Réfugiés, responsables politiques et société civile

La société civile mais aussi les médias bougent plus vite que les politiques sur la question des réfugiés. Valls, avec ses dernières déclarations, semble l’avoir compris. Encore un effort ! Que nous puissions retrouver notre fierté…

 

Ce matin Thomas Legrand pointait avec justesse le changement de ton des autorités françaises  concernant la question des « migrants ».

Oui, la majorité ose enfin sortir de son mutisme craintif. On sentait les socialistes, jusqu’ici, tétanisés par le conservatisme ambiant et la trouille. Il aura fallu l’horreur des images du camion en Autriche et que leur soient mises sous le nez les déclarations du minimum de bon sens humanitaire d’Angela Merkel pour que le gouvernement prononce les mots qui conviennent aux dirigeants de la France-pays-des-droits-de-l-homme

Il concluait

Ce que le PS a effectué avec la sécurité, certains, notamment à Matignon, pensaient qu’il fallait le réaliser avec les questions migratoires et d’identité. La fermeté, la fin de la culture de l’excuse, fut une mutation de la gauche à l’épreuve du pouvoir, notamment local. La gauche de gouvernement est passée du phantasme à la réalité en matière de sécurité. Mais en matière d’immigration, les chiffres et l’expérience le montrent, la réalité est du côté de l’ouverture et de l’humanisme, et le phantasme du côté du FN et de ses alentours.

Dans l’actualité  désespérante de ces dernières semaines, je trouve réconfortant que TF1 – oui, TF1 ! – ait consacré un numéro de Grands Reportages à la façon dont tout un village s’est mobilisé, à l’initiative  de son maire pour  accueillir des demandeurs d’asile et pour les soutenir  lorsqu’ils étaient déboutés. Voici comment le reportage est présenté :

 A Chambon-le-Château, en Lozère, le maire a eu une idée audacieuse pour lutter contre la désertification rurale. Depuis 2003, le village accueille une cinquantaine de demandeurs d’asile, des étrangers menacés de mort dans leur pays. C’est le cas des Syriens Khaled et Manal, des Albanais Ziya et Gentiana, et de John et sa famille, un Nigérian menacé par Boko Haram. Leurs enfants vont tous à l’école du village avec les petits Chambonnais. Peggy Campel, la directrice, leur apprend à parler français. A Chambon-le-Château, le « vivre ensemble » et la solidarité s’expérimentent au quotidien. En 2008, des habitants se sont même mobilisés pour soutenir une famille du Kosovo qui allait être expulsée. Aujourd’hui, cette famille a obtenu la nationalité française et vit toujours en Lozère.

Certes le reportage n’est pas loin de tomber dans la « belle histoire », celle qui, en étant trop édifiante, empêcherait tout autant de réfléchir que les images-choc  habituelles sur « l’invasion des migrants ». Il l’évite au travers d’une scène étonnante : des jeunes réunis au bar du village qui affirment nettement leur opposition à cette politique d’accueil, avec comme argument massue le fait qu’on paye les réfugiés à ne rien faire. Mais ils sont vite à court d’argument quand la journaliste leur apprend que c’est la loi qui impose aux demandeurs d’asile de ne pas travailler. La journaliste insiste « Vous savez la différence entre réfugiés et immigrés ? ». Le fort en gueule hésite et finit par dire que non, il ne sait pas, et tous baissent la tête, penauds. Ici, la bêtise ignorante s’exprime mais elle n’a  pas le dernier mot ; mieux elle se déconsidère de façon pitoyable et la suite du récit la réduit à ce qu’elle est : une méconnaissance faite de manque de curiosité et d’idées toutes faites. Face à cette bêtise, la journaliste insère le contrepoint d’autres jeunes, au départ tout aussi ignorants, mais qui ont fait le chemin de la découverte de l’autre (ils sont devenus amis avec un des réfugiés) : ils ne blâment plus l’oisiveté qu’ils savent maintenant forcée, ils s’interrogent sur la pertinence de la loi et surtout ils aident leur ami dans sa  nouvelle vie. (On ne dira jamais assez l’idiotie du proverbe « La  curiosité est un vilain défaut », c’est bien l’in-curiosité qui est le vilain défaut qui précipite dans le populisme !!)

 Question de représentation, question de méthode

Revenons au fond du propos, la manière de faire face à l’afflux des réfugiés. Il y a pour moi deux questions : une question de représentation et une question de méthode et bien sûr les deux sont liées.

