VIVRE, avec le virus !

Persopolitique n’a pas vocation à libérer son auteur de ses énervements mais avouons que le climat de cette rentrée ne conduit pas à la sérénité ! Or nous avons bien besoin de vivre la crise sur un tout autre registre que celui qui domine actuellement.

« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? », « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie, et l’herbe qui verdoie. » Tous les jours, avec le même ton angoissant et la même répétition que la femme de Barbe bleue dans le conte de Perrault, les médias s’interrogent sur la venue de la deuxième vague. Dans le conte l’arrivée des frères est le seul espoir d’échapper à la mort sous la lame de Barbe bleue. Dans notre « réalité médiatisée », c’est l’arrivée de la vague qui serait meurtrière. Dans un cas la menace est là, immédiate, et l’espoir hypothétique (les frères vont-ils surgir dans le poudroiement du soleil ?). Dans l’autre la menace est très hypothétique mais elle finit par anéantir l’espoir. Nous vivons comme si la deuxième vague était inéluctable, avec les mêmes effets qu’au printemps. Une autre analogie vient alors à l’esprit : ne sommes-nous pas plutôt dans Le désert des tartares à attendre, comme les habitants du fort imaginé par Dino Buzzati, un ennemi qui ne vient pas, complètement suspendus à cette attente, empêchés de vivre par l’obsession d’une Nouvelle vague ?

« Apprendre à vivre avec le virus », tel était le programme raisonnable auquel nous souscrivions tous largement avant l’été en nous disant que nous devrions cohabiter au moins jusqu’au printemps prochain avec le virus, sinon en bonne intelligence, du moins dans un évitement prudent et avisé.

Las ! la rentrée ne se passe pas du tout dans cette ambiance ! Encore une fois, nous ne serions que des enfants qu’il faut guider dans leurs moindres gestes et chapitrer au moindre écart ! Où est la confiance dont on nous assurait que nous en étions dignes ?! Nous avions été exemplaires, nous disait-on ! Nous avions adopté, malgré notre réputation de Gaulois rétifs à toute autorité, la plupart des gestes-barrières qui nous avaient été prescrits. Mais le ton de cette rentrée n’est pas à la confiance. Les obligations se multiplient et se généralisent. Normalement je devrais porter le masque dès que je sors de chez moi, puisque j’habite à Lyon. Mais dans ma rue, vers 8h, quand je sors prendre mon café du matin, il n’y a pas foule… et je me refuse à porter un masque. Je n’aime pas me mettre dans l’illégalité (j’ai scrupuleusement respecté la durée et le périmètre de sortie pendant le confinement) mais là, c’est trop ! Ce masque c’est bien sûr une protection des autres face à mes postillons et je me suis habitué à le mettre dans les transports, les lieux clos et les rues fréquentées. Je trouve ça civique et prophylactique mais laissez-moi une marge d’appréciation ! Toute obligation absurdement générale entraîne nécessairement le type de réaction que j’ai. J’ai discuté avec beaucoup de personnes qui partagent cette exaspération sans être des anti-masques par principe. Hier matin j’entendais que le procès des attentats de janvier 2015 allait se dérouler avec des masques ! Imaginer une justice masquée me semble une aberration. Il vaut mieux créer des distances physiques, limiter le nombre de personnes dans la salle d’audience mais il faut voir et entendre les protagonistes des débats ! On en vient à des acceptations folles d’une norme sanitaire.

L’autre jour, devant la débauche de signalétique autocollante dans le métro, sur les vitres des rames, sur les quais, dans les couloirs, avec des cheminements et des indications de distanciation absolument inapplicables, j’éprouvais également ce sentiment de malaise, ce manque d’air qu’on ressent quand on se trouve envahi par des injonctions multiples et contradictoires. Laissez-nous respirer ! Je crois qu’on a compris ce que nous devions nous efforcer de faire. Inutile de nous faire vivre chaque instant sous le registre de la prescription répétée ad nauseam.

