La démocratie c’est aussi délibérer et entreprendre !

Exceptionnellement, je me permets de vous solliciter, vous qui me lisez régulièrement ou occasionnellement. J’aimerais avec votre aide donner plus de retentissement au texte ci-dessous co-écrit avec JP Worms et A Le Coz. Il résume en effet ce que je propose dans mon livre. Malheureusement je n’ai pas réussi à le publier dans la presse. SOYONS ENSEMBLE LA PRESSE en le faisant circuler ! Ce serait l’illustration parfaite du contenu de l’article ! merci à vous.

Nous ne pensons généralement la démocratie qu’en termes d’expression d’opinion et de surveillance des gouvernants. Dire et voir. Il est temps d’ajouter à notre imaginaire démocratique deux autres verbes : délibérer et entreprendre ! Le premier est bien pris en compte comme une pratique démocratique mais sans qu’on en tire toutes les conséquences ; quant au second, on l’associe plutôt à la vie économique alors que c’est un mot formidable pour parler de manière forte de l’initiative citoyenne souvent reléguée à l’animation d’un « vivre ensemble » sans effet réel sur les situations.

D’abord la délibération. On la voit trop souvent comme une simple modalité de prise de décision, plus collective. On gagnerait à la considérer comme un moyen pour construire des solutions neuves aux questions insolubles. Un exemple : les retraites. On pose toujours le problème sous l’angle du financement, une délibération citoyenne amènerait sans doute à regarder d’abord la question par la vie que l’on souhaite vivre dans cette période de vie nouvelle qui s’est progressivement installée entre l’âge adulte et la vieillesse, ce temps des seniors entre 55 et 75 ans (et parfois beaucoup plus !) où l’on reste actif mais autrement. Ce temps aujourd’hui peine à exister pleinement coincé entre le statut d’actif et celui de retraité.

La délibération permet de voir les questions d’un œil neuf et d’imaginer des solutions en rupture avec les modes de pensée dominants alors que notre réformisme ne sert qu’à faire durer un modèle dépassé. Les jurys de citoyens ou des formes mixtes associant citoyens et experts sont de formidables moyens de penser les questions complexes. Les expériences se sont multipliées ces dernières années, avec succès, mais qui le sait ? Il est temps d’aller plus loin. Jusqu’à tirer au sort une partie de nos représentants ? Oui, y compris à l’Assemblée Nationale !

Entreprendre en citoyens. Les politiques et les médias s’intéressent aux entrepreneurs, et c’est bien. Mais ils peinent à voir qu’il y a un entrepreneuriat civique. Pas seulement pour créer des entreprises solidaires ou développer des associations. L’entrepreneuriat dont nous parlons c’est la somme des initiatives que nous prenons tous les jours pour améliorer nos fonctionnements collectifs : des seniors qui proposent de raconter leur itinéraire professionnel à des jeunes pour dédramatiser l’orientation, des locataires d’un immeuble qui se concertent pour mettre en place un bac de compost collectif, des habitants du périurbain qui inventent un système d’autostop pour faciliter le rabattement vers une ligne de tram-train,… Toutes ces initiatives si elles restent isolées ne changent que la vie des personnes concernées. Si en revanche elles se relient et disposent de la bienveillance des collectivités, si elles sont médiatisées et essaiment largement, elles changent notre organisation collective.

Les responsables estiment généralement que la société est figée et qu’il faut la forcer à bouger ; la réalité est inverse : c’est la société qui est créative et vivante et c’est la politique qui devient hélas stérile.

L’Etat aujourd’hui peut très peu ! Un exemple : actuellement quand on veut faire des expériences demandant une puissance de calcul énorme, on ne se tourne plus vers l’Etat pour disposer du plus gigantesque ordinateur : il serait trop petit. On mobilise la puissance de calcul de millions d’ordinateurs personnels en réseau à travers le monde entier. Aujourd’hui acquérir de la puissance passe par la mobilisation d’un très grand nombre de toutes petites ressources coordonnées autour d’un projet qui fait sens. Ce n’est pas seulement possible dans le domaine des communautés numériques, c’est toute la société qu’il faut apprendre à solliciter autour de projets pour lesquels chacun pourra contribuer à sa mesure. Il faut passer de la « puissance publique » à la puissance du public » !

L’énergie citoyenne est considérable mais elle n’est pleinement active que dans des minorités multiples qui se saisissent des questions qui les concernent : la santé, l’école, l’économie collaborative, la transition énergétique, l’accueil des réfugiés,… Dans tous ces domaines et tant d’autres les initiatives se multiplient mais si elles commencent à mieux interagir entre elles, c’est encore thématique par thématique, elles ne font pas système et n’essaiment donc pas à la vitesse qui serait nécessaire pour faire face à l’urgence. C’est là que la démocratie sociétale entre en jeu !

Pour que cette « démocratie sociétale », inventive et active, devienne une réalité tangible nous devons répondre à deux questions : 1/ Avons-nous encore des « capacités citoyennes » ? Beaucoup doutent de la possibilité de l’implication de nos contemporains dans des démarches au service du bien commun tant les logiques individualistes et consuméristes sont puissantes. Les recherches contemporaines répondent pourtant clairement oui. Les scientifiques découvrent que l’empathie est pour l’homme un moteur aussi important que la compétition. Les études sur les « créatifs culturels » montrent que 38 % de la population met en avant l’écologie et le développement durable, la féminisation de notre société, la simplicité, l’implication personnelle dans la société et l’ouverture culturelle.

