La fin de Persopolitique

Au cours de cette rentrée 2022 où les sujets d’actualité brûlants ne manquent pas, je suis resté silencieux. Quelques explications et une envie d’échange sur la suite avec vous qui me lisez.

252 textes publiés entre mars 2010 et juillet 2022. Près de deux papiers par mois, sauf pendant l’été, pendant 12 ans. Sans doute plus de mille heures d’écriture. J’ai continué toutes ces années parce que ça m’était utile pour avancer dans ma réflexion et que j’avais quelques échos, modestes il faut bien le dire. Dans ce vaste mouvement de transformation qui nous entraîne sans que nous ne le maîtrisions vraiment, j’ai quand même eu le sentiment de « faire ma part » : essayer de mettre en mots ce qui nous arrive. Fukushima, Notre-Dame de Paris, Trump, les Gilets jaunes, le Covid, la guerre en Ukraine mais aussi le tissage plus discret des espoirs et des craintes qui font nos vies de citoyens…

Le fil tiré est resté le même : nous avons des ressources, un potentiel pour inventer des vies plus riches en prenant part à la résolution des problèmes qui nous concernent dans l’échange et l’action commune. Santé, alimentation, déplacements, travail tout peut servir de base au développement de notre pouvoir d’agir mais hélas rien ne nous y encourage, rien ne nous y prépare et, quand nous osons nous lancer, nous ne sommes valorisés en rien par la société. J’ai dénoncé ce gâchis, ce gaspillage d’énergie dans un monde où nous devrions comprendre que cette énergie citoyenne est notre principal atout pour réussir les transitions. Je l’ai expliqué, illustré, réaffirmé à chaque fois que je trouvais que nous nous éloignions de ce chemin qui est pour moi la seule voie permettant de traverser debout nos effondrements en cours.

Mais voilà, vient un moment où les questions récurrentes sur l’utilité de ce qu’on fait prennent plus de place. Avec l’impression aussi que le lien aux lecteurs s’est délité. J’ai encore de temps en temps un encouragement sincère d’un ou une lectrice fidèle mais l’usure est là. Fin août j’avais commencé un papier à propos du livre de Graeber et Wengrow qui m’a tant enthousiasmé cet été mais je l’ai abandonné. Trop de travail par ailleurs, des soucis sur le plan personnel et ce doute qui fait que l’énergie se reporte ailleurs.

Je pense donc arrêter Persopolitique pour explorer d’autres manières d’écrire puisqu’évidemment je ne peux me passer de l’écriture.
Sans doute avec DARD/DARD où j’ai commencé à publier des récits d’anticipation (j’en ai un en cours sur les usages de l’eau), peut-être également avec UP Magazine qui a republié plusieurs des papiers écrits pour Persopolitique. J’aimerais aussi continuer à écrire sur les mots avec une meilleure visibilité, peut-être en créant un collectif de passionnés de mots… Mais je pense qu’il est temps surtout de contribuer à l’élaboration de fictions grand public. Une intuition que j’ai depuis longtemps et qui a conduit à la création d’Imaginarium-s. Des contacts sont en cours pour avancer dans ce sens.

Difficile pour moi d’abandonner tout à fait Persopolitique qui pourrait rester une boîte à idées à disposition de tous. Mais pour éclairer mes choix, pour imaginer peut-être d’autres voies que celles que j’envisage d’explorer, je serais heureux d’avoir vos avis (et peut-être aussi vos encouragements !). Mon silence va-t-il vous inciter à prendre la parole ? Merci d’avance à celles et ceux qui le feront.

Extrême !

Victoire des extrêmes ! Ingouvernabilité ! Et si c’étaient ces jugements péremptoires qui constituaient les réels extrêmes ? Gardons un peu de sérénité et ne perdons pas de vue la crise démocratique sous-jacente

Extremus : le plus à l’extérieur, le dernier, le pire. Ce superlatif latin a été employé ad nauseam et vidé de son contenu pour parler de la politique française, tous bords confondus, jusqu’à l’absurde « extrême centre » utilisé par le président de la République pour se démarquer. Mais depuis une semaine l’extremus, le pire, le plus extérieur à la réalité me semble être dans les commentaires des résultats des élections législatives : « Blocage des institutions, ingouvernabilité, chaos… ». La montée aux extrêmes d’emblée ! Il est temps de revenir à plus de mesure. Non la France n’est pas ingouvernable. Non l’Assemblée élue dimanche ne reflète pas un éclatement du pays en factions irréconciliables. Nous sommes tellement conditionnés par le présidentialisme, exacerbé depuis 2007 et la victoire de Sarkozy, que nous ne voyons plus que c’est lui, le présidentialisme qui constitue une anormalité et que les élections législatives nous ramènent plutôt dans la normalité démocratique que connaissent un grand nombre de nos voisins.

Jérôme Jaffré rappelait, à C dans l’air, une évidence : le président a une majorité relative que la NUPES et le RN coalisés ne permet pas de renverser, si LR s’abstient. Obtenir l’abstention de LR n’est évidemment pas hors de portée ! Cet affolement généralisé face au risque d’ingouvernabilité traduit bien l’incapacité à accepter l’aléa, l’incertitude. La politique a trop été transformée en gestion sans âme et pleine de certitudes pour ne pas apprécier cette nécessité du dialogue et du compromis ! Il est quand même incroyable de se plaindre à la fois d’avoir eu depuis des années des Assemblées sans rôle effectif et d’en avoir enfin une qui échappe au carcan des majorités godillots ! Un peu de cohérence, tout de même ! Continuer la lecture de « Extrême ! »

Nous (ne) sommes (pas) en guerre

La guerre est entrée dans nos têtes. Nous regardons en boucle les images en provenance d’Ukraine. Sidérés. Pressentant sourdement que tout peut advenir. A nouveau, le retour au « monde d’avant » s’éloigne. Comment sortir de l’impuissance qui nous saisit ?

On se rappelle l’anaphore du président quand la première vague du Covid-19 s’est révélée meurtrière : « Nous sommes en guerre ! ». A l’époque j’avais contesté l’usage de cette expression. Pas de guerre possible contre un virus disais-je en substance. Aujourd’hui nos dirigeants affirment sur tous les tons : « Nous ne sommes pas en guerre », sauf l’imprudent M. Le Maire qui avait osé évoquer une « guerre économique totale » contre la Russie. Face au détenteur du deuxième arsenal nucléaire du monde, refuser d’employer le terme de guerre est plus que compréhensible. Parler de guerre c’est risquer d’être entraînés immédiatement dans une escalade dont on ne peut exclure qu’elle aille jusqu’à l’emploi de l’arme atomique.

Nous sommes dès lors, depuis plus de deux semaines, enfermés dans une réalité qui n’est pas la guerre mais qui n’est plus la paix. On avait parlé de « drôle de guerre » pour parler de la période entre la déclaration de guerre de 39 et l’offensive allemande de juin 40. On pourrait dire que nous sommes dans un « drôle de paix ». La drôle de guerre était une guerre qui tardait à commencer, on peut craindre que la drôle de paix ne soit une paix qui tarde à finir. Le terme de nouvelle guerre froide utilisé depuis l’invasion de l’Ukraine me semble doublement impropre, d’abord bien sûr parce que la guerre en Ukraine n’a hélas rien de froid ensuite parce que la guerre froide avait été justement une capacité à gérer sans guerre directe l’affrontement des blocs. Continuer la lecture de « Nous (ne) sommes (pas) en guerre »