Vite, des idées neuves !!

Ce matin, coup de déprime en entendant l’annonce de la relance des « emplois-jeunes » ! Bien sûr c’était dans le programme de François Hollande, mais qu’on puisse, 15 ans après le gouvernement Jospin, utiliser exactement le même remède inefficace pour répondre au chômage des jeunes, c’est quand même déprimant. Innocemment je m’étais dit que c’était une promesse de campagne et qu’après la conférence sociale de juillet des pistes d’action plus créatives émergeraient. Au minimum, j’espérais qu’on aménagerait la formule. Eh bien non, si les Echos ont raison, ce sera la même chose : des jeunes dans des emplois publics sans avenir et des activités peu professionnalisantes. J’avais ainsi imaginé qu’on pourrait fusionner deux propositions de Hollande, ces emplois-jeunes et le contrat de génération, la grande idée du programme en mettant en place des « emplois-vieux »(sic) ! je m’explique : le défaut des emplois-jeunes de Martine Aubry était de mettre des jeunes sans expériences dans des fonctions émergentes, des métiers nouveaux demandant souvent beaucoup d’expertise de médiation qu’on acquière assez peu dans le cursus scolaire. C’étaient typiquement de possibles emplois de transition entre vie professionnelle et activité sociale bénévole pouvant valoriser des compétences liées à la maturité pas toujours reconnues dans l’entreprise. Bref, plutôt que des emplois-jeunes, on aurait dû en faire des « emplois-vieux », libérant ainsi, dans la logique de solidarité intergénérationnelle chère à Hollande, des postes « classiques » en entreprise pour des jeunes. Ça demandait sans doute un peu d’ingénierie financière pour permettre que les seniors laissant leur place y trouvent leur compte et un peu de souplesse pour que ce ne soient pas nécessairement directement les emplois libérés qui bénéficient aux jeunes mais qu’on combine embauche de jeunes et promotion interne pour reconstituer in fine les équipes de l’entreprise.  Avec les partenaires sociaux, nul doute qu’on pouvait inventer quelque chose. Mais non.

inventons les « plans de soutien à l’initiative sociétale »

Il y a  déjà plusieurs mois que le gouvernement est au travail et j’ai beau chercher, je ne vois pas émerger une seule idée neuve. Il est vrai que le programme socialiste était d’un conformisme étonnant après 10 ans d’opposition ! Pourtant les idées existent. La société civile en regorge mais pour les prendre en compte, il faut changer la manière de concevoir l’action publique. Même les concertations lancées ne sont pas suffisantes pour enclencher le mouvement. Il faut donner plus de place à l’initiative citoyenne et à l’expérimentation.

Ne devrait-on pas, pour tout chantier d’envergure, distinguer deux modes d’action publique complémentaires : la loi, recentrée sur l’édiction de règles durables, claires et accessibles à chacun, et le « plan de soutien à l’initiative sociétale » donnant des moyens réels aux programmes associant les personnes directement concernées à la construction des solutions  ?

L’idée des « plans de soutien à l’initiative  sociétale » reposent sur une idée simple : nous n’activons pas assez les de nombreuses possibilités d’impliquer la société civile dans la résolution directe des problèmes auxquels elle est confrontée. Que ce soit la prise en compte du vieillissement, le renforcement de la sécurité ou l’insertion professionnelle des jeunes, nos politiques échouent parce qu’ils ne savent pas mobiliser les acteurs sociaux et moins encore les citoyens.

