La Renaissance de Martine Aubry

Si vous n’avez pas remarqué la tribune de Martine Aubry fin août dans Le Monde, vous n’êtes pas le ou la seul-e ! Pourquoi s’y intéresser alors qu’elle est restée apparemment sans suite notable ? je vous laisse découvrir la raison que je vous propose sur mon blog ! … et on peut en discuter !!

Qui a lu le papier de Martine Aubry dans Le Monde paru le 26 août dernier ? il est resté largement inaperçu et a été très peu commenté. Comme toujours les principales réactions ont été négatives : les uns l’ont lu le comme une candidature à Matignon, d’autres comme une tentative d’exister sur le plan intellectuel à défaut de peser dans le jeu politique… et si on regardait simplement ce qu’elle propose ? les perspectives qu’elle ouvre … et celles qu’elle n’ouvre pas. Et voyons si ça permet d’aller dans la perspective de l’alliance société civile / politique dont j’ai déjà ici évoqué la nécessité.

D’abord prenons au sérieux l’ambition de s’inscrire dans une nouvelle Renaissance : « Aucune des mesures prises ne sera suffisante si l’avenir n’est pas rendu plus visible et surtout plus désirable ».  Oui cette question d’un avenir désirable est centrale et ne peut advenir d’une pratique politique purement gestionnaire, aussi habile qu’elle soit. « L’heure n’est plus au rafistolage, nous avons la responsabilité de faire émerger un monde nouveau ». Ce que je trouve intéressant c’est qu’elle affirme aussitôt : « Les prémices de ce nouveau monde sont déjà là ». On n’est donc pas dans la vision d’un politique qui sait et qui doit éclairer une société en retard mais au contraire d’une élue qui est consciente de tout ce qui se trame DEJA sans être suffisamment pris en compte. C’est bien en phase avec notre certitude que la société est plus vivante, plus innovante que le monde politique.

La suite du texte est ambivalente et peut faire l’objet de deux lectures, une première – rapide – s’appuyant sur la structure très classique du texte industrie, services publics, valeurs… ne dit rien de très neuf ; une seconde – plus attentive aux détails – permet de cueillir quelques pistes neuves mais peu développées.

Prenons  son premier pilier : il est industriel et commence très classiquement par tous nos atouts insuffisamment pris en compte. Fort bien mais pas de quoi parler de révolution. Pourtant dans ce pilier « industrie » on glisse progressivement vers une économie qui n’a plus rien d’industriel au moins au sens classique du terme : « Une économie de la coopération, du bien-être. Une économie qui rompt avec le consumérisme en reconnaissant  le logement, la santé l’éducation et la culture comme des éléments structurants de la société. Tels sont les contours de la révolution industrielle » Rien ne vient expliciter cette intégration d’une économie du bien-être dans la révolution industrielle. Est-ce une simple juxtaposition de préoccupations diverses sans lien entre elles ? Ou est-ce l’amorce d’une vision d’une économie tout autre où le bien-être, la santé, le logement, … ne sont plus des compléments bienvenus pour humaniser l’économie à la marge mais deviennent les moteurs mêmes d’une nouvelle forme de croissance ? ces deux lectures sont possibles.

Le 2ème  pilier est intitulé « renaissance de l’action et des services publics ». Attendu pour une ancienne dirigeante du PS ! mais on y trouve des pistes qui méritent l’attention (et demanderaient des développements) : personnalisation de l’éducation et de la formation, décentralisation. Sur la question des retraites, on n’est pas loin de l’approche que je dessinais dans mon dernier post : « considérer l’allongement de la vie comme une chance en renforçant la place des seniors dans la cité ». Et aussi ; «  la question de l’équilibre des régimes de retraite se règlera dès lors que nous portons une réforme de société et non une vision comptable ».

A la fin du texte on trouve également un couplet convenu sur la laïcité mais aussi une mise en avant de la fraternité  avec la relance du care qu’elle juge avoir été  « caricaturé » par les commentateurs… tout en la caricaturant à son tour en le réduisant à l’altruisme.

L’intérêt du texte : avec Martine Aubry l’alliance est possible !

