Gilets jaunes : pour une nouvelle Nuit du 4 août !

Les rapprochements historiques sont souvent vains, les contextes étant toujours différents. Pourtant la puissance de l’imaginaire de la Nuit du 4 août pourrait peut-être nous inspirer au moment où nous risquons de basculer dans une nouvelle « Grande peur ».

Avec les émeutes de 2005, on avait pu croire un moment, particulièrement vu de l’étranger, que la France était à feu et à sang. Les images d’hélicoptères au-dessus des toits des cités, avec leurs projecteurs trouant l’obscurité, les voitures en flamme et les combats de rue… tout cela donnait à ces quelques nuits d’automne des airs de guerre civile. Ne vit-on pas depuis 15 jours un remake de ces journées de novembre, déjà novembre ? Cette fois-ci, ce sont les Champs Elysées envahis par des casseurs, leurs tentatives de barricades et les gaz lacrymogènes (mais aussi les klaxons bon-enfants des ronds-points aux périphéries des villes de province) qui tournent en boucle sur nos écrans. A nouveau quelques milliers de manifestants agressifs occupent presque tout l’espace médiatique et politique. La France semble bloquée. On sait qu’il n’en est rien, que les manifestants sont au total moins de 200 000, qu’ils peinent à s’organiser et à construire des revendications communes et réalistes. Pourquoi alors éprouve-t-on un sentiment persistant de malaise et d’inquiétude si ce n’est qu’une illusion médiatique ? Et si le pourrissement attendu par beaucoup dans les milieux dirigeants n’allait pas se produire ? Et si le recul gouvernemental pensé comme inéluctable ne se produisait pas non plus ? Et si nous étions entrés dans autre chose que l’éruptivité sporadique à laquelle nous sommes habitués ? Continuer la lecture de « Gilets jaunes : pour une nouvelle Nuit du 4 août ! »

Aznavour, un universel… particulier !

Ce papier m’a été inspiré par le télescopage à quelques minutes d’intervalle de deux hommages à Aznavour que je trouvais également vrais et apparemment contradictoires. S’en sont suivis des rapprochements hasardeux…

Rebecca Manzoni sur France Inter est sans doute la seule personne que j’aime écouter parler chanson à l’heure du petit déjeuner, alors que le sujet ne me passionne pas. Ce matin-là, bien sûr elle parle d’Aznavour, en commençant par une anecdote familiale pour bien ancrer son propos dans la vie, la vie du quotidien, celle des engueulades en voiture sur la route des vacances à propos des paroles d’une chanson d’Aznavour. Elle enchaîne en parlant d’une chanson de 1956 que je ne connaissais pas :

« Après l’amour », dont le début flamboyant laissait penser que la scène se déroulait dans une arène. Mais plus le morceau avançait, plus la pièce se rétrécissait jusqu’à zoomer sur un lit. […] Pourtant, Aznavour ne chante rien d’extraordinaire : des draps froissés, des corps lourds. Que du concret. Et c’était précisément ça, la révolution : parler de nos vies sans circonvolutions.

Ça fait déjà une journée entière que l’on déverse le flot de paroles convenues que l’on se croit obligé de proférer à chaque décès de célébrité mais là, je trouve que ça sonne juste. Alors, quand je déplie Le Monde au moment de partir prendre mon café et que je tombe sur l’appel de Une pour les pages d’hommage au chanteur, je suis d’abord agacé : « Charles Aznavour, l’universel ». Rien que ça ! Ils font dans le grandiloquent au Monde. Mais je chemine avec ça, en direction du café où j’ai mes habitudes : Aznavour entre quotidien et universel, me disant que ce n’est peut-être pas mal vu… si l’on joue avec l’oxymore de l’universel particulier. Continuer la lecture de « Aznavour, un universel… particulier ! »

Ecology matters

Hulot a démissionné ce matin. Et nous, nous démissionnons ?