Il est symptomatique que ceux qui « voient » le mieux ce qui pourrait être entrepris ne sont souvent pas eux-mêmes directement impliqués dans la politique, l’administration ou même ce qu’on appelle la société civile organisée ou les corps intermédiaires. Ce sont des imaginatifs et des pragmatiques, des « entrepreneurs civiques » comme les appelle Alain de Vulpian : un ancien journaliste comme Marc Ullmann fondateur du club des Vigilants, un médecin urgentiste comme Philippe Rodet à l’origine d’un club atypique « l’élan des citoyens », ou encore un écrivain populaire comme Alexandre Jardin qui a créé « lire et faire lire » ou mis en place dans les prisons l’opération « mille mots contre la violence ». Restons un instant sur ce dernier, même si les entrepreneurs civiques sont innombrables et œuvrent souvent dans l’ombre : après avoir recensé il y a quelques années de multiples initiatives porteuses de transformation dans son essai 1+1+1, Alexandre Jardin, avait recueilli pendant la campagne présidentielle de 2007 sur son site www.commentonfait.fr des milliers de suggestions concrètes sur la manière de faire les réformes attendues. Dans un billet sur la question cruciale de l’éducation il lançait un défi parfaitement en phase avec la démocratie sociétale que nous proposons. « Je ne rêve pas d’une « super éducation nationale » mais de vivre un jour dans une grande nation éducative où nos ressources les plus diverses – et les gens les plus divers – contribueraient à faire de ce pays l’endroit du monde où l’on formerait le mieux les gamins et les adultes. Jusqu’au bout de la vie. Si l’ensemble de notre société était capable de mobiliser sa créativité et ses potentiels les plus inattendus sur les questions éducatives, nous serions plus riches, sans doute moins cons et probablement plus gais ! […] Penser uniquement « éducation nationale » quand on s’inquiète d’« éducation », c’est limiter le champ de l’action. Toute la société doit basculer dans cette ambition : enseignants au premier rang (of course !), entreprises, flics inventifs, gardiens d’immeubles innovants, intermittents, énarques, associations d’éducation populaire, artisans, médecins, militaires futés, étudiants, ados en apprentissage, syndicats, etc. Tout le monde (sauf les casse-pieds dépressifs) ». Hélas il ne fut pas entendu par Sarkozy, je doute qu’il le soit plus aujourd’hui.

Des plans associant mobilisation médiatique, ingénierie sociale et financements atypiques

En première approche voici ce qu’on pourrait imaginer :

  • le choix de quelques priorités pour lesquelles l’Etat et les collectivités peinent à agir au bon niveau : les sujets ne manquent pas, mais il faudrait se limiter à lancer un ou deux plans par an
  • une recherche systématique des initiatives pouvant donner lieu à des expérimentations évaluables avec l’appui des médias ; cette recherche sera d’autant plus fructueuse qu’on aura dans le même temps créé un terreau d’initiatives prêtes à éclore grâce aux « incubateurs d’initiatives » au plan local.
  • le soutien à l’essaimage (pas à la reproduction à l’identique) des démarches les plus prometteuses grâce à une puissante ingénierie de projet et à la mobilisation des réseaux sociaux pour faciliter les mises en commun.

 

Les plans que les pouvoirs publics mettent aujourd’hui en place ne laissent que très peu de place à cette mobilisation des acteurs de la société civile même lorsqu’ils sont censés le permettre. On a vu ces dernières années se multiplier ce type de démarche : plans de déplacement urbain, plans climat-énergie territoriaux, plan national santé-environnement lui-même décliné en plans locaux… Ils peinent à sortir des logiques administratives classiques même si selon les responsables locaux en charge de les animer on voit poindre des pratiques innovantes : pratiques de concertation, tentatives de mobilisation citoyenne comme par exemple pour la question énergétique les concours « Familles à énergie positive ». il est urgent d’aller beaucoup plus loin.

Avec quel argent ?, dira-ton à juste titre, puisque l’Etat est sans ressources. Là encore nos dirigeants manquent singulièrement de créativité ! Il faut sortir de la vision étriquée de « l’argent public » et mobiliser les modes de financements les plus variés : implication des fondations existantes, recours plus  systématique à l’épargne de proximité comme dans le cadre des Cigales ou de Terre de liens, cette initiative intéressante pour le foncier agricole  Le principe pour nous est clair : l’argent existant doit être activé, et lorsqu’il n’y a pas d’argent mobilisable, des systèmes d’échange locaux appuyés par les collectivités locales doivent prendre le relais.

Enfin plutôt que de lancer un impôt confiscatoire à 75%, pourquoi n’explore-t-on pas une voie de financement plus positive : celle d’un impôt sur la fortune affecté aux expérimentations sociales, un système hybride entre la culture américaine des fondations et la culture française de l’impôt[1]

Que « fortune oblige »

Je suis toujours frappé de constater que les grands patrons français ont su se rapprocher des niveaux de rémunération des patrons anglo-saxons mais qu’ils n’ont pas dans le même temps adopté les mêmes principes éthiques qui « obligent » les Bill Gates, Warren Buffett  et consorts à consacrer une part significative de leur fortune à des œuvres d’intérêt social. En France, nos grands patrons se prennent plus volontiers pour des mécènes en constituant des collections d’art contemporain sans bénéfice manifeste pour la société française.