Pourquoi donc s’intéresser à un texte qui malgré son ambition n’est pas pleinement enthousiasmant ? S’il n’a pas retenu l’attention, c’est sans doute qu’il était trop loin de la politique traditionnelle (offrant ainsi peu de prise à la polémique) et pas assez visionnaire pour ceux qui réfléchissent  à ce que demain sera. Pour moi, dans la perspective d’alliance que je défends, ce texte est au contraire tout à fait intéressant.  Martine Aubry  confirme en effet à travers ce texte qu’elle est bien une politique avec qui l’alliance société civile/politique est possible, malgré ce qu’on dit parfois sur son autoritarisme. Elle va assez loin pour comprendre la société,  ses aspirations et les dynamiques dont elle est porteuse. Et son « classicisme » politique dans l’expression montre qu’elle n’est pas pour autant en rupture avec les institutions telles qu’elles sont… ce qui est indispensable pour pouvoir les embarquer dans les nouveaux modes de faire que nous préconisons. (et par pitié ne réduisons pas Martine Aubry aux 35h imposées par la loi !)

Notons que les politiques les plus innovants comme Cohn-Bendit par exemple sont finalement moins pertinents dans cette perspective d’alliance car ils sont trop déconnectés des institutions et leur pouvoir d’entraînement est faible. Donc vive les élus à la fois bien insérés dans le milieu politique et suffisamment ouverts pour modifier leurs modes d’action ! Et si nous commencions leur repérage collectivement ?

OUI, la réforme des retraites peut être désirable !

L’été n’est pas fini, certains d’entre vous sont sans doute encore en vacances, et DEJA un sujet sérieux : les retraites ! Mais si on prenait justement un moment pour réfléchir au sujet autrement que sous l’angle financier ?? C’est ce que je propose ici.

« Encore les retraites ! », on sent bien que le sujet lasse. Chacun espérait que ça avait été réglé par la dernière réforme mais au fond personne n’y croyait réellement ! La conférence sociale de juillet a donc planché sur le sujet en amont d’une concertation estivale dont on peine à voir les traces dans la presse. Septembre va arriver et le gouvernement devra avancer… mais on sait déjà que ce sera toujours avec le même point de vue exclusivement financier.

Depuis vingt ans, on ne cherche qu’à « préserver le système » avec trois variables d’ajustements, la durée de cotisation pour pouvoir partir au taux plein, le taux des cotisations et le montant des pensions. Chacun cherche alors logiquement à minimiser l’effort financier qui va lui être demandé… et c’est un rapport de force que le politique tranche en dernier recours. N’y a-t-il donc aucune autre manière de regarder le problème ? Est-on condamné à revivre tous les 5 ou 10 ans le même psychodrame ? Tant qu’on se contentera d’un simple replâtrage financier, chacun continuera à ne voir dans la réforme qu’un « toujours moins » vide de sens et désespérant. L’enjeu pourtant essentiel que chacun pourrait partager s’énonce simplement : comment veut-on vivre « l’avant-vieillesse », cette période de vie qui s’est intercalée entre l’âge mûr et la vieillesse ? En effet, contrairement à ce qu’on dit tout le temps, on ne vit pas vieux plus longtemps, on devient vieux plus tard. Ça change tout ! C’est ce que certains appellent la « sénescence », parallèle avec l’adolescence qui est progressivement apparue entre enfance et âge adulte. Cette nouvelle période de vie qui va de 50/55 ans à 75/80 ans (soit près de trente ans !) n’est aujourd’hui pensée que selon les modèles anciens : la retraite ou l’activité professionnelle.

Cette période essentielle où l’on est mûr sans être vieux peut pourtant être vécue sur un mode différent : une activité maintenue mais qui passe progressivement de l’emploi à l’engagement social. On peut ainsi travailler plus longtemps sans continuer le métier qu’on ne veut (ou peut) plus faire. Pour y parvenir, la loi n’est pas le bon outil, il faut avant tout mettre des personnes en présence pour qu’elles organisent ces transitions au cas par cas. Ça suppose des espaces de négociation qui impliquent non seulement l’entreprise et ses salariés mais aussi les acteurs du territoire. On a besoin en effet de construire des solutions locales avec les associations et les collectivités pour voir où réinvestir le temps de travail des salariés seniors quittant progressivement l’emploi salarié. L’enjeu est d’ouvrir des perspectives aux personnes en fin de carrière qui ne voient pas d’alternative entre le travail et la retraite parce que l’engagement associatif n’a pas fait partie de leur vie professionnelle, souvent par manque de disponibilité. Les activités d’utilité sociale sont multiformes et chacun peut sans doute trouver une voie épanouissante… et créatrice de richesse économique.

