Mélenchon, la gifle et notre rapport au pouvoir

Beaucoup voient dans les incidents politiques des derniers jours les signes du nécessaire réarmement moral de la République, j’y vois plutôt notre incapacité à regarder les métamorphoses que nous devons affronter. Tentative de pensée à contre-courant.

J’avais eu envie de réagir à chaud à la manière dont tous les médias et tous les politiques presque sans exception ont réagi aux propos de Mélenchon anticipant le déroulement « déjà écrit » de la campagne électorale de 2022. Et puis je n’ai pas voulu apparaître comme un « défenseur de complotiste » et j’y ai renoncé. Et voilà cette semaine le feuilleton politique centré sur la gifle reçue par le président de la République. Rassurez-vous, je n’ai aucune envie de prendre la défense de l’énergumène (c’est le mot qui me vient) qui a agressé le président ! Et pourtant j’éprouve le même malaise devant l’unanimité médiatique et judiciaire à condamner sans délai le coupable que j’avais eu quelques jours avant devant l’unanimisme anti-Mélenchon. Suis-je donc en train de virer « anti-système » sans même m’en rendre compte ? Ou plus simplement céderais-je à mon goût indéniable du contre-pied ? A vous de juger et de me dire.

Mélenchon d’abord. Je l’écoutais sur France Inter, on était presque à la fin de l’émission et j’avais jusque-là trouvé qu’il tenait des propos pertinents et argumentés, allant jusqu’à soutenir la prise de position de Biden sur l’impôt mondial (« il tourne la page du néo-libéralisme »). Et puis il s’est lancé dans une dénonciation de l’oligarchie qui trouverait un candidat pour remplacer Macron si celui-ci était dans l’incapacité de se représenter. Et il a continué avec « sa prédiction d’un grave incident dans la dernière semaine de la campagne présidentielle » qui rendrait inévitable la réélection du candidat de l’oligarchie. Tous ont voulu y voir une forme gravissime de complotisme là où je n’avais entendu qu’une dénonciation de la focalisation des chaînes d’info sur tout ce qui ressemble à une forme d’insécurité, fonds de commerce de ces chaînes. Cette dénonciation était mal calibrée parce qu’associant un acte clairement terroriste (Merah) à un sordide fait divers (papy Voise) mais enfin je n’y voyais pas pour autant une remise en cause des fondements de la démocratie. Continuer la lecture de « Mélenchon, la gifle et notre rapport au pouvoir »

éluctable

Un mot qui ne demande qu’à exister, puisque son contraire existe ! et il est bien plus utile pour nous aider à avancer. Alors, si nous l’adoptions ?!

L’inéluctable est tellement sûr de son fait, qu’il est le contraire d’un mot qui n’existe pas : éluctable. Nous vivons de plus en plus dans un monde qui soupire sous le poids de l’inéluctable. Même la fin du monde apparaît désormais à beaucoup impossible à éviter. A la génération de mon père tout semblait au contraire possible. Quel retournement spectaculaire, spectral plutôt. Découvert sous la plume de Jean-Pierre Texier[1], l’éluctable est un mot que j’adopte d’emblée, avec joie et reconnaissance. L’éluctable, c’est l’anti-fatum, le pied de nez au destin ou plutôt le refus volontaire et combattif de la désespérance, l’inlassable capacité à se dire « Et si… » pour rouvrir des possibles. Il y a une complaisance maladive et paresseuse à se dire qu’on n’y peut rien, que tout est joué d’avance. On me traite souvent d’indéfectible optimiste. Je ne suis pas optimiste mais joueur. Tant que la partie n’est pas finie, un retournement est toujours envisageable. Nous ne manquons de rien dans notre monde suralimenté, nous manquons simplement, cruellement d’imagination et d’envie de rester dans le jeu. Qui avait imaginé avant la semaine dernière que l’abstention pourrait reculer dans un scrutin européen censé ne plus intéresser grand monde ? Qui aurait parié sur une montée en puissance des écologistes ? Pas moi en tous cas, gagné insidieusement par l’inéluctabilité. Après huit jours passés au milieu des splendeurs de la Toscane, j’ai envie de croire que le déclin de l’Europe et donc du monde est encore éluctable ! Pas seulement évitable, comme on évite un obstacle mais éluctable, comme on lutte pour ce à quoi on tient plus que tout.

l’illustration est extraite du blog de collage de RaphaëlleCD

[1] Dans In extremis, le volume 2 de la BibliotheK Sauvage, flâneries éclectiques . poétiques. politiques https://www.bibliotheksauvage.com/publications/

 

Gilets jaunes : pour une nouvelle Nuit du 4 août !

Les rapprochements historiques sont souvent vains, les contextes étant toujours différents. Pourtant la puissance de l’imaginaire de la Nuit du 4 août pourrait peut-être nous inspirer au moment où nous risquons de basculer dans une nouvelle « Grande peur ».

Avec les émeutes de 2005, on avait pu croire un moment, particulièrement vu de l’étranger, que la France était à feu et à sang. Les images d’hélicoptères au-dessus des toits des cités, avec leurs projecteurs trouant l’obscurité, les voitures en flamme et les combats de rue… tout cela donnait à ces quelques nuits d’automne des airs de guerre civile. Ne vit-on pas depuis 15 jours un remake de ces journées de novembre, déjà novembre ? Cette fois-ci, ce sont les Champs Elysées envahis par des casseurs, leurs tentatives de barricades et les gaz lacrymogènes (mais aussi les klaxons bon-enfants des ronds-points aux périphéries des villes de province) qui tournent en boucle sur nos écrans. A nouveau quelques milliers de manifestants agressifs occupent presque tout l’espace médiatique et politique. La France semble bloquée. On sait qu’il n’en est rien, que les manifestants sont au total moins de 200 000, qu’ils peinent à s’organiser et à construire des revendications communes et réalistes. Pourquoi alors éprouve-t-on un sentiment persistant de malaise et d’inquiétude si ce n’est qu’une illusion médiatique ? Et si le pourrissement attendu par beaucoup dans les milieux dirigeants n’allait pas se produire ? Et si le recul gouvernemental pensé comme inéluctable ne se produisait pas non plus ? Et si nous étions entrés dans autre chose que l’éruptivité sporadique à laquelle nous sommes habitués ? Continuer la lecture de « Gilets jaunes : pour une nouvelle Nuit du 4 août ! »