Ne pourrait-on pas imaginer un  « impôt » librement affecté à des fondations qui mèneraient les expérimentations sociales que l’Etat peine à financer sur son budget ? On ferait une triple opération positive :

  • les expérimentations seraient conduites avec l’appui de fondations à même de mobiliser des talents venant d’univers différents capables d’insuffler aux projets soutenus leur créativité et leur professionnalisme ;
  • les détenteurs de grandes fortunes retrouveraient aux yeux des citoyens une légitimité sociale qu’ils ont largement perdue, ils pourraient montrer par leur investissement personnel dans les projets financés qu’ils vivent bien encore dans la même société que leurs contemporains ;
  • l’Etat disposerait en permanence d’un laboratoire sociétal dans lequel il pourrait puiser en articulant au mieux le temps long de l’expérimentation qui ne serait pas à sa charge et le temps court de l’action politique qui nécessite réactivité dans la prise de décision et visibilité des mesures prises.

Ne gagnerait-on pas à voir la rivalité entre M. Arnault et M. Pinault s’exprimer au travers de la promotion sur les plateaux de télévision des dernières avancées de leurs fondations d’expérimentation sociale plutôt que par les traces architecturales qu’ils cherchent à laisser ?

 

 

 

 

 


[1] Martin Hirsch publiait un article dans Le Monde du 24 août 2011allant dans ce sens. Il appelait «  à un plus fort engagement de ceux qui ont bénéficié au cours des vingt dernières années de ces rémunérations astronomiques à l’égard des immenses problèmes sociaux. On a beaucoup parlé de la responsabilité sociale des entreprises. Il serait bon d’agir pour que s’exerce la responsabilité sociale des multimillionnaires ».

Sortie de campagne…

On a fait beaucoup de reproches à cette campagne électorale :
–    Sa longueur, avec les primaires et surtout la manie des médias de commencer la « course de petits chevaux à peine l’élection précédente finie.
–    Son manque d’intérêt : on n’y a peu parlé des « vrais » sujets, l’Europe, l’école, les pauvres, le logement, la santé, les banlieues… avec à chaque fois très peu d’idées neuves
–    Son dévoiement vers des questions vainement polémiques ou indignes du débat national : le hallal, le changement de date de versement des retraites,…
En revanche deux points qui inquiétaient les commentateurs me rassuraient plutôt
–    Le relatif désinvestissement des citoyens à l’égard d’une élection pourtant tellement mise en avant dans le jeu politico-médiatique alors qu’elle n’est bien évidemment pas aussi décisive qu’on le dit
–    Le manque de vision de candidats soi-disant « obligés au réalisme » par la crise car l’ambition telle qu’elle est habituellement définie ne correspond plus au besoin de notre pays : la grandeur, la place de la France sont des vieilles lunes et l’ambition industrielle, la recherche de la croissance à tout prix sont dangereuses (voir Arrêtons de faire les papillons)

Pour moi le plus inquiétant était ailleurs
–    Pas d’interrogation sur ce qui redonnerait de la crédibilité à la politique, sur ce qu’on attend des citoyens et de la société civile
–    Pas de prise en compte de la réalité de la société et de ce qui la transforme. Michel Serres l’avait bien vu en parlant d’une « campagne de vieux pépés » !
L’élection de 2007 avait été plutôt positive sur ces thèmes avec la recherche de nouvelles façons de faire de la politique (volontarisme pour Sarkozy, démocratie participative pour Royal) mais les enthousiasmes suscités alors ont fait long feu.

On avait pourtant une chance historique, bien que paradoxale, de réinventer la politique en 2012 : l’absence de marge budgétaire. Malheureusement, la  rigueur budgétaire qui s’est imposée à tous dès le début de la campagne a conduit, à l’exception notable de Mélenchon, à conclure qu’il n’y avait plus de marge d’action pour ré-enchanter la politique. Et si c’était l’inverse ? Et si l’absence d’argent nous obligeait à refaire de la politique ? De la vraie politique, avec les gens eux-mêmes, pas avec des subventions ou des réductions d’impôt ? Et si nous prenions au pied de la lettre l’idée que la politique c’est le « vivre ensemble » ? parce qu’on en parle souvent dans les discours du « vivre ensemble », mais  qu’en faisons-nous concrètement ?
Regardons les objectifs politiques que nous nous fixons collectivement et sur lesquels nous sommes sans doute presque tous d’accord. Nous préférerions développer la prévention en matière de santé plutôt que de traiter, à grands frais, les maladies qui surviennent parce que nous ne prenons pas soin de nous. Nous voudrions renforcer la sécurité sans pour autant avoir des policiers en armes à chaque coin de rue. Nous souhaitons réduire notre empreinte environnementale sans renoncer au confort  mais les nouvelles pratiques en termes de déplacement, de consommation ou de logement nous semblent souvent hors de portée. Bref nous voyons bien ce qu’il y aurait à faire dans l’absolu… mais nous n’avons pas de temps à y consacrer et, quand bien même nous en aurions, nous ne nous sentons pas en mesure d’y faire face seuls.  Pour cela nous continuons d’attendre des responsables politiques qu’ils agissent en notre nom… puisque nous les élisons pour ça. Mais sur tous ces sujets et sur bien d’autres, nous sommes de plus en plus conscients que l’Etat peut nous inciter à faire mais qu’il ne peut pas se substituer à nous. Bien souvent, nous en restons à ces constats désabusés, sans imaginer que nous pourrions repenser radicalement nos modes de faire collectifs, notre fameux « vivre ensemble ».