Il est essentiel en effet que les seniors continuent à produire des richesses, mais différentes. Le soutien scolaire, activité prisée déjà par de nombreux seniors, pour prendre un exemple, c’est une formidable opportunité de renforcer la qualité de la formation initiale des jeunes, réduisant du même coup les besoins de formation de rattrapage ou d’indemnisation du chômage de jeunes adultes sans qualification. Il y a création d’une valeur qui ne donne pas lieu à un échange monétaire mais qui, in fine, se retrouve bien dans les comptes de la Nation par une économie de dépenses publiques de formation ou d’indemnisation du chômage. L’approche comptable actuelle empêche de voir à la fois les perspectives de mieux vivre qu’offre une fin de vie professionnelle plus conforme aux aspirations des personnes et l’impact économique global de la réallocation des « ressources humaines » que permet cette approche.

Réformer aujourd’hui, ça devrait consister à rendre possible et désirable pour les acteurs sociaux d’organiser eux-mêmes les changements qui éviteront les « réformes couperet ». Ce qui manque donc, c’est la capacité de tirer parti, à la bonne échelle, de l’inventivité sociétale. Les responsables politiques doivent cesser de penser que les solutions sont dans les cabinets ministériels ou les rapports des commissions officielles ! Rien n’est fait aujourd’hui pour entraîner la société dans ce nouveau rapport à l’activité, une activité pensée tout au long de la vie mais de manière différenciée selon les âges… mais il n’est pas trop tard. Le véritable contrat de génération est là, dans la mise en place de conditions propices au maintien des seniors dans une activité utile à la société.

Utopique ? C’est plutôt l’inverse qui est illusoire : allonger la vie active sans veiller aux conditions effectives de l’emploi et retrouver au chômage des seniors qui ne correspondent plus aux attentes des entreprises. Beaucoup de souffrances et peu d’efficacité économique ! Beau résultat !

 

 

le pouvoir d’un blog

Non, je ne pense pas transformer le monde au travers d’un blog ! Pas de prise de pouvoir en vue. Pas de grand soir. Mais de l’empowerment personnel, oui ! Le mien d’abord, parce qu’il est le plus évident. Celui qui émet reçoit : je retrouve des personnes, renoue des contacts, partage réflexions et envies d’agir – j’y reviendrai. Celui de ceux qui lisent ensuite. J’en ai eu un bel exemple ce soir. Bruno que je n’ai pas revu depuis plusieurs années me confie qu’il lit régulièrement mes écrits et que ça stimule sa propre réflexion, lui donne envie d’écrire sur sa propre expérience. Il me dit qu’il n’arrive pas à se lancer. Je l’écoute et lui dit que son projet a du sens, que j’en serai un lecteur intéressé. Je sens que ça lui donne une impulsion pour se jeter à l’eau. En raccrochant, il évoque les devoirs de vacance qu’il lui reste à faire ! Rien d’extraordinaire dans cet échange mais c’est bien du pouvoir qui circule, et c’est bien le blog qui le rend possible. Ce n’est pas seulement un média, c’est une occasion d’interactions. Pas de simples échanges amicaux, des échanges centrés sur le besoin de ne pas se contenter du monde tel qu’il est. Deux énergies renforcées : la sienne (je l’espère, mais le ton de sa voix le disait) ; la mienne, puisque je me suis mis à écrire plutôt que de m’affaler devant la télé après une semaine encore bien dense.

Thierry Crouzet écrivait récemment sur son blog qu’il désertait les réseaux sociaux, trop encombrés et qu’il retrouvait le plaisir des échanges vrais permis par le blog, comme on peut en avoir dans un café tranquille. Bien d’accord avec lui !

Dans notre société (dite à tort) de communication, on ne cesse de se parler pour ne rien se dire. Je trouve très symptomatique que l’un des principaux réseaux sociaux s’appelle « gazouillis » ! Twitter, n’est-ce pas adopter un comportement d’oiseau et piailler avec les autres ?