Plus grave encore, nous retrouvons comme au printemps la litanie quotidienne des chiffres de la maladie. Tous les jours on nous alerte sur le nombre croissant de personnes touchées par le virus avec l’interrogation rituelle pour savoir si nous sommes entrés dans la deuxième vague. Jean-François Toussaint est bien seul à nous rappeler que nous ne regardons plus les mêmes chiffres qu’au moment du confinement ! Il a beau montrer les courbes des admissions en soins intensifs et des morts du Covid qui restent strictement plates, rien n’y fait. Oui, le virus circule, oui des gens sont infectés en nombre mais c’est bien ça « apprendre à vivre avec un virus ». Qui peut sérieusement croire qu’on puisse vivre avec un virus et ne jamais entrer en contact avec lui ? Notre apprentissage, côté médical, est pourtant bien engagé : on sait mieux soigner (on vient d’apprendre par exemple que les corticoïdes sont réellement efficaces), on gère mieux le passage en soins intensifs sans recourir aussi massivement aux respirateurs… En revanche nous n’avons pas encore trouvé le rythme de croisière pour tester de manière efficace et isoler les porteurs du virus ; sans doute cela viendra vite avec les tests plus simples qu’on nous promet. Bref, on s’organise pour faire avec. Il devient urgent que nous trouvions aussi les modalités d’information et de prévention qui n’accentuent pas inutilement la peur ou les contraintes infondées. C’est une excellente occasion de renforcer notre aptitude au discernement personnel et à la régulation par la multiplication des ajustements à toutes les échelles, familiale, professionnelle, de voisinage, locale et nationale.

Je me refuse à croire ce que certains disent : la peur étant un gage de tranquillité publique, les pouvoirs seraient tenter de maintenir un niveau élevé d’angoisse. Ce calcul serait un calcul de Gribouille au moment où la confiance en l’avenir est indispensable à la « relance » que promeut le gouvernement. On ne peut avoir en même temps la peur et la confiance dans l’avenir. Notre responsabilité à tous, et pas seulement aux gouvernants, est de privilégier la confiance.

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Auteur/autrice : Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY

Je continue à penser que l’écriture m’aide à comprendre et à imaginer.

 

6 réflexions sur « VIVRE, avec le virus ! »

  1. Cher Hervé, merci pour ton papier. Je me refuse également à envisager cette perspective proprement machiavélique (celui qui contrôle la peur des gens devient le maître de leurs âmes) qu’on pourrait, dans un moment de faiblesse complotiste, attribuer aux pouvoirs publics (et néanmoins obscurs). Pour autant. Entre autres choses passionnantes, j’ai retenu de mon service militaire que pour diriger un groupe important (une armée par exemple), constitué de personnalités diverses et variées (contestatrices par nature et incompatibles souvent), il fallait des ordres clairs, brefs et univoques du côté du pilote et une obéissance aveugle (on ferme sa gueule même si on en pense pas moins) du côté des pilotés. Faute de quoi, l’armée est ingouvernable. Je suis désolé de penser et de croire que la responsabilité éclairée citoyenne n’est pas encore une caractéristique de notre société. Il y a une marge certaine pour qu’elle le devienne un jour et je ne doute pas que tu feras toujours partie de celles et ceux qui contribueront à la réduire !

  2. transmis par une amie drômoise, heureuse d’être préservée géographiquement de toute « angoisse de la proximité », une réaction d’un médecin généraliste qui questionne lui aussi la pertinence du port du masque généralisé https://www.lemonde.fr/blog-mediateur/article/2020/08/26/le-monde-des-lecteurs-covid-19-questions-sur-le-port-obligatoire-du-masque_6050006_5334984.html?fbclid=IwAR0KEfUXTQmZYGXsbHROyLTyWDDHfUAnOnh9vIpI2Pw3mCkBqBU4wjWKQz0

  3. Hello Hervé,
    Et merci pour cet article dont je partage absolument le propos. Sais-tu que Nantes Metropole va lancer une Conférence Citoyenne sur le Covid « temps long ». Les grandes agences de la participation citoyenne sont sur le coup, je ne vais pas répondre en tant que prestataire mais j’essaie vraiment d’être participante car oui, la parole citoyenne manque sacrément dans cette crise. Ceci étant dit, le développement du discernement et de la confiance, c’est quand même un grand chantier. LE chantier ?