Je n’insiste pas ici sur le débat sémantique migrants/réfugiés, il a beaucoup occupé les médias, et tant mieux ! On a tous pu comprendre le piège que représente l’usage d’un mot apparemment neutre comme « migrants » qui fait oublier la réalité brutale du « réfugié ». A s’intéresser principalement «aux flux de migrants », on s’enferme dans des solutions qui n’en sont pas. Impossible de stopper par des barbelés des personnes qui ont tout quitté, payé des fortunes, parcouru des milliers de kilomètres, souffert tous les risques et toutes les humiliations pour atteindre le pays de leur rêve. Rien ne les arrêtera. Aux chiffres préférons les récits pour comprendre. Je recommande par exemple Dans la mer, il y a  des crocodiles, l’histoire d’Enayatolah, enfant afghan réfugié en Italie.

Quand je parle de représentations, je veux évoquer les termes de marée, de vague, de flux, de déferlement qu’on utilise sans cesse pour évoquer l’aspect quantitatif de cette migration. Images à l’appui. On voit des groupes de plusieurs dizaines de personnes, de quelques centaines parfois et cela suffit à saturer nos écrans. On rajoute ensuite des nombres avec beaucoup de zéros : des centaines de milliers (00 000). Trop peu sont les médias qui mettent  ces chiffres en rapport avec la population européenne d’environ 500 000 000 d’habitants. Soit environ 1 ou 2 pour mille.  Pas 1%, juste 0,1%. L’effet de masse vient des miroirs grossissants des objectifs de télévision mais bien sûr aussi de la concentration dans le temps et dans l’espace de l’arrivée des réfugiés.

Prisonniers de nos représentations de « masse », nous cherchons des solutions pour faire face à une arrivée « massive ».  Stopper le flux d’abord, créer des lieux d’accueil de masse ensuite. Deux erreurs « massives » !

Pourtant on peut faire autrement. Et on le fait depuis longtemps. La société civile, les autorités locales savent se mobiliser pour apporter des réponses. Le reportage de TF1 sur Chambon le montrait bien. J’avais lu un papier il  y a déjà plusieurs  années  sur une  initiative similaire en Calabre.

Riace comprend alors que sa richesse réside dans l’accueil des étrangers. Le village allait remplir le vide laissé par ses émigrés partis au Canada ou en Australie avec ces immigrés venus, eux aussi, de loin. « Un avenir était possible, avec une nouvelle cohésion sociale. Les gens s’en allaient, l’école avait fermé, les services de base commençaient à manquer. On se demandait à quoi bon programmer encore des travaux publics, et même tenir en vie un bourg qui se vidait petit à petit. Or, avec ces nouveaux arrivés, l’espoir pouvait renaître« , explique le maire.

Il y a quelques mois, toujours dans Le Monde, un article expliquait les réussites du micro-accueil.

Tout commence en 2011, quand le gouvernement doit faire face, comme aujourd’hui, à une situation d’urgence face à l’afflux de migrants. Plus d’une centaine d’entre eux sont alors expédiés dans un hôtel de haute montagne isolé, non loin d’ici. L’expérience est un désastre, avec des migrants qui se morfondent et des autorités qui sont montrées du doigt par une opinion publique qui les accuse de leur payer des vacances aux frais de l’Etat. « C’est à ce moment-là que nous avons pensé à installer les demandeurs d’asile par petits groupes dans les différentes communes de la vallée », raconte Carlo. L’idée s’est révélée payante.

C’est le cas de Tasfir, 19 ans, arrivé du Mali en Sicile en 2014. Après une brève période dans les structures d’accueil surchargées de l’île, il a été transféré à Malegno. Quinze mois au cours desquels sa vie a changé, dit-il. « Vivre à quatre ou cinq, c’est bien et, ici, ont connaît désormais tout le monde… C’est comme vivre chez nous. Tout autre chose que de vivre à cent. Il y avait tous les jours des bagarres. »

On ne peut que partager l’indignation de François Gemenne, chercheur en science politique, spécialiste des flux migratoires quand il accuse l’Europe de trahir son idéal

On a créé un continent de prospérité, de paix et de sécurité réservé à quelques privilégiés et dans lequel les autres n’ont pas le droit d’entrer. C’est une faillite de l’idéal européen!

J’avais cité ici l’étude à laquelle il participait sur la possibilité d’ouvrir les frontières.

