La vie avec des cartes d’alimentation biodiverse

Le Vivant dans son ensemble est menacé et non telle ou telle espèce. Les réactions au rapport de l’IPBES sont trop générales pour avoir le moindre impact. Et si on cherchait un moyen d’action opérant ? Voici une tentative.

Longtemps je suis resté insensible aux questions de biodiversité qui me semblaient réduites à la « protection de la nature ». La protection des rhinocéros blancs ou des tritons palmés me laissaient, je l’avoue, assez indifférent. Je ne m’y suis intéressé que lorsque j’ai réellement compris de quoi on parlait : du Vivant et de l’habitabilité de la Terre. La notion de Vivant aide à voir que toutes les formes de vie sont liées et que l’équilibre de leurs relations permet un monde habitable. L’antispécisme qui finit par sacraliser la nature est aussi dangereux que l’extractivisme qui n’y voit qu’un réservoir qu’on peut vider sans dommage. Depuis plusieurs mois, je travaille avec Dorothée Browaeys à la mise en place d’un festival sur l’urgence de pactiser avec le Vivant ce qui me rend toujours plus attentif à cette question. Alors évidemment, le rapport de l’IPBES sur l’état de la vie sur Terre, et surtout les réactions qu’il suscite, m’amènent à prendre la parole sur ce sujet qui m’est moins familier que la question démocratique. Il ne s’agit bien sûr pas de l’aborder sur le registre scientifique mais sur le registre politique et sociétal.

Avant d’entrer dans le cœur de ce que je veux évoquer ici, j’aimerais recommander la lecture de la dernière BD de l’anthropologue-dessinateur, Alessandro Pignocchi, La recomposition des mondes parce qu’elle aide à bien comprendre ce qu’est le Vivant. L’auteur, après deux BD d’anticipation poursuit son exploration d’un monde où la séparation Nature-Culture, sur laquelle s’est construit l’Occident, ne serait plus opérante. Il le fait cette fois à propos de la ZAD de Notre-Dame des Landes avec humour et profondeur.

Le Vivant devient un véritable sujet politique et on ne peut pas dire que le rapport de l’IPBES soit sorti dans l’indifférence générale. Il était à la Une de tous les médias, le président de la République est sorti sur le perron de l’Elysée pour dire toute l’importance qu’il accordait au sujet. Des pétitions, des tribunes ont suivi. Jusqu’ici le climat focalisait l’attention, désormais nous avons deux sujets de préoccupation traités presque avec le même sens de l’urgence. Pourtant, plus encore que pour le climat, on ne peut s’empêcher de ressentir un malaise profond. Avec des indicateurs de mesure clairs pour les GES, des engagements chiffrés depuis la COP 21 et des feuilles de routes nationales, nous n’avons pas avancé d’un iota sur la question énergie-climat ; pour la biodiversité la situation est pire car nous n’avons rien de tout ça… Il n’est évidement ni possible ni souhaitable de définir un indicateur global de « perte de biodiversité » puisque c’est son incommensurabilité qui fait sa richesse. Plus encore que pour les GES, on n’est pris de vertige par la diversité des questions à prendre en compte, bien au-delà de la « protection » d’espèce menacées. Déforestation, surpêche, artificialisation des sols, pollutions, dérèglement climatique, le nombre de révisions radicales à entreprendre est considérable. Enfin même si on n’y prêtait pas encore beaucoup d’attention, la communauté internationale s’était déjà fixé des objectifs sur la diversité biologique à Aichi, au Japon… en 2010. Aucun ou presque n’a eu le début d’une mise en œuvre. Aujourd’hui les exhortations à agir tombent à plat, tant elles sont générales (Voir celle des artistes, sportifs et intellectuels). Continuer la lecture de « La vie avec des cartes d’alimentation biodiverse »

Serpent de mer…

Le texte en pièce jointe, jamais publié, est pour ceux qui connaissent ce blog un vrai serpent de mer. Je l’ai évoqué souvent. Aujourd’hui je trouve utile de le mettre en ligne dans sa version revue en début d’année.

J’ai relu cette nuit le texte que vous allez trouver en pièce jointe. Presqu’un livre… J’espère qu’il pourra être lu et partagé. C’est un texte que je prends et reprends depuis 15 ans. Oui, 15 ans ! Je ne l’ai jamais complètement assumé et encore moins promu car il peut apparaître à certains lecteurs comme relevant d’une démarche antidémocratique puisqu’il ose s’attaquer à l’élection comme seule source de légitimité démocratique en mettant en avant un possible tirage au sort des députés.

