Ipséité

Un mot de philosophie, et aussi de politique, …forcément !

Lucien_JerphagonPeu familier de la philosophie, je découvre ce mot d’ipséité dans un entretien où Lucien Jerphagnon l’utilisait, à la suite de Jankélévitch ou de Ricœur. Pour ce dernier, le mot sert à sortir de la quête impossible de l’identité : « Le dilemme disparaît si, à l’identité comprise au sens d’un même (idem), on substitue l’identité comprise au sens d’un soi-même (ipse); la différence entre idem et ipse n’est autre que la différence entre une identité substantielle ou formelle et l’identité narrative ». L’ipséité c’est la conscience de soi, mais d’un soi qui vit et se transforme. Ce que rajoute Jerphagnon, c’est son caractère banal. Chaque ipséité en vaut une autre et rien n’est plus banal que la recherche de la singularité. Je trouve cette pensée réjouissante à l’heure où certains s’imaginent en « hommes providentiels ». Et si nous voyions la part providentielle qui existe en chaque homme ? Une banalité par le haut en quelque sorte, loin de la plate normalité qu’on nous promettait naguère. Sachons nous raconter dans toute notre complexité et arrêtons de vouloir dire ce que nous sommes. Nous ne « sommes » pas, nous « devenons ». L’identité est carcérale et pathologique, l’ipséité est une composition toujours en cours. En politique, nous avons besoin de la potentialité de l’ipséité plutôt que des fausses certitudes de ceux qui se pensent d’un bloc. Ni normalité lénifiante, ni exceptionnalité présomptueuse. Simplement des personnes qui acceptent d’être en chemin. Elles seront plus entraînantes que toutes les figures d’autorité immarcescibles.

A noter : j’interviens ce samedi 4 mars à 16h au Salon Primevère sur le thème  « vers une société démocratique » – Lyon Eurexpo

Généreux

Encore un mot déplié, déployé au-delà de son sens immédiat pour mieux comprendre ce à quoi il nous invite vraiment ! Un mot à ne pas réserver au temps de Noël dans lequel nous entrons…
NB/ mes excuses aux inscrits des derniers mois, je n’utilisais pas la bonne liste de diffusion … bienvenue donc sur mon blog

fleurs-desert-atacama-3_580xhAprès le « nightmare » écrit lors de la victoire de Trump, un commentaire de Catherine J. nous incitait à construire un monde plus généreux. J’avais dit que j’y reviendrais.
Généreux, au départ, veut dire capable d’engendrer. La générosité et la capacité à donner la vie sont donc intimement liées. On le comprend parfaitement avec l’expression : un sol généreux. Même un désert (cf. photo du désert d’Atacama) peut se révéler étonnamment généreux ! Généreux, c’est aussi, dans ses premiers usages, la noblesse et la vaillance : les âmes généreuses. Et comment ne pas trouver intéressant, un adjectif qui qualifie aussi bien un vin qu’une poitrine ! Avant tout la générosité, c’est cette capacité à donner au-delà de ce qui est dû, de ce qui est prévu. La générosité n’est pour autant pas la prodigalité, l’art de jeter l’argent par les fenêtres. Si je devais le traduire en termes économico-philosophiques, je dirais : c’est investir dans la vie. « Donnez et l’on vous donnera », dit l’Evangile. Notre monde trop souvent recroquevillé dans le chacun pour soi et la rentabilité à courte vue n’investit plus suffisamment dans la vie. Cela supposerait plus d’audace et de confiance. Oui, la vie valeureuse et la générosité sont intimement liées. L’étymologie encore une fois nous aide à voir ce que nous ne voyons plus.

Candidat

Un simple mot d’actualité dont l’étymologie permet des rapprochements intéressants, entre incandescence et candeur !

animEclatPour dire la couleur blanche, le latin avait deux mots albus et candidus. L’aube au blanc laiteux vient d’albus. Le candidat vient de candidus, le blanc étincelant des toges des candidats aux fonctions électives de la République romaine. A noter notre mot blanc ne vient pas du latin, mais comme candidus il désigne d’abord le blanc éclatant, du haut-allemand blank, l’éclat métallique des armes… blanches.

Donc un candidat est avant tout un homme en blanc, un homme qui brille pour se faire remarquer au milieu de la grisaille ambiante. Comme le signalait Alain Rey, candere, le verbe, signifie à la fois briller et brûler (incandescence). Tout candidat ne rêve-t-il pas ainsi de « mettre le feu », d’enflammer les foules ?

Candidus est resté en français sous les termes de candeur et de candide a priori bien loin de l’impitoyable arène politique. Pourtant, ne doit pas voir une dose de candeur chez ceux qui tentent leur chance comme candidat, quand les candidatures se multiplient à l’infini, des primaires aux élections et qu’ils parviennent néanmoins à se persuader qu’ils sont l’homme ou la femme providentiel ?

En fait je crois que la toge du candidat est comme la tunique de Nessus, une fois enfilée, on ne peut plus s’en défaire, elle vous consume. Finalement le candidat n’est-il pas tout autant brûlé que brillant ?