  4. Oui ! Hervé, Claire, Denis, je suis tout à fait en ligne avec vos réflexions. Les citoyens sont de plus en plus intelligents, globalement, et on les prend de plus en plus pour des demeurés incapables de la moindre décision éclairée ! Pourtant les initiatives autonomes courageuses n’ont jamais été aussi nombreuses, l’intelligence collective n’a jamais couru si vite sur les réseaux… mais l’anxiété, la folie généralisée est telle qu' »on » arrive à faire accoucher les femmes avec un masque !!! Contre toute jugeote ou simple humanité, sachant qu’il faut infiniment plus de souffle et d’énergie pour accoucher que pour le plus extrême marathon ou exploit sportif (qui, en plus, est généralement bien préparé…) Avec les conséquences dramatiques qu’on constate évidemment (complications en chaîne, hyper-médicalisation, actes non consentis, césariennes à vif, dépression sévère du post partum, atteinte au lien mère/enfant et j’en passe… ) Comment peut-on imposer des consignes aussi abjectes, abusives, sans fondement ??? (Ce « on » est diffus et contagieux, hélas… : il va du dirigeant/influenceur local, national, international – Bill Gates and co -, au moindre chef, petit chef ou individu imbu de son pouvoir sur autrui…) Et surtout comment peut-on les suivre sans se rebeller, sans oser dire NON, tous ensemble !? Quelles peurs généralisées paralysent donc tout un chacun ? Pourtant, il n’y a pas que JF Toussaint dont l’imperturbable calme s’élève dans cette tempête médiatique pour dénoncer, preuves à l’appui, les mensonges éhontés qu’on nous serine à longueur de journée. Il y a aussi Didier Raoult (qui fâche trop grave par son bruyant humour anti parisien…), Martine Wonner, Christian Perronne, Alexandra Caude Henrion, Laurent Toubiana, Nicole Delepine, Jean-Dominique Michel, Annick de Souzenelle, Luc Montagnier, Joëlle Rochette Guglielmi, Philippe Guillemant, Anne-Laure Bailly, Louis Fouché, Violaine Guérin, Michel de Lorgeril, Odile Ouachée, Jean Sibilia, Patrick Bellier, Gerard Guillaume, Eric Caumes, etc. Plusieurs centaines de médecins et autres scientifiques sérieux et reconnus ont signé des pétitions et des tribunes… En vain ! Inaudibles dans ce vacarme assourdissant de fake news officielles ! Il suffit pourtant de regarder les courbes 2020/2019/2018 de l’Insee (nombre de morts par jour), accessibles à toutes et à tous, pour se convaincre que la « vague » a frappé la France en mars avril et ne s’est plus manifestée depuis ! Mais la rumeur est trop forte. Rien ne semble pouvoir l’arrêter… jusqu’à épuisement physique et psychique des personnes et anéantissement des économies ??? Avec le vaccin-miracle totalement illusoire mais tellement lucratif comme chant du cygne fatal ? Où en est la bascule tant attendue ? Plus elle se rapproche, plus les esprits s’éveillent et plus les peurs diverses s’intensifient (peur de la mort, peur de la rébellion, peur de la pénurie, peur de gagner moins d’argent, peur de perdre ses avantages, son argent, son emploi,… peur du gendarme, peur du voleur, peur de l’autre, peur de son propre corps…) En Inde, au Brésil et ailleurs, des millions de pauvres meurent de la faim ou de la violence, à cause de cette folie. Arrêtons le massacre ! Et vite !!! Tous ensemble !

  5. J’ai oublié de préciser que les solutions existent, bien sûr, pour permettre aux femmes d’accoucher humainement : équiper les soignants de masques FFP2, entre autres… ! Trop simple, sans doute ? Ou juste une hiérarchie de valeurs massivement brouillée par la peur, l’ego, l’appât du gain ou autre parasite bien plus dangereux que n’importe quel virus !

  6. N’hésitez pas à contacter les maternités pour les aider à réfléchir collectivement, entre soignants, sur le sujet ! Vous pouvez dire que votre fille ou votre meilleure amie va y accoucher… Un bon moyen de sonder le degré de « nez dans le guidon dénué de toute humanité… ou pas »! Restons optimistes ! Nous pouvons semer des petites graines… C urgent !
    https://bit.ly/3i7xzw2 Merci pour toutes les futures mamans !!!

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