Drapeau

Au moment où nous sommes appelés à « pavoiser », une réflexion rapide sur le drapeau et les 3 couleurs.

AN_BleuBlancRougeLe drapeau, comme le dit son étymologie, était avant tout un morceau de tissu, une pièce de drap. J’ai appris qu’au cours de son histoire, il a désigné les langes dans lesquelles on drapait un nouveau-né ! Aujourd’hui les trois couleurs se dématérialisent en lumière pour recouvrir les profils facebook comme pour habiller les monuments. Comment rester insensible à ces illuminations trouant l’obscurité des nuits d’ici et d’ailleurs ? Cet habit de lumière sur l’Assemblé Nationale en a fait frissonner plus d’un. Le symbole, quand il perd son support matériel – hampe et tissu – semble perdre aussi sa connotation antérieure de panache auquel on est sommé de se rallier. Le drapeau ne serait plus l’oriflamme des armées mais l’expression de l’universalisme français. Alors, fallait-il pavoiser balcons et fenêtres ce vendredi ? N’oublions pas que nous n’utilisons  plus ce vieux  mot de « pavoiser » que dans  le  sens « il n’y a pas de  quoi pavoiser »! On retrouve la matérialité d’avant, celle notamment des fanions agités sur le chemin des libérateurs de 1944. Ne risque-t-on pas la forfanterie en réactivant maintenant un symbole de victoire ? Je comprends l’intention de fierté et de rassemblement. Je préfère la proposition plus en retenue qui nous a été faite à Lyon, en lieu et place de la Fête des Lumières : renouer, plus massivement que ces dernières années, avec la tradition des luminions sur les bords des fenêtres. De la religion sécularisée plutôt que du patriotisme revivifié. Et si nous avions plus besoin de l’une que de l’autre en ce moment compliqué ? Et si nous préférions la lumière au tissu ?!

Aulique

Dimanche soir… Avant de reprendre des activités normales (comme disait feu PPD la marionnette des Guignols), si vous vous laissiez aller au bonheur de découvrir un mot hors de toute visée « utilitaire »… la perspective de le réutiliser au bureau lundi étant assez faible ! Mais si vous y parvenez, merci de le faire savoir !

Juste pour le plaisir de découvrir un mot nouveau, même s’il a peu de chance de venir nourrir votre vocabulaire quotidien !

Affiche Portraits à la cour des médicis
Affiche Portraits à la cour des médicis

C’était en visitant la très belle exposition des portraits des Médicis au musée Jacquemart André (ah l’élégante et altière Eléonore de Tolède !). Alors que les textes racontant cette peinture de cour très codifiée sont plutôt simples et pédagogiques, une expression m’accroche « les codes de la représentation aulique ». Aulique ? Jamais lu ou entendu ! Sans doute un mot qui touche la question du pouvoir. Forcément, ça  m’intéresse. Une consultation téléphonique d’internet me donne une réponse sommaire où je comprends qu’aulique a un rapport avec la cour du saint-empire germanique.
Il s’agit bien du pouvoir, mais un peu loin de mes préoccupations. Les exemples d’utilisation dérivées de ce mot sont plus parlantes : un dictionnaire évoque la « splendeur aulique », un autre le « carcan aulique ». Deux faces opposées du pouvoir absolu ! Pourtant aulique vient de « aula », une grande salle de réunion. Les Suisses auraient conservé, parait-il, ce terme pour désigner les amphithéâtres universitaires. Pas vraiment des symboles de l’absolutisme… ni les Suisses, ni les  universitaires.

Personne

Un mot banal apparemment. On sait tous ce qu’il signifie. Je veux juste montrer ici qu’il peut aider à résister aux vertiges identitaires. Une invitation à questionner ce que nous prétendons être.

Personne

J’aime la polysémie de ce mot. Personne, comme en a si bien joué le rusé Ulysse, c’est à la fois quelqu’un… et personne ! Intéressant forcément, un mot qui dit une chose et son exact contraire. Ensuite « personne » vient[1] du mot latin persona qui désigne le masque de théâtre. On voit le personnage joué mais la personne véritable est encore cachée. La personne serait donc un acteur ? Même pas, si l’on en vient au verbe « personare », dont dérive le persona, et qui veut dire résonner à travers. La personne serait ainsi fondamentalement un son qui circule. J’aime l’idée que la personne est insaisissable, fluctuante, bien loin de ce qu’on cherche à fixer dans l’identité (ah ! ces toujours plus affreuses cartes d’identité qui en voulant nous « fixer », sans sourire, irrémédiablement nous défigurent !). L’identité ne peut concerner que l’individu (ce qui ne se divise pas, le corpuscule élémentaire (et fantasmé) de la société – in-dividu étant l’équivalent latin de l’a-tome grec). On peut dès lors faire le parallèle avec la lumière que l’on sait être A LA FOIS onde et corpuscule : nous sommes à la fois la personne ondoyante et l’individu incorporé !

Et si nous laissions un peu de côté cet individu mis en avant par la philosophie libérale de la fin du XVIIIème siècle pour nous intéresser un peu plus à cette personne mystérieuse qui n’existe que dans la circulation de la parole, dans la relation qui nous lie de proche en proche à toute l’humanité et au-delà puisque certains d’entre nous parlent aux arbres, aux morts et aux dieux !

>> dans le même esprit sur ce blog : Etre ou avoir.

 

[1] L’étymologie n’est pas avérée. Un mot étrusque pourrait plus sûrement être à l’origine du mot « personne ». Une raison de plus pour moi de laisser cheminer la pensée et d’éviter de figer notre vision de l’humain dans une définition péremptoire.