Nous avons oublié la ressource majeure de la démocratie, le pouvoir d’agir des citoyens. C’est quoi le pouvoir d’agir ? c’est la capacité de chacun de trouver des solutions créatives aux questions qui le concernent s’il sort de l’isolement qui le rend incapable d’agir. Pour cela il faut plusieurs ingrédients indispensables :
–    Des espaces de débat où on ne se contente pas de râler contre le système mais où l’on recherche collectivement des pistes de solution. Ces espaces de débat, pour être efficaces doivent être très locaux, non partisans, positifs, permettant de mêler des expériences et des points de vue divers.
–    L’organisation d’un droit de tirage sur l’expertise publique pour donner corps aux solutions explorées dans les débats.
–    La mobilisation de ressources extra-budgétaires, notamment via les fondations, pour mener à bien les expérimentations, faciliter leur déploiement,…
–    La mise en place d’un volontariat tout au long de la vie pour dégager du temps et des compétences au service de cette nouvelle action collective

Il est paradoxal que les représentants officiels de la vie associative ne soient pas davantage sensibles à ces approches qui renforceraient naturellement le fait associatif sous toutes ses formes, du simple collectif d’habitant jusqu’à l’émergence de mouvement associatifs nouveaux à l’échelle du pays (comme a pu le devenir Lire et faire lire en quelques années par exemple). Très souvent ces militants de la vie associative craignent que ce soit le moyen pour l’Etat de se défausser de ses responsabilités. Ils confondent en cela le rôle de garant de l’égalité que doit toujours assumer l’Etat et la manière dont les services doivent être rendus. Sans doute une raison de leur frilosité est plus matérielle : la plupart des associations ne le sont plus, au sens premier du terme, elles sont bien davantage des entreprises de services collectifs employant des professionnels et financées par des fonds publics. Beaucoup ne sauraient pas animer un vaste mouvement  d’implication des citoyens. Les bénévoles d’aujourd’hui ne sont en effet pas dans leur très grande majorité des initiateurs de projets mais des ressources humaines employées à des tâches prescrites.

Quelques signes sont encourageants malgré tout. J’en citerai quatre – rapidement – mais leur convergence est indéniable.
–    Le plus récent est la parution du dernier rapport du think tank Terra Nova sur les banlieues qui prône (enfin !) les pratiques de développement communautaire, à l’instar de ce qui se pratique depuis des années dans les quartiers défavorisés de Chicago et d’ailleurs. C’est l’espoir d’une refonte de la politique de la Ville sur les bases de l’empowerment plutôt que sur la seule rénovation urbaine. Merci Jacques Donzelot de votre persévérance !
–   L’Institut de la concertation propose une journée de réflexion très intéressante le 14 mai autour de la place de la participation dans les programmes politiques, il invite notamment les membres de son réseau, professionnels de la concertation et chercheurs, à co-élaborer ce que pourrait être une participation des citoyens aux grands choix nationaux au travers d’un exemple concret : un débat national sur l’énergie.
–    Autour de l’empowerment et du pouvoir d’agir, les initiatives se multiplient : le colloque organisé mi-mars à l’ENTPE à l’initiative d’une jeune doctorante, Hélène Balazard, a été un réel succès ; notre groupe de travail sur l’empowerment lancé avec Philippe Bernoux en septembre a fidélisé une trentaine de participants ; le Collectif Pouvoir d’agir créé à l’initiative de Jean-Pierre Worms devient un pôle de référence sur la question.
–    Dernier signe, et sans doute le plus riche de perspectives, l’installation du volontariat dans notre culture de l’engagement grâce au Service civique qui touche maintenant près de 15 000 jeunes par an.
Quel que soit le résultat de l’élection présidentielle, il serait bon que le président nouvellement élu découvre ces signes encore ténus et le potentiel de renouveau de la politique qu’ils représentent.

