Un article qui met en mots, de façon simple et lumineuse, le décalage entre le discours politique et la réalité sociale ! Trouvé dans le Monde sous la plume du constitutionnaliste Dominique Rousseau, j’hésitais à le lire car le titre annonçait une énième analyse de la montée du Front National. En fait au-delà du FN, Rousseau nous parle du « syndrome du grenier » qui nous frappe collectivement :
« Quand un individu traverse une crise existentielle – comme l’adolescence –, il se réfugie dans le grenier pour retrouver ses poupées en cire et ses 45 tours. Aujourd’hui, les sociétés traversent une crise existentielle. Elles changent leur mode de vie mais sont encore attirées dans le grenier où elles trouvent le franc et la blouse grise, la règle sur les doigts et l’Etat bonapartiste, la voix de la France et l’ORTF. Et la force du FN tient à ce que les gens n’ont pas d’autre discours que celui du grenier pour se représenter la situation d’aujourd’hui. […]
Cette pensée du grenier « ne dit rien sur la société actuelle. Les choses de la vie ne sont plus « comme à l’époque ». Les familles sont recomposées, monoparentales, homosexuelles. Les femmes sont libres de disposer de leur corps, esprit et vote. Les élèves ont accès aux sources de savoirs. Le destin se décide au-delà du national. Le peuple devient pluriel ».
Son constat, nous sommes désormais nombreux à le partager, et ce blog s’en fait souvent l’écho :
« Partout, dans les écoles, quartiers, villages, lieux de travail, l’individu démocratique imagine, agit et fonde une manière nouvelle de faire société : système d’échanges locaux, réseaux d’entraide scolaire, accueil des étrangers et partage des coutumes. Toutes ces forces d’avenir sont là, souvent lumineuses, mais qui attendent d’être mises en lumière par des intellectuels qui oseraient penser. Quand Voltaire, Diderot, Rousseau ou Condorcet pensent leur société, ils ne regardent pas le passé sécurisant des liens féodaux. Ils inventent les mots – contrat social, citoyen, république – qui vont permettre à la société de s’arracher de sa représentation ancienne et de construire une autre forme du vivre-ensemble ».
Dominique Rousseau use d’une jolie formule quand il nous exhorte à « opposer au discours du grenier un discours du midi ».
Oui, il est urgent que nous construisions une représentation positive de ce que peut devenir la démocratie. Il est effectivement souhaitable que ce soit un « discours du midi » dans tous les sens possibles du terme : un discours ensoleillé, chaleureux, gai ; un discours tourné vers le sud et les métissages ; un discours du milieu du jour, ancré dans la vie quotidienne. Le midi c’est tout ça !
J’ai la volonté, comme beaucoup d’autres de participer à cette construction. J’ai même pour cela décidé de prendre du temps* afin de mettre en place une recherche-action. Son objet ? travailler à démontrer qu’une logique d’alliance est possible afin de construire une « démocratie sociétale » qui donne toute sa place à « l’individu démocratique » dont parle Dominique Rousseau.
* : Je remercie ici Didier Livio et toute l’équipe de Synergence de me permettre de m’engager dans cette aventure en acceptant que je sois (un peu) moins présent au quotidien dans l’entreprise. Je suis en effet passé à mi-temps depuis le 1er octobre. Deux mi-temps donc, mais une seule personne et donc un engagement total dans deux registres d’action pour moi parfaitement complémentaires.