Il me semble portant aujourd’hui utile au débat qui s’ouvre sur nos pratiques démocratiques. Je ne voudrais pas, comme cela semble se dessiner, qu’il n’y ait que deux options réellement envisagées : celle du référendum d’initiative citoyenne et celle de la transformation du mouvement des Gilets jaunes en parti présent aux prochaines échéances électorales. Les deux options sont des illusions. Pourquoi les Gilets jaunes échapperaient à ce qui est arrivé à En marche en se transformant en parti ? La logique partidaire ferait instantanément perdre toute originalité à la proposition des Gilets jaunes, vite englués dans la compétition électorale. Les Gilets jaunes, ou beaucoup d’entre eux, semblent avoir compris le risque et refusent d’entrer dans cette logique représentative. L’option qu’ils retiennent est hélas aussi trompeuse : le RIC permet une démocratie plus directe mais elle continue à se limiter à un vote par oui ou par non. Même démultiplié comme en Suisse, même avec un réel débat public préalable, le vote reste le vote. On ne délibère pas, on ne construit pas des solutions adaptées à la complexité par oui ou par non. Ce qui importe le plus en démocratie, ce n’est pas la décision ultime c’est l’ensemble du processus d’intelligence collective, de délibération, en amont qui permet de construire une/des solution-s. C’est dans ce processus qu’il faut que les citoyens puissent s’impliquer. D’où l’utilité du tirage au sort pour désigner des Assemblées de citoyens. A toutes les échelles et sur tous les sujets, ce devrait être la règle. J’ai pour ma part commis le crime de lèse-majesté suprême en m’intéressant au « souverain national », l’Assemblée nationale.

Anticipant en début d’année que le président n’arriverait pas à renouveler l’exercice de la politique, j’ai apporté quelques ajustements à mon texte sur le tirage au sort des députés en tenant compte de ce contexte politique et je l’ai envoyé à plusieurs éditeurs. Ma tentative ayant été sans succès, j’ai remis ce texte dans le tiroir virtuel de mon ordinateur en me disant qu’il y dormirait sans doute encore 15 ans. Il faut reconnaître que mon texte n’est pas d’un genre très publiable. C’est à la fois un essai, un plaidoyer, et une fiction ! Difficile de le ranger dans une catégorie éditoriale. Amené par un inconnu, un « marginal séquent » comme dit amicalement Jean-Pierre Worms, je n’avais pas beaucoup de chances d’être publié, quelle que soit la qualité intrinsèque du texte, bonne ou mauvaise.

L’audience de ce blog n’est pas considérable et les chances que beaucoup de mes « fidèles lecteurs » prennent le temps de lire et de partager cette trentaine de pages est faible, je n’imagine donc pas bouleverser le cours des choses avec ce texte mais je trouverais dommage de ne pas faire une nouvelle tentative de donner à voir ce qui me semble être un vrai germe de changement, 16 ans après m’être fait huer dans une salle parisienne sur ce sujet (je le raconte dans le texte).

J’ai vu plusieurs textes d’intellectuels ces derniers jours qui tentaient de prouver qu’il fallait comprendre le mouvement des Gilets jaunes à partir du point de vue qu’ils travaillent depuis des années. Je n’échappe pas à ce tropisme, j’en ai conscience. Je sais bien ce que disait Maslow : Tout ressemble à un clou pour qui ne possède qu’un marteau » ! J’apporte simplement mon clou pensant toujours qu’il est utile, avec cette obstination à éclipse qui me caractérise…

Plus sérieusement, le tirage au sort n’a jamais été pour moi un militantisme, une cause à laquelle je me serais dévoué, parce que ce n’est qu’un clou justement, un outil. Ce qui m’intéresse vraiment, pleinement, c’est plus largement l’idée que la société est en mesure de contribuer à nos fonctionnements démocratiques autrement que par le seul vote. C’est pour ça que je parle de démocratie sociétale depuis tant d’années. Le tirage au sort n’est qu’un moyen, mais compte tenu du contexte actuel, un moyen qui pourrait être utile.

Alors ce texte, le lirez-vous ? Le partagerez-vous ? En tous cas, le voici en pdf ci-dessous.

Tirage au Sort v5-janv2018 (pdf 458kb)

Discours anticipé (et rêvé !) d’E. Macron en réponse aux Gilets jaunes

Plutôt que de commenter mardi un discours déjà prononcé, j’ai préféré écrire le discours que j’aimerais entendre ! Il joue sur les trois registres qui, lorsqu’ils ne sont pas réunis, rendent l’action vaine : la solidarité, la coopération et la vision.

Mes chers compatriotes,

J’ai dit l’autre jour à Gilles Bouleau que je regrettais de n’avoir pas