Si, nous sommes responsables ! …et nous pouvons agir

Voilà ce qu’a dit le Président de la République sur un ton qui n’admettait ni réplique ni contestation : « Ces crimes sont ceux « d’un monstre » et pas d’un fou qui serait irresponsable. Lui chercher la plus petite excuse serait une faute morale impardonnable. Mettre en cause la société, montrer du doigt la France, la politique, les institutions, c’est indigne ».  Je crains fort de tomber dans l’indignité selon Sarkozy mais, pour moi, le ton même du propos, sa violence, sa certitude aveugle à toute autre vision de la réalité sont indignes de la fonction qu’il occupe.
Alors notre société n’aurait aucune part à la dérive de ses membres les plus fragiles ? Mohamed Mehra serait donc un tueur-né, génétiquement programmé ? Toute la faute est sur lui et la société est blanche comme neige ? Absurde évidemment, comme serait absurde également l’idée d’incriminer la société et de blanchir le tueur.

Peut-on accepter de regarder dans cet « entre deux », ni tout blanc ni tout noir, où la personne humaine est bien responsable de ses actes et où la société doit néanmoins se poser des questions sur la manière dont elle laisse dériver certains de ses membres ?
Arrêtons de confondre culpabilité et responsabilité : il y a bien un coupable identifié mais aussi des responsabilités multiples quant au contexte qui permet l’émergence de tels faits.

Peut-on rappeler une vérité d’évidence mais trop occultée car dérangeante ? Comme pour toute relation, l’intégration suppose deux interlocuteurs, celui qui s’intègre et ceux qui l’accueillent. Depuis des années nous nous focalisons sur ceux qui doivent s’intégrer mais que faisons-nous pour nous rendre plus accueillants ? A quoi peut bien servir un parcours universitaire brillant si la suite est constituée de petits boulots mal payés, précaires et sans rapports avec la formation suivie ? Comment donner envie aux jeunes de suivre l’exemple de ceux qui font l’effort de se former malgré des conditions d’études difficiles s’ils voient les galères que les diplômes n’évitent pas ?

Lors de la crise des banlieues de 2005, nous avions déjà écrit en ce sens. Peut-être que les entreprises que nous interpellions aux Ateliers de la Citoyenneté sont aujourd’hui plus prêtes à s’engager sur ces sujets . Les efforts faits en matière de RSE ou de Développement Durable sont plutôt encourageants. Relançons la bouteille à la mer … !

Des salariés d’entreprise dans les carnets d’adresse des jeunes des banlieues ?
On sait que ce qui permet de trouver un emploi, c’est bien sûr les compétences sanctionnées par des diplômes, mais c’est aussi le capital relationnel des personnes. Or chacun convient qu’un jeune habitant en banlieue dispose d’un capital relationnel très réduit. Ses interlocuteurs adultes sont essentiellement des professionnels du travail social qu’il ne rencontre que dans une posture d’aide ou d’assistance.

Ne pourrait-on pas envisager un vaste programme de volontariat ouvert à des salariés d’entreprises pour qu’ils puissent participer AVEC des jeunes habitant les banlieues à des programmes d’intérêt général de tous ordres ? Dans le cadre des activités proposées, des relations se noueraient avec des adultes socialement intégrés, qui pourraient faire bénéficier les jeunes de leur carnet d’adresse. On ne serait pas là dans une logique d’aide directe mais dans le registre de ce que les Québécois appellent le « mentorat », une relation choisie née d’une rencontre à l’occasion d’une activité faite ensemble. Puisque ces rencontres ne se font pas spontanément, il faut les susciter. On pourrait s’appuyer sur des initiatives réussies de brassage social comme la préparation du défilé de la Biennale de la Danse à Lyon. Ce qu’il faut, c’est rendre ce programme attractif, en y impliquant des personnalités charismatiques, en le médiatisant  mais aussi, tout simplement, en l’appuyant sur des activités créatives et valorisantes.
Les entreprises qui participeraient à un tel programme en libérant leurs salariés quelques heures par mois en mécénat de compétence, seraient doublement gagnantes : elles permettraient à leurs salariés de s’investir dans une aventure humaine dont bien des enseignements pourraient être réinvestis dans l’entreprise, elles bénéficieraient de contacts préalables entre des jeunes et des salariés facilitant ensuite les recrutements et surtout l’intégration professionnelle.

Qu’on me comprenne bien : je ne prétends pas que l’on évitera des crimes comme celui de Mohamed Mehra par un programme de volontariat, même d’ampleur nationale… Pour autant il y a bien une chose dont je suis sûr : il ne faut pas laisser s’enfler la double vague de rejet d’un côté et de rage d’être rejeté de l’autre. Essayons chacun d’y contribuer, loin des dénonciations en indignité.

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