Le triumvirat que j’espérais il y a un an n’a pas fonctionné. Macron, Philippe et Hulot n’ont jamais réellement fonctionné ensemble malgré le titre de ministre d’Etat donné au ministre de l’écologie. 

Il n’y a eu qu’un moment où j’y ai presque cru, quand Macron a lancé son « make our planet great again » mais, sur le sujet-clé de l’agriculture et de l’alimentation, on a très vite vu qu’il n’y aurait pas d’arbitrage risquant de mécontenter la FNSEA malgré les possibilités d’alliances inédites avec les ONG et la distribution qui avaient émergé lors des états généraux de l’alimentation.

On va à nouveau entendre les éditorialistes se demander doctement s’il peut ou non y avoir une stratégie des petits pas, si les ministres ne doivent pas accepter de perdre une partie de leurs arbitrages… Comme si un jour on pouvait décider de sauver la planète sur le climat et le lendemain laisser mettre en cause la biodiversité. Dans le serment d’Hippocrate, il est explicitement affirmé « d’abord ne pas nuire » (primum non nocere). Les médecins savent bien qu’il n’est pas toujours possible de guérir mais le minimum auquel ils s’obligent est de ne pas aggraver la situation de leur patient. Comment peut-on dire comme le porte-parole du gouvernement qu’un coup on gagne, un coup on perd et que c’est le jeu politique ? La politique pensée comme un jeu de cartes ! Oui au rami ou à la belotte, il n’y a pas d’enjeu, et seuls les « mauvais joueurs » se plaignent de perdre, mais là c’est de notre avenir commun dont on parle. Les ministres devraient signer leur serment d’Hippocrate en entrant en fonction.

Je suis bien conscient que la politique passe souvent par des petits pas mais à condition d’avoir une direction claire ! Un pas en avant et un pas en arrière (ou même un pas de côté) ne font pas une stratégie fiable et donc entraînante. Comment imaginer que les acteurs sociaux, les entreprises et les citoyens s’alignent sur une ambition commune si le message des plus hautes autorités de l’Etat n’est engagé que dans les discours généraux ? Hulot a pointé ce matin sur France Inter que le problème n’était pas seulement qu’il n’avait pas le soutien du reste du gouvernement mais que la société dans son ensemble restait souvent inerte quand il fallait défendre une position sur les pesticides ou sur la réintroduction d’espèces menacées. Il s’est même permis d’égratigner les médias insuffisamment présents sur ces sujets. Mais cette mobilisation générale ne peut subvenir par la volonté d’un seul ministre. Tant qu’on ne voit les questions écologiques que comme une question parmi d’autres, une question thématique comme il y a par ailleurs la santé, l’emploi ou le tourisme, on n’a rien compris.

A quel niveau de catastrophe va-t-on réussir à sonner utilement le tocsin ? L’été a pourtant été critique sur tous les continents, de l’Inde frappée par des inondations jamais connues à la Californie toujours plus ravagée par les incendies. On connait le risque de la grenouille dans la casserole : plongée dans l’eau froide progressivement portée à ébullition, elle ne tentera de sauter de la casserole que lorsqu’elle aura trop chaud pour en avoir encore la force. Parfois, on a la désagréable impression que nous sommes devenus une grenouille collective et que l’eau est déjà bien chaude…

Hulot espérait ce matin que son geste (il a, d’une certaine manière, sauté hors de la casserole !), provoquerait un sursaut positif. N’attendons pas que les responsables politiques aient un tel sursaut, ils ne l’auront pas, ils se révèlent ô combien du vieux monde. Mais nous, sommes-nous collectivement capables de dire que les questions écologiques ne sont pas des questions parmi d’autres, qu’elles engagent notre avenir à tous ?

« Black lives matter » ont dit les Américains pour rejeter le racisme ambiant des forces de l’ordre, ne devons-nous pas inventer un « ecology matters » ? Et l’afficher haut et fort. Nous sommes le peuple souverain, c’est à nous de « mettre à l’agenda » les questions qui comptent vraiment pour nous ! 

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