Aujourd’hui ce qu’on attend des dirigeants de nos pays européens c’est qu’ils montrent leur confiance dans notre capacité à faire face au besoin d’accueil. Nous ne voulons plus de cette phobocratie qu’a incarnée  Sarkozy. Nous ne voulons pas être protégés, nous voulons  être au contraire encouragés à l’ouverture et à la générosité. L’autre jour, au JT de France2, après avoir rapporté la position ferme de la chancelière  pour maintenir sa politique d’accueil face aux intolérants extrémistes, le journaliste disait que dans la société civile des initiatives se développaient, encouragées par l’attitude digne d’Angela Merkel.

n voici un exemple :

Alors, les trois étudiants berlinois ont décidé de faire quelque chose – en créant une «bourse aux logements pour réfugiés». Non seulement pour loger des réfugiés, mais aussi pour leur faire comprendre que la pègre xénophobe qui fait la «Une», ne représente pas «l‘Allemagne».

L’idée partait d’une situation anodine. Mareike Geiling avait décroché un semestre d’études au Caire et voulait sous-louer sa chambre dans un appartement partagé avec d’autres étudiants. Au lieu de louer cette chambre par les biais habituel, elle s’est mise avec des amis pour créer la plate-forme «Réfugiés bienvenus». Depuis le début de cette opération, cette petite initiative a déjà réussi à loger 74 réfugiés et – plus de 1500 Berlinois ont proposé ce type d’hébergement pour des réfugiés qui en partie, vivent dans la rue en attendant à ce que les administrations tranchent sur leur demande d’asile.

Nous sommes mesquins et pleutres quand tout nous pousse à la mesquinerie et à la  pleutrerie … mais nous savons réagir quand les circonstances nous y poussent. Il y aura toujours des racistes qui râleront mais je suis certain que la majorité des gens sont capables de faire un geste de fraternité, comme les habitants de Chambon, comme les étudiants berlinois.

Je suis  donc  heureux du changement de ton du premier ministre mais je pense qu’il doit aller plus loin. Et s’il évoquait l’esprit du 11 janvier pour nous inciter à passer à l’action. Ça aurait du sens, non ?

La  question des réfugiés peut devenir une belle occasion de sortir du repli qui ne nous rend pas heureux et porte atteinte à l’image que nous nous faisons de la France. J’avais honte en entendant que la France ne recevait que 60 000 demandes d’asile en 2014 quand l’Allemagne en recevait plus de 200 000. Plus honte encore quand j’ai vu que la France avait le plus faible taux d’acceptation des demandes (30%).  Pour qu’on agisse enfin à l’échelle du problème, nous avons besoin d’y être incités. N’est-ce pas le rôle des politiques et des médias ?

Thomas Legrand, vous auriez là un édito encore plus utile que celui de ce matin !

TGV du soir…

Ce billet ne comporte aucune réflexion nouvelle ! Il est plus perso que politique. A ne lire que si mes états d’âme et mes remerciements ont du sens pour vous. Sinon, rendez-vous au prochain billet… plus persopolitique

Je suis dans le train de retour de Paris, comme souvent…

J’ai hésité : lire un document sur mon téléphone pour préparer la réunion de demain (mais c’est bien petit un écran de tél, et le document est bien long…), sortir le roman qui m’accompagne (je le ferai sans doute tout à l’heure), mais pour le moment une impulsion subite me pousse à partager mon ressenti personnel avant deux événements importants pour l’« aventure démocratique » dans laquelle je me suis engagé. Ce blog, même écrit à la première personne, même mû souvent par des réactions à des lectures ou des faits d’actualité, reste (et restera !) un lieu de partage de réflexions. Pourtant ce soir, j’ai envie d’écrire sur un registre plus personnel.

Deux événements à quelques jours d’intervalle vont être fondateurs : le 11 avril, c’est la rencontre de lancement du Laboratoire de la Transition Démocratique ; le 15 avril, le point de départ de l’A 960 (le G1000 français). J’ai évoqué ces projets dans ce blog à plusieurs reprises. Ils sont sur le point de sortir des limbes.

Bien des doutes m’ont assailli ces dernières semaines au point de rendre mes nuits plus insomniaques que jamais ! La fatigue s’est accumulée, avec la nécessité de mener cette aventure prenante en parallèle du rôle exigeant et passionnant de « tête chercheuse » à Synergence que je tiens à assumer pleinement, … tout cela dans l’inconfort d’une situation fragilisée (revenus divisés par deux, inquiétude de mon entourage par rapport à des choix aventureux, …)

Je ne dis pas cela pour me faire plaindre puisque j’ai fait le choix de mener cette double vie professionnelle et engagée. Plutôt pour donner plus de valeur aux signes encourageants qui m’ont donné envie d’écrire ce soir, dans une forme de sérénité retrouvée !

