Care : un signe de renouveau du socialisme ?

Dans un entretien au site Mediapart début avril, Martine Aubry a  introduit dans le vocabulaire politique français  le concept anglo-saxon du « care ». Elle note ainsi : « La société du bien-être passe aussi par une évolution des rapports des individus entre eux« . Elle ajoute : « Il faut passer d’une société individualiste à une société du « care », selon le mot anglais que l’on pourrait traduire par « soin mutuel » : la société prend soin de vous, mais vous devez aussi prendre soin des autres et de la société. »

C’est peut-être enfin le signe qu’il se passe quelque chose au parti socialiste. On n’a pas en effet assez pointé que mettre en avant le « care » serait une réelle rupture idéologique pour un parti qui a toujours cru avant tout à l’action de l’Etat pour transformer la société. J’ai toujours pensé qu’entre le libéralisme et le socialisme, il y avait place pour des visions politiques qui soient autre chose qu’une troisième voie imprécise, un centrisme sans contenu ou un social-libéralisme ménageant les contraires. Certains avaient su explorer ces voies avec des dénominations qui semblent désormais désuètes comme le solidarisme de Léon Bourgeois ou le personnalisme d’Emmanuel Mounier. L’avantage du « care » est qu’il vient d’ailleurs, qu’il fait donc plus moderne, qu’il s’ancre dans une des branches du féminisme américain. Que les socialistes l’importent en France et c’en serait fini du socialisme étatique, du moins si le « care » devenait une approche centrale et non un simple addendum pour faire moderne.

Pour notre part, nous retenons du « care » son utilité pour imaginer des politiques qui favorisent les relations directes d’entraide entre citoyens. Vive donc le « care » s’il enrichit notre boîte à outils politique !

Oxymore : l’éloge du ET

Dans un pays aussi cartésien (?) que la France, la popularité fulgurante du terme « oxymore » est plutôt étonnante. L’oxymore, c’est l’alliance des contraires : l' »obscure clarté » évoquée par Corneille étant sans doute l’oxymore le plus cité. Pourquoi ce succès alors que nous préférons si souvent le OU au ET ?
C’est Dominique Fauconnier (Ateliers des métiers) qui le premier je crois m’avait amené à réfléchir sur cette modeste conjonction de coordination, moi qui me laissais si souvent séduire par le bonheur polémique de son frère ennemi, le Ou. Avec le OU je somme de choisir, avec le ET je tente de créer des alliances improbables.

J’ai tenté un moment de populariser un oxymore politique avec « volontarisme modeste« . Force est de constater que ça n’atteint pas les sommets de l’Etat ! Le titre même de ce blog peut aussi être vu comme un oxymore.

Certains commencent à s’insurger de cette mode langagière de l’oxymore qui introduirait de la confusion dans la pensée. Le risque existe que l’on s’en serve pour dire tout et le contraire de tout. Je préfère y voir une intégration, à dose homéopathique, de la culture asiatique. Ce n’est pas pour me déplaire.

la « sous-veillance », plus puissante que la surveillance ?

Alors qu’on s’inquiète beaucoup de la SURveillance rendue possible par les TIC, menaçant les libertés individuelles, on voit moins la montée en puissance de la SOUSveillance, cette capacité que donnnent les mêmes TIC aux citoyens de contrôler les pouvoirs. On a tous en tête les images tremblées transmises d’Iran par les portables des manifestants lors des répressions récentes. Les vidéos amateurs qui montrent les violences policières dans les démocraties deviennent courantes. Les formes de cette sous-veillance se  démultiplient : sur France Culture, où j’entendais récemment ce mot pour la première fois, un intervenant signalait que les notes de frais des parlementaires britanniques n’ont pu être exploitées que par la coopération entre des journalistes et des centaines d’internautes mis à contribution pour les éplucher.

Quelle sera la forme de contrôle la plus efficace – et la plus redoutable ? la sur ou la sous-veillance ? Personnellement, j’ai toujours eu des doutes sur l’efficacité de Big brother, tout simplement parce que l’accumulation d’information en un point rend quasi-inévitable la congestion et donc l’inefficacité. En revanche le contrôle décentralisé et relié en réseau de la sous-veillance me paraît tout autant utile que risqué car il échappera toujours à toute limite. Personne ne pourra contrôler les contrôleurs.

Enfin certains se demanderont si tout cela est bien différent du « bon vieux » contrôle social. Assurément oui, parce que le contrôle social permet avant tout de surveiller ses voisins, ses pairs alors que la sous-veillance contrôle les puissants… jusqu’à l’impuissance ?