2/ Si les capacités sont bien là, comment passe-t-on de la potentialité à la réalité ? Comment active-t-on cette « source d’énergie citoyenne » ? Ce n’est pas le « pouvoir central » seulement qu’il faut convaincre d’agir. Ce sont tous les pouvoirs qu’il faut mobiliser : les villes bien sûr, mais aussi les entreprises et les médias : multiplier les lieux de rencontre dans nos villes où l’on puisse concrètement se découvrir citoyen en échangeant avec d’autres ; impliquer les entreprises dans l’incubation de l’initiative citoyenne bien au-delà des démarches de mécénat actuelles qui ne touchent que quelques grands groupes alors que c’est le tissu économique local que l’on doit mobiliser ; faire alliance avec les médias pour qu’ils inventent des formats (et pourquoi pas une forme renouvelée de téléréalité !) donnant à voir ce que permet la créativité citoyenne. La « démocratie sociétale » ne réussira qu’en amenant les pouvoirs à composer.

texte écrit en collaboration avec Jean-Pierre Worms, ancien député, initiateur du collectif Pouvoir d’agir et avec Armel Le Coz, cofondateur de Démocratie Ouverte, qui ont écrit la préface et la postface du livre que je viens de publier : Citoyen pour quoi faire ? construire une démocratie sociétale (éd. Chronique sociale)

 

Causer, discuter, converser

La pluie de ce dimanche m’a ramené à la lecture et à l’écriture. En feuilletant mon fidèle dictionnaire étymologique, je me suis amusé à rechercher l’origine de plusieurs mots qui évoquent le fait de se parler ; ce n’est pas sans surprises… et quelques enseignements !

conversationQuoi de plus banal que de se parler ? Et pourtant nous avons éprouvé, avec raison, le besoin de multiplier les mots pour le dire. Chacun sent qu’entre causer, discuter ou converser, on monte en sophistication. On peut causer n’importe où (et de n’importe quoi) mais converser se fera sans doute au salon, sur des sujets plus recherchés (nous avons tous, dans notre imaginaire, l’esprit français des Salons du XVIIIème siècle). Discuter, sans doute en lien avec la proximité phonétique de disputer, semble moins policé que converser et plus polémique que causer qui n’engage pas trop loin dans l’argumentation et la « guerre des mots » de la polémique…

Cette diversité des mots est encore plus nette quand on regarde du côté de l’étymologie (merci Alain Rey !). Le cheminement des mots bouscule la hiérarchie que nous venons d’esquisser. Causer vient du latin juridique que l’on retrouve dans l’expression « plaider sa cause ». Converser – cum versari, se tourner ensemble – évoque plutôt la proximité de la fréquentation d’un lieu ou d’une personne y compris sur le plan amoureux. Quant à discuter, il veut dire à l’origine fracasser (!) puis, en langage ecclésiastique, examiner, enquêter.

Se parler, ce serait ainsi lier l’intime et le public qu’il soit celui du droit, de la religion ou de la politique (parler et Parlement sont évidemment d’origine commune). Se parler suppose donc à la fois de la familiarité et de l’éloquence. Multiplions donc les causeries, les discussions, les conversations comme autant d’antidotes au repli sur soi mutique et aux soliloques populistes. Le vivre ensemble est avant tout un parler ensemble.

 

 

Convergence

Un texte, sur le chemin (aérien) des vacances… avant de laisser Nuit debout de côté pour profiter pleinement de la Sicile où je passe la semaine !

J’étais hier midi avec mes amis du collectif ArchipelS. Nous ne nous étions pas tous réunis depuis longtemps. Naturellement le premier sujet que nous avons abordé a été Nuit debout. Après un premier décorticage de ce qui se passe par celles et ceux qui sont allés sur place, on voit vite qu’un éclaircissement de nos positions est nécessaire. « Tu veux dire que le mouvement devrait se structurer ? moi, je pense que c’est bien qu’il reste dans l’incertitude. Vouloir un débouché rapide est le plus sûr moyen que ce soit un échec », « Non, je ne veux pas une structuration, plutôt une clarification pour éviter la déception si ça se prolonge sans résultat « classique » du type retrait de la loi ou naissance d’un mouvement politique ». Nous sommes en fait largement d’accord pour dire que l’apport essentiel de Nuit debout est sa dimension « éducation populaire ». Chacun reconnaît la qualité de l’organisation des prises de parole qui oblige à s’exprimer brièvement et donc à entendre une multiplicité de points de vue. On réinvente parfois l’eau tiède ? Oui, mais ça permet à des personnes peu averties des sujets (les biens communs, le revenu d’existence, les débats constitutionnels…) de se les approprier plutôt que de les découvrir tout-pensés… par d’autres ! L’idéal serait que l’on ne fasse que passer par les places de la République et d’ailleurs puis qu’on aille rejoindre tel ou tel projet ou combat avec d’autres déjà investis sur ces sujets.
Continuer la lecture de « Convergence »

persopolitique.fr
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.