « pavoiser » que dans  le  sens « il n’y a pas de  quoi pavoiser »! On retrouve la matérialité d’avant, celle notamment des fanions agités sur le chemin des libérateurs de 1944. Ne risque-t-on pas la forfanterie en réactivant maintenant un symbole de victoire ? Je comprends l’intention de fierté et de rassemblement. Je préfère la proposition plus en retenue qui nous a été faite à Lyon, en lieu et place de la Fête des Lumières : renouer, plus massivement que ces dernières années, avec la tradition des luminions sur les bords des fenêtres. De la religion sécularisée plutôt que du patriotisme revivifié. Et si nous avions plus besoin de l’une que de l’autre en ce moment compliqué ? Et si nous préférions la lumière au tissu ?!