Politique, arithmétique et morale

L’affolement qui saisit la classe politique face à la montée du lepénisme l’amène à faire des calculs des plus étranges et des plus risqués !

L’affolement qui saisit la classe politique face à la montée du lepénisme l’amène à faire des calculs des plus étranges et des plus risqués !

Le retrait des socialistes dans 3 régions, salué par beaucoup comme un geste de courage républicain, est emblématique. Ces  derniers semblent oublier la prime de 25% accordée à celui qui sera en tête dimanche… alors que ce sont eux qui l’ont inventée. Et ils l’ont inventé pour faire barrage au Front National, quand ce parti dépassait « juste » les 10 %, ce qui lui donne une chance historique de gagner presque la moitié des 13 grandes régions, au moment où il approche les 30 % !!

Pas besoin en effet d’être majoritaire pour gagner dimanche prochain, il suffit d’être premier : 34 + 33 + 33 et celui qui a 34 prend le contrôle de l’institution régionale. Chacun s’est focalisé sur les 3 régions où le FN distance nettement les deux autres mais l’arithmétique absurde du mode de scrutin actuel n’exige pas de tels écarts.

Ce ne sont donc pas 3 régions qui sont gagnables mais 6 ! ou plutôt 5 car la Région Midi-Languedoc où la gauche est devant la droite avec des réserves de voix peut plus facilement faire jouer le réflexe républicain. Dans les deux autres Régions, Bourgogne et Centre, la droite n’a pas de reports de voix à attendre. Le PS en se maintenant en raison du faible écart avec la droite et des réserves de voix des écologistes et du front de gauche risque de faire ce qu’il veut éviter dans les 3 régions les plus menacées : laisser la place de numéro 1 et donc de vainqueur au FN.

Et ce retrait dans les régions les plus menacées est sans doute vain car, comme le soulignait hier Rolland Cayrol, les candidats ayant franchi la barre des 40 %, statistiquement, sont toujours élus. On en arrive donc à des retraits qui vont sans doute être inefficaces et des maintiens qui peuvent être désastreux !

Enfin sur le principe, je trouve que ce retrait confond morale et politique. Pour combattre le FN il vaut mieux être présent dans les assemblées que totalement absent ! Le retrait c’est le refus de la politique, c’est une posture. On « gagne » sur le plan moral lors d’une soirée électorale et on perd pendant six ans sur le terrain. La diabolisation du FN empêche depuis des années de le combattre réellement sur le terrain de l’argumentation politique… et le laisse prospérer. Quelle absurdité !

On arrive désormais au pire scénario politique pour l’avenir, celui d’un tripartisme impossible avec trois forces d’égale importance, autour de 30 %. Notre système électoral n’est pas du tout adapté à cette nouvelle donne. Pour moi la seule solution est la proportionnelle pour donner aux forces politiques l’espace nécessaire à leur expression, les compromis venant ensuite dans le cadre parlementaire. Je sais que nous vivons avec la phobie des dérives parlementaires de la IVème République mais n’est-il pas temps de reconsidérer les choses ? Je préfère de loin un paysage pluriel à 5 grandes forces (2 droites, 2 gauches et un centre écologique ouvert à la société civile comme je l’avais dessiné en 2012 lorsque le FN était encore à 20 %) que ce rétrécissement actuel autour de trois blocs antagonistes.

Quand donc préférerons-nous le combat réellement politique à cette morale politique sans consistance ? C’est triste que le seul espoir qui nous reste réside dans la déconsidération du FN par sa gestion des Régions qu’il gagnera. Non pas parce qu’il prendra des mesures antirépublicaines (il est bien trop malin pour se risquer à ça) mais parce que les électeurs constateront (mais quand !) que face à la gestion d’une institution centrée sur les questions de développement et de formation, le FN n’a pas de solution miracle… et donc que rien ne change. Mon seul espoir est que les Français arrêtent de croire au miracle en politique, mais cet espoir n’est-ce pas aussi croire au miracle ?

Ce matin (désolé ma chère Maman !) je n’ai pas encore écrit quelque chose de gai…