Bureau

En ce vendredi soir, vous en êtes peut-être sortis, du bureau. Mais en sort-on jamais complètement ? L’origine du mot est éclairante sur ce point.

Et si nous étions en train de retrouver le sens premier de « bureau » ? Le mot vient en effet de bure, cette toile grossière qui évoque aujourd’hui plutôt un vêtement religieux qu’un espace de travail. La bure dont on recouvrait la table transformait instantanément un mobilier de la vie courante en bureau auquel on pouvait s’attabler avec un minimum de confort pour écrire ou compter. Nos espaces de travail n’en reviennent-ils pas à cette réalité première ? Les télétravailleurs sont habitués à transformer un coin de séjour ou de chambre en bureau simplement en y installant un ordinateur portable. Les grandes entreprises poussées à cela par le coût exorbitant de l’immobilier n’offrent plus que des espaces de travail que chacun s’approprie juste le temps de l’usage avec en contrepartie – pour les mieux lotis – un maximum de variantes possibles (de la cabine pour téléphoner aux salles de créativité dotées de canapés en passant par les si décriés open spaces). Les tiers-lieux en viennent à agencer ensemble toutes les activités de la vie sociale. On peut y voir l’envahissement de la vie par le travail, son non-respect comme un temps dédié mais limité. On peut aussi y voir à l’inverse sa relativisation et sa perméabilité. Le travail devient activité… une activité parmi d’autres et avec d’autres. Pour le pire et le meilleur.

 

Personne

Un mot banal apparemment. On sait tous ce qu’il signifie. Je veux juste montrer ici qu’il peut aider à résister aux vertiges identitaires. Une invitation à questionner ce que nous prétendons être.

Personne

J’aime la polysémie de ce mot. Personne, comme en a si bien joué le rusé Ulysse, c’est à la fois quelqu’un… et personne ! Intéressant forcément, un mot qui dit une chose et son exact contraire. Ensuite « personne » vient[1] du mot latin persona qui désigne le masque de théâtre. On voit le personnage joué mais la personne véritable est encore cachée. La personne serait donc un acteur ? Même pas, si l’on en vient au verbe « personare », dont dérive le persona, et qui veut dire résonner à travers. La personne serait ainsi fondamentalement un son qui circule. J’aime l’idée que la personne est insaisissable, fluctuante, bien loin de ce qu’on cherche à fixer dans l’identité (ah ! ces toujours plus affreuses cartes d’identité qui en voulant nous « fixer », sans sourire, irrémédiablement nous défigurent !). L’identité ne peut concerner que l’individu (ce qui ne se divise pas, le corpuscule élémentaire (et fantasmé) de la société – in-dividu étant l’équivalent latin de l’a-tome grec). On peut dès lors faire le parallèle avec la lumière que l’on sait être A LA FOIS onde et corpuscule : nous sommes à la fois la personne ondoyante et l’individu incorporé !

Et si nous laissions un peu de côté cet individu mis en avant par la philosophie libérale de la fin du XVIIIème siècle pour nous intéresser un peu plus à cette personne mystérieuse qui n’existe que dans la circulation de la parole, dans la relation qui nous lie de proche en proche à toute l’humanité et au-delà puisque certains d’entre nous parlent aux arbres, aux morts et aux dieux !

>> dans le même esprit sur ce blog : Etre ou avoir.

 

[1] L’étymologie n’est pas avérée. Un mot étrusque pourrait plus sûrement être à l’origine du mot « personne ». Une raison de plus pour moi de laisser cheminer la pensée et d’éviter de figer notre vision de l’humain dans une définition péremptoire.

Exilé

Un texte court autour d’un mot. Une nouvelle manière d’échanger avec vous, pour être lu plus facilement, pour susciter, je l’espère, encore plus de commentaires, voire de débats. Je continuerai bien sûr les textes longs selon l’inspiration !

Dans la recherche pour remplacer le mot migrant, celui de réfugié s’est imposé. On a très largement laissé de côté le terme d’exilé, celui qui est obligé de partir de sa patrie. Pourquoi ce choix ? Une hypothèse. Nous avons encore  privilégié notre  point de vue d’Européens. Le refuge fait référence au point d’arrivée, chez nous. L’exil parle d’un ailleurs, de cette  terre qu’on a dû quitter. En parlant de réfugiés, nous parlons de nous et de notre sollicitude. Nous laissons un peu de côté la  douleur de l’exil.  Le regard de l’exilé ne brille pas des richesses rêvées de son lieu d’accueil. Il brille des larmes de douleur ou de rage, des souffrances traversées et des bonheurs perdus.

Si nous parlions d’exilés, aurions-nous encore le cœur à trier entre les réfugiés acceptables et les migrants économiques à refouler, comme l’Europe et tous ses Etats membres entendent le faire ?