Encourageant le fait qu’en quelques jours plus d’une dizaine d’inconnus aient pris la peine de soutenir publiquement le projet du Laboratoire en indiquant les raisons de leur engagement. Encourageant, le fait que près de cinquante personnes aient prévu de venir à la rencontre de lancement du Laboratoire alors que je pensais que nous ne serions à peine une petite trentaine. Encourageant, le fait que des personnes perdues de vue aient manifesté leur intérêt pour les aventures engagées en soulignant ma créativité et ma ténacité (ça fait du bien à l’ego qui avait plutôt tendance à l’autodénigrement ces temps-ci !).

Encourageantes enfin et surtout, toutes les rencontres de ces derniers mois, toutes les séances de brainstorming à Lyon, à Paris, à Forges-les-Eaux, dans des cafés, des bureaux, des casinos, en déambulant dans les rues ou la campagne, vautrés dans des canapés ou serrés dans des cafés bruyants ou même enfumés (vive les terrasses !), au cours de « conf calls » ou de séances de Skype, …

Ce soir, j’ai juste envie de dire merci. De rendre grâce (je sais c’est catho, mais que voulez-vous, je le suis !).

Implosion démocratique ou émergence d’une démocratie sociétale

L’Italie est ingouvernable, mais aussi les Etats-Unis. Face à la crise, le vote ne permet plus de choisir les gouvernants. Plus grave encore les Etats sont démunis sur des sujets vitaux : énergie, emploi, école… remettons « l’ouvrage démocratique » sur le métier ! vive la démocratie sociétale !

Haider en Autriche et tous ceux qui lui ont succédé depuis aux Pays-Bas, en Hongrie et ailleurs ont toujours fait craindre un retour vers les populismes de l’entre-deux-guerres. La percée de Beppe Grillo en Italie dit tout autre chose : la perte de sens de l’outil démocratique qu’est le vote. Face à une situation insupportable, une crise organisée par les dirigeants eux-mêmes, la boussole démocratique s’affole et le suffrage universel dit en même temps des choses contradictoires : victoire de la gauche, retour de Berlusconi, montée d’un parti anti-système,…  L’aiguille s’affole et n’indique plus le nord d’une politique à suivre pour la durée d’une mandature. Le vote ne « marche » plus. La machine est grippée. Et il est probable que les messages indéchiffrables vont se multiplier dans les prochaines années puisqu’aux yeux des citoyens plus aucune politique « réaliste », de gauche ou de droite, ne leur donne d’espoir d’une vie maîtrisée.

Le vote devient un instrument erratique, est-ce pour autant la fin de la démocratie ? Mais au fait, la démocratie, c’est quoi ? à force de « vivre en démocratie », on finit par la réduire à deux choses : la désignation des dirigeants politiques et un régime protecteur des droits de l’homme.  Ou alors, on annone la formule du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple… sans trop savoir ce que ça signifie. Une autre définition est possible, elle donne des clés pour donner un nouveau souffle au projet démocratique : la démocratie c’est une organisation de la société qui permet aux personnes qui la composent de maîtriser leur vie et leur avenir commun en développant leur pouvoir d’agir individuellement et collectivement.

Si on regarde la situation selon  cette définition, on voit des dynamiques très différentes que si l’on se focalise sur ce qui ressemble bien à l’agonie de la démocratie représentative. Au milieu des ruines, poussent des herbes folles que nos botanistes démocratiques patentés peinent à ranger dans la catégorie « démocratie ». On se rappelle des sarcasmes concernant la « démocratie participative, vantée mais peu pratiquée par Ségolène Royal. Aujourd’hui les pratiques sociales qui développent le pouvoir d’agir des personnes se multiplient : monnaies complémentaires, habitat partagé, circuits courts, consommation collaborative, toutes ses formes d’organisation redonnent de la maîtrise aux gens sur leur vie, les obligent à prendre des décisions collectives négociées, amènent à comprendre des gens différents (les discussions au sein des AMAP sont un bon exercice de la démocratie par la négociation des points de vue entre agriculteurs et consommateurs)… C’est marginal ? ça ne traite pas les problèmes essentiels de la vie collective ? entièrement d’accord ! Mais reconnaissons qu’il y a là une énergie positive, une perspective neuve… qu’on peine à trouver du côté de la démocratie institutionnelle. Le non cumul des mandats qui serait sans doute un moyen de redynamiser le système est repoussé aux calendes grecques.

Aujourd’hui, où vaut-il mieux investir ? dans une refonte improbable du système représentatif ou dans un renforcement significatif des jeunes pousses de ce que nous pourrions appeler la « démocratie sociétale » ?  Il faut ici aller un cran plus loin dans l’analyse. Nous avons dit que le vote ne fonctionnait plus pour la sélection des dirigeants. Mais ce n’est que le révélateur d’une crise plus profonde : la perte d’efficacité des Etats. Les électeurs ne savent plus pour qui voter parce que les dirigeants, de quelque bord qu’ils soient ne parviennent plus à mener des politiques efficaces au niveau national. Prenons trois enjeux majeurs pour construire l’avenir : la transition écologique, l’emploi et l’éducation. Quel gouvernement a su prendre une mesure réellement efficace depuis 20 ans sur ces sujets capitaux ? Aucun. Non parce qu’ils sont mauvais mais bien parce que l’échelon national est impuissant. Le seul moment où il s’est passé quelque chose en France sur la question de la transition énergétique, c’est le « Grenelle  de l’environnement », justement un événement où c’était l’ensemble des acteurs sociaux qui tentaient de construire des compromis. Dès que l’Etat a repris la main, la déception a été générale.

Réussir la transition écologique passe par la mobilisation des collectivités locales, des entreprises et des citoyens autour d’enjeux  locaux avec  la mise en place de solutions concrètes qui facilitent les changements de comportements. Cette transition, est déjà en cours, silencieusement. Elle manque encore de dispositifs qui l’outilleraient efficacement mais chacun travaille aujourd’hui à la « massification » des initiatives prises. Nous (Synergence) y participons avec Energy cities.

Réussir la lutte pour l’emploi se fera en lien avec la transition écologique qui amène à répondre aux besoins économiques par des solutions plus riches en emploi (ressource disponible) et plus économes en ressources rares (les matières premières, les ressources naturelles). Cette révolution de l’économie quaternaire selon l’expression de l’économiste Michèle Debonneuil suppose une inventivité qui passe par des processus d’innovation « démocratiques » dans lesquels les consommateurs, les utilisateurs ont leur place (design for all). Le temps de la transformation étant long, il doit être accompagné par une gestion des transitions au sein des bassins d’emploi.

Nous n’insisterons pas ici sur l’incapacité de l’Etat à réformer l’Education nationale ! Non que Vincent Peillon soit un mauvais ministre ou qu’il propose de mauvaises réformes. Simplement la question éducative ne peut plus se décréter d’en haut. Ivan Illich était sans doute trop en avance dans ses intuitions mais ce qui semblait utopique dans les années 70 devient une voie réaliste aujourd’hui. L’école ne peut plus être une question politique nationale unifiée, elle devient toujours davantage une question d’organisation de communautés éducatives locales.

Nous avons ici pris trois exemples d’enjeux  majeurs qui supposent une démocratie sociétale construisant des solutions locales en impliquant les citoyens eux-mêmes. Mais quid de questions qui doivent encore être tranchées au plan national ? Je pense que le temps est venu de réactiver une piste que j’avais évoquée il y a déjà 10 ans dans le plus grand scepticisme : désigner les députés par tirage au sort ! (je vais rééditer sur ce blog le texte que j’avais rédigé) Depuis lors les expériences se sont multipliées en France et surtout à l’étranger de groupes de citoyens tirés au sort pour débattre de sujets complexes. Ces jurys citoyens, ces conférences de consensus prouvent que les citoyens lorsqu’ils délibèrent collectivement n’ont pas les comportements erratiques que  les votes laissent présager.

Nous avons sacralisé UNE forme de la démocratie, celle de l’élection des représentants, il est plus que temps de sortir de cette idolâtrie et de remettre sur le métier « l’ouvrage démocratique » qui ne peut que se figer dans une forme datée au risque de se désagréger. Entre la forme démocratique inventée par les Grecs et celle réinventée par les Lumières, il s’est passé quelques siècles de despotismes de tous ordres ! Tentons d’éviter ce type de « parenthèse » !  Je suis persuadé que le pas à faire est aussi important qu’entre les deux premières formes démocratiques. Mettons-nous au travail. La démocratie sociétale est un chantier stimulant.