Je reviens au contenu des échanges. Je prends volontairement deux exemples qui n’ont apparemment rien à voir mais qui tous les deux font explicitement référence à l’empowerment.

Le premier exemple, celui de Georges avec qui j’ai renoué une relation toujours grâce au blog, en alternant échanges épistolaires (électroniques, je n’ai pas encore repris la plume !) et rencontre à Paris (un petit resto vietnamien près du Jardin des Plantes) et à Lyon (en terrasse au bord du Rhône). On se quitte en se disant qu’il serait intéressant d’écrire sur la diversité des champs où se joue la question de l’empowerment. Lui travaille sur les questions de santé, sur le rétablissement des personnes à côté du soin des corps et de leurs maladies. Il me passe un très beau texte (Se rétablir – Bernard Pachoud 2012) dont je reprends ici deux courts extraits.

[On passe] d’un objectif médical – la rémission des troubles – à un objectif social – la réinsertion – et existentiel – le réengagement dans un projet de vie. Ce changement d’objectifs justifie le recours à des stratégies faisant appel à des ressources et des principes différents. Dans le cadre médical, des exigences d’ordre épistémique : connaître la nature des troubles, leur mécanismes générateurs, en vue d’optimiser l’efficacité du traitement. Dans la perspective du rétablissement, l’objectif de reprendre un contrôle sur sa vie requiert une priorisation de l’exigence éthique sur le savoir – l’exigence d’autodétermination en
particulier.

Cette restitution, ou cette réappropriation du pouvoir de choisir, de décider et d’agir, est précisément ce que recouvre la notion d’empowerment. C’est bien de « questions de pouvoir » qu’il s’agit, donc de questions politiques, qui en soulèvent une série d’autres : Quoi ou qui a privé cette personne de ce pouvoir ? Certes sa maladie. Mais qu’en est-il des institutions ? Comment soutenir la personne dans sa démarche de réappropriation du pouvoir de choisir, de décider et d’agir ?

Le second exemple, celui d’Yves Cabannes, pas revu depuis notre travail commun pour le conseil régional Nord-Pas de Calais… en 2009 si je ne me trompe pas. Il m’envoie par mail, en réaction au billet sur le « projet d’alliance », une info sur la démarche éditoriale qu’il a entreprise pour présenter les initiatives prises à travers le monde pour dire qu’une « autre ville est possible ». Je découvre à cette occasion le site CITEGO où cette collection sera publiée de 2013 à 2015. Lui aussi pointe le besoin d’alliances pour sortir de l’isolement : « […] Or si chacun de ces éléments se développe remarquablement dans de nombreuses régions du monde, leur combinaison n’est pas développée, en partie par manque de dialogue entre les acteurs de chacun de ces processus sociaux. Il y a donc un double enjeu à documenter ces expériences novatrices et développer des liens entre elles, mais aussi et surtout entre les acteurs qui en sont les porteurs. En effet, c’est par leur union, ou du moins leurs alliances, ponctuelles et globales qu’un changement d’échelle et de radicalisation pourra être atteint ».

Je vais réfléchir cet été à la manière dont peuvent s’amorcer ces alliances en partant de ce que j’évoquais au début de ce texte : l’énergie qui circule entre les personnes. L’alliance que j’imagine est à l’image des connexions neuronales : relier le maximum de personnes au travers d’un maximum de sujets pour éviter de rester dans des logiques de clans et de chapelles sans créer non plus une organisation centralisée à la fois illusoire et en contradiction avec l’idée même d’empowerment. Les connexions ne sont pas seulement des lieux de mutualisation, ce sont des lieux de recomposition des projets et de ré-energisation  (je ne trouve pas de mot). Relancer des Ateliers de la citoyenneté à une vaste échelle ? Développer les agir-cafés expérimentés à Lyon depuis un an (si on parvient à sortir des logiques trop limitatives de l’accompagnement individuel) ? Créer des espaces de réflexion/action d’un nouveau type ? Voilà de quoi gamberger lorsque je sillonnerai à vélo les chemins de Charente où je pars mardi prochain ! Bonnes vacances à tous ceux qui en prennent et bel été à tous.

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