Avant le « monde d’après »

N’allons pas trop vite en besogne. Ne sortons pas tout de suite notre arsenal de solutions pour le monde d’après. Essayons peut-être d’abord de comprendre pourquoi le « monde d’avant » ne peut pas revenir…

Le questionnement sur le monde d’après prend de l’ampleur. Certains se disent « A quoi bon ? On nous a déjà dit que plus rien ne serait comme avant en 2008 après la crise financière et puis les choses sont revenues « à la normale » et rien n’a changé véritablement ». Comment leur donner tort quand on voit trop de politiques, trop d’intellectuels énoncer leurs recommandations pour l’avenir sans prendre le temps d’examiner ce qui a changé, ce sur quoi il va falloir s’appuyer pour reconstruire. Ils ont leurs recettes toutes faites. Bruno Latour est plus intéressant lorsqu’il propose son exercice de discernement mais celles et ceux qui s’y lancent peinent parfois à aller au bout. Trop abstrait peut-être.[1]

Je crois donc que la première question à se poser est bien : pourquoi ça ne peut pas repartir comme avant ? Il me semble que le confinement lui-même donne la réponse. On a su y entrer toutes affaires cessantes mais on ne sait pas comment en sortir ; le Premier ministre a reconnu que c’était extrêmement complexe et qu’il n’avait pas à ce stade la réponse. Parce que pour sortir du confinement sans risque, il faudrait que nous ayons eu massivement le virus qu’on a justement évité par le confinement, on comprend bien que le confinement n’était en rien un remède mais une réponse d’urgence à notre impréparation à la rencontre avec ce virus. Continuer la lecture de « Avant le « monde d’après » »

Coronavirus, climat : même combat ?

Le coronavirus nous obsède au point d’en occulter toute autre préoccupation, notamment celle du climat. Un papier en quatre mouvements, écrit entre jeudi et dimanche, pour garder les oscillations du questionnement dans une période ô combien troublée.

1er mouvement, jeudi – Nous avons été nombreux à nous désoler que le coronavirus se révèle autrement plus mobilisateur que le climat pour nos dirigeants. Face à une menace qui nous semblait assez peu grave, en tous cas pas plus qu’une épidémie de grippe, l’incurie face à la menace climatique, bien plus vitale, apparaissait encore plus insupportable. Quoi ? un simple virus pouvait conduire à des décisions drastiques alors que la crise écologique restait sans réponse en rapport avec les risques d’effondrements multiples ?! C’était inadmissible. Mais ces derniers jours ce parallélisme, confortable pour l’indignation qu’il autorisait à bon compte, s’effrite peu à peu. D’abord parce que la gravité du virus a peut-être été sous-estimée par ceux qu’indignait un traitement médiatique apocalyptique. Notre méfiance à l’égard des médias nous amenait par réflexe compensatoire à ne regarder que les chiffres de la mortalité rapportés à ceux de la grippe saisonnière, effectivement beaucoup plus faibles. On oubliait ce faisant que la mortalité n’est pas le seul enjeu. Des hôpitaux, déjà au bord de l’explosion, vont sans doute être engorgés par des milliers de personnes à traiter en urgence pour des problèmes respiratoires aigus. Il fallait bien reconnaître que le système de santé allait être confronté à des difficultés sans commune mesure avec ce que provoque une grippe. L’impact supérieur à la grippe du coronavirus est encore renforcé par le fait qu’il n’y a ni vaccin ni traitement, que l’on peut être réinfecté en ne développant pas d’anticorps et qu’enfin on ne sait pas encore si le retour des beaux jours suffira à éteindre l’épidémie. Continuer la lecture de « Coronavirus, climat : même combat ? »

Démocratie, une réforme discrète ?

Les propositions d’Emmanuel Macron sur la démocratie s’intéressent aux pratiques réelles pas seulement aux dispositifs institutionnels. C’est moins spectaculaire mais plus prometteur.

Le constitutionnaliste Dominique Rousseau rappelait, dans un très bon article publié par AOC, qu’en 1974, on s’était moqué de la réforme constitutionnelle qui ouvrait la saisine du Conseil constitutionnel aux parlementaires. Ce qui semblait anecdotique à l’époque a été en réalité le point de départ d’un contrôle de constitutionnalité toujours plus étendu. La modernisation de la démocratie passe souvent par des voies discrètes. A contrario, le battage médiatique du passage au quinquennat qui devait a priori nous rapprocher des pratiques des grandes démocraties anglaises ou américaines nous a hélas enfermés dans un présidentialisme sans contrepouvoirs affirmés et à l’horizon trop courtement électoral. Les grandes réformes ne sont pas toujours celles qui occupent le devant de la scène.

Que va-t-il en être des annonces du Président concernant la démocratie en conclusion du grand débat ? Peut-on prendre paradoxalement comme une bonne nouvelle le fait qu’elles n’aient pas suscité beaucoup de réactions ? Je ne suis pas loin de le croire. Continuer la lecture de « Démocratie, une réforme discrète ? »