« Community policing » après « care » : les ténors socialistes passent à l’anglais !

Après le care de Martine Aubry, voici le community policing d’Arnaud Montebourg. Intéressant que les socialistes français aillent regarder au-delà de leurs sources d’inspiration habituelles pour transformer en profondeur leurs approches doctrinales… même si ça suscite incompréhensions et questionnements.

Que dit Montebourg dans un article du Monde du 3 septembre passé trop inaperçu ? « La sécurité doit devenir l’affaire de tous. Chacun a son rôle à jouer dans le recul de la violence. Parents, professeurs, éducateurs, psychologues, travailleurs sociaux sont autant de veilleurs qui voient ce qui se passe et doivent pouvoir alerter. » Jusqu’ici, le rôle dévolu aux citoyens reste modeste, celui de veilleur, mais le principe de la sécurité – affaire de tous est posé. Mais Montebourg ne s’arrête pas là, il introduit – avec quelques précautions oratoires – la notion de community policing : «  Je fais également la proposition que nous progressions dans une direction plus radicale encore, qui me paraît à ce jour seule susceptible de répondre aux attentes de la population. Nous devons redonner du pouvoir aux habitants, qui doivent être associés à la lutte contre la délinquance. Non pas une rapide enquête de satisfaction, ou une réunion de veille d’élection, mais un dispositif qui s’inscrira dans le temps et la confiance. Prenons les expériences de type community policing, telle que celle qui est menée depuis de nombreuses années à Chicago. La population participe à l’identification des problèmes. Des réunions régulières ont lieu avec la police, qui prend en compte et rend compte. La sécurité devient réellement l’affaire de tous ».

On dirait du Jacques Donzelot ! Le sociologue  montrait dès 2001 dans « Faire société », l’intérêt de ce type de démarche par rapport à la politique de la Ville à la française. Espérons que l’idée ne mettra pas autant de temps à passer d’une tribune du Monde à la réalité qu’elle en a mis à passer du discours intellectuel au propos politique. On peut cependant être inquiet quand on voit le peu de reprise que ces propositions ont eu.

Paysage en mouvement

Juste une réflexion qui m’est venue au cours d’une insomnie, cette nuit. Presque toujours en mouvement, le paysage est pour nous un défilement : derrière la vitre d’une voiture ou d’un train ou même en randonnée lorsqu’on se dit : « je rebrousse chemin  mais je vais quand même jusqu’au prochain tournant, pour voir ce qu’il y a après ». Souvent en TGV vers Paris ou en TER vers Dijon, je me rends compte qu’en levant les yeux de mon ordinateur, je ne regarde pas le même  type de paysage. Pas uniquement en raison des lieux traversés mais plutôt en raison de la vitesse à laquelle ils sont parcourus.

En TGV, on distingue la beauté des collines du Mâconnais, la solitude des forêts du Morvan, l’arrivée dans la plaine du bassin parisien. On repère des signaux, étonnamment toujours les mêmes : sur une crête la haie alternant arbres boules et ligne haute des peupliers, dans une vallée les arches d’un viaduc,… Des vues d’ensemble (cartes postales touristiques), des ponctuations, mais rien de vivant.

En TER, à l’inverse le paysage prend son temps : on voit des vaches dans l’angle d’un pré sous un noyer, on voit une grand-mère, pliée sur une ligne de salades dans un jardin potager,… Des détails, des gens.

Mais dans les deux cas, on est au cinéma, le film se déroule devant nous sans qu’on puisse interagir. La réalité devient fiction. On sait combien est propice à la rêverie les images furtives des fenêtres éclairées dans la nuit où l’on saisit un instant dérobé de la vie de quelqu’un qui ne restera qu’une image.

Le paysage, dont on vante l’authenticité à longueur de dépliant touristique n’est-il  qu’un écran divertissant ? Ces lieux qui nous semblent si réels, ne sont-ils que des représentations ? J’aime bien ce que nous indique François Jullien sur la différence d’appréhension du paysage entre Chinois et Européens. Pour nous, les mots « paysage », « Landschaft », « landscape » évoquent tous une « partie de pays que la nature présente à l’œil ». Pour les Chinois qui parlent de « montagne-eau » (shan-shui), le paysage est, selon Jullien, non plus « une délimitation aspectuelle » mais « une  interaction entre des pôles (haut/bas, compact/fluide,…) ». Nous dévisageons le paysage de loin (à partir d’un point de vue, d’un panorama), les Chinois sont parties prenantes d’un jeu d’énergies.

J’éprouve souvent ce besoin quasi viscéral « d’entrer dans le paysage », de m’y trouver bien, simplement, sans rien faire. Comme dimanche dernier, de contempler les papillons qui virevoltent à mes pieds, de sentir la chaleur d’un muret de pierre sèche sous mes fesses, de humer le parfum d’anis d’une tige de fenouil sauvage, de m’emplir de silence. Les paysages en mouvement me font rêver d’ailleurs, les paysages immobiles me rassérènent.

Pas très « persopolitique » ce texte ? A première vue non, mais si on accepte l’idée que la question « persopolitique » est avant tout un changement de point de vue sur notre relation au monde et aux autres, alors…

Retour du Mexique

Je suis allé au Mexique un peu plus de trois semaines cet été en famille. Des amis mexicains nous ont fait découvrir leur pays, du désert du Nord jusqu’à Puebla en passant par Mexico. Nous avons poursuivi seuls au Yucatan, entre sites mayas et mer des Caraïbes.

Le but ici n’est pas de faire état de mes vacances mais plutôt de donner un écho aux conversations que nous avons eues avec nos amis sur leur pays et la politique. J’ai été frappé de la similitude entre leur désarroi face à la politique et celui qu’exprimaient souvent les personnes qui rejoignaient les Ateliers de la Citoyenneté. Un sentiment d’impuissance face à une politique qui semble échapper complètement aux citoyens avec des élections qui ne laissent espérer aucun changement véritable. Bien sûr la situation est encore plus critique au Mexique avec la corruption et la violence qui gangrènent tout. Même si Carlos est universitaire, régulièrement en Europe pour des colloques, il reconnait ne pas avoir connaissance des multiples initiatives, notamment latino-américaines, qui tentent de redonner du sens à la politique, que ce soient les budgets participatifs brésiliens ou l’expérience de Villa El Salvador au Pérou. La société civile est comme paralysée et ne semble même pas regarder ce qui se fait ailleurs et ce qui pourrait être entrepris dans le pays. Et pourtant je me dis que le Mexique est sans doute sur un point plus propice aux démarches « persopolitiques » auxquelles j’aspire que la France ! En effet nous avons été frappés de la persistance des liens familiaux, des rapports sociaux amicaux, de l’entraide spontanée. N’y a-t-il pas là un terreau sur lequel pourraient se développer des initiatives collectives ancrées dans les solidarités de voisinage ?  Je me mets à rêver d’un court-circuitage du système politique traditionnel impossible à transformer. Il y aurait tant à faire ! Mais hélas, au-delà des quelques signes encourageants que je vois, force est de reconnaître que le modèle américain est bien installé : déplacements uniquement par la route (plus un seul train de voyageur !), villes étalées à l’infini et pas seulement à Mexico, boissons sucrées à tous les repas, musique abrutissante sur les trottoirs des rues commerçantes, enfermement dans des gated communities des plus favorisés qui abandonnent les centre villes …  A quand une société civile qui se mobilise ? Et nous Européens, n’aurions-nous pas à initier des coopérations sur ce registre ? Ami Carlos, et si nous amorcions, modestement, cet échange transatlantique ?