Arrêter les embrassades ?!

Un détail bien sûr par rapport à toutes les questions que posent l’épidémie, par rapport à la douleur de certains et aux efforts de beaucoup, et pourtant sans doute significatif d’un manque d’empathie

Je n’en peux plus d’entendre cette consigne, entre les saluts sans serrage de mains et les mouchoirs à usage unique. J’aimerais connaître le communicant qui a produit ces messages d’alerte au coronavirus ! comment a-t-on pu choisir cette expression : arrêter les embrassades ! D’autant plus que cette consigne vient tout de suite après un évident et neutre : saluer sans se serrer la main. Pour éviter les bisous contagieux, on aurait pu préciser : saluer sans contact physique ou saluer sans se serrer la main ou s’embrasser. Quelqu’un a jugé bon de rajouter cet arrêt des embrassades qui sonne bizarre à nos oreilles. Ça ne fait pas consigne médicale. Quand j’entends : arrêter les embrassades, je me remémore le plaintif et exaspéré « je vous demande de vous arrêter ! » de Balladur après son échec électoral. « Arrêêêteeeeeuhh », c’est aussi la supplication enfantine du gamin qui n’en peux plus d’être chatouillé. Mais c’est surtout une attente morale qu’on ne retrouve pas dans les consignes précédentes. Celles-ci sont exprimées en positif : éternuer, tousser, saluer dans la merveilleuse langue administrative qui fait d’un verbe à l’infinitif un impératif catégorique ! Continuer la lecture de « Arrêter les embrassades ?! »

Avec Jean-Pierre Worms

Quelques mots sur un compagnonnage… qui s’interrompt un peu trop brutalement

Jean-Pierre Worms est mort hier et j’ai de la peine à le croire. J’ai aussi de la peine, tout court. La dernière fois que je l’ai eu au téléphone, j’avais bien senti que la maladie progressait incroyablement vite ; Jean-Pierre pour la première fois laissait transparaître sa fatigue. En raccrochant, alors qu’il venait de me dire qu’il ne remarcherait sans doute pas, je comprenais qu’en fait sa vie allait s’interrompre. Lors de notre dernier déjeuner en avril, juste avant qu’il découvre sa maladie (il n’avait alors qu’un problème de hanche qu’il espérait résoudre par une « simple » intervention chirurgicale), il était comme je le connaissais depuis près de 20 ans : enthousiaste et projeté vers l’avenir. Depuis déjà quelques années, tout ce qu’il entreprenait était placé sous le signe de l’urgence. Les transformations en cours n’allaient pas assez vite et les logiques mortifères de l’hubris risquaient de compromettre l’avenir. Il recherchait toutes les initiatives qui pouvaient accélérer les transformations. Jean-Pierre a été fauché en plein élan, c’est sans doute ce qui est le plus dur. Bien sûr, il allait avoir 85 ans mais il n’était pas en fin de vie, tourné vers un passé qu’il aurait pu regarder avec la satisfaction du devoir accompli, Il était encore et toujours de tous les combats, nous poussant à agir, saluant les avancées, alertant sur les risques. Récemment, il me confiait avoir 10 ans devant lui pour agir, heureux de ne pas avoir trop de soucis de santé et encore assez d’énergie pour accompagner les initiatives qui lui paraissaient aller dans le bon sens.

Ce blog, c’était un peu celui de Jean-Pierre. J’ai découvert en préparant ce billet que je l’ai mentionné 12 fois, que nous avons co-écrit au moins deux textes et que j’ai publié un papier de lui, justement consacré à l’urgence d’agir. Il me disait souvent que j’étais un peu sa plume, lui qui (prétendait-il) avait du mal avec l’écrit. J’avoue en avoir toujours été très fier et j’étais toujours heureux comme un gamin quand il faisait un commentaire élogieux (il n’en était pas avare et bien sûr pas qu’avec moi !). J’y étais d’autant plus sensible que vers la fin des années 90, j’avais lu un article de lui sans le connaître encore dont je m’étais dit que j’aurais pu l’écrire, mot pour mot. Cette sensation, je ne l’ai eue qu’une fois à ce point. Ma première rencontre avec Jean-Pierre a donc été écrite… et puissante. J’ai aussi un souvenir très vif de la manière dont nous nous sommes rencontrés. Didier Livio avec qui je travaille, me hèle à au moins trois ou quatre cases de marelle du bureau où je suis installé (les bureaux de Synergence sont à l’époque installés dans un ancien atelier tout en longueur du passage du cheval blanc à la Bastille ; sur toute la longueur un tapis s’étend devant les verrières et une immense marelle y a été dessinée). « Au fait, il faut que je te parle d’un projet qui devrait t’intéresser, le Laboratoire du futur, c’est Jean-Pierre Worms qui s’en occupe. Tu le connais ? » J’ai évidemment sauté sur l’occasion de voir en vrai ce sociologue dont je me sentais si proche sans le connaître ! Et je l’ai rencontré à une réunion du Labo et les choses se sont enchaînées naturellement. Jean-Pierre a tout de suite cru au projet des Ateliers de la Citoyenneté et l’a accompagné. Nous ne nous sommes plus quittés même quand nous passions plusieurs mois sans nous voir.

Je vous invite à relire ce texte de lui. Son urgence est toujours actuelle et il n’est plus là pour nous pousser à l’action. Nous devons donc prendre le relais.

https://www.persopolitique.fr/993/urgence-de-la-transition-necessite-de-sa-mise-en-oeuvre/

 

 

Notre-Dame, memento de l’avenir

L’incendie de Notre-Dame, en sortant le monument de sa pétrification dans un passé immuable et inactuel, peut-il nous aider à nous dégager du présent perpétuel qui est le drame de notre monde ?

Comme toujours face à un événement dé-mesuré, hors de la mesure des jours ordinaires, j’ai une boulimie de lectures. Celles qui m’ont le plus marqué parlaient du temps remis en mouvement. Gilles Finchenstein l’a très bien dit en pointant combien Notre-Dame représentait l’antithèse de nos vies contemporaines (le temps long, la lenteur, le silence, le collectif, la douceur, le sacré) https://www.franceinter.fr/emissions/le-grand-face-a-face/le-grand-face-a-face-20-avril-2019 (32’30’’)

Mais c’est dans Le Monde que je trouve la formule qui dit le plus justement ce que nous avons été nombreux à percevoir confusément :

Notre-Dame qui brûle, c’est le surgissement brutal et forcément inattendu d’un passé, qu’on croyait infaillible et qui fait irruption en même temps qu’il s’annihile. Notre-Dame qui brûle, c’est la tyrannie du présent qui devient insupportable.

L’historienne Fanny Madeline disait également dans le même article :

Lundi soir, l’image de Notre-Dame qui s’embrase apparaît soudain comme la manifestation inattendue mais évidente d’un effondrement. Ce mot, qui est là, dans l’air du temps, qui nous menace et nous projette dans un avenir inimaginable, vient s’imposer pour décrire ce qui arrive à l’un des édifices les plus emblématiques de notre histoire, frappant notre mémoire, ouvrant cette faille temporelle où l’avenir vient percuter le passé. Et là, impuissants devant nos écrans, tout se passe comme si nous assistions à ce que nous ne voulons pas voir : les flammes de Notre-Dame, c’est notre monde qui brûle. C’est l’Effondrement, avec un E majuscule, celui de la biodiversité, c’est la grande extinction des espèces, la fin des démocraties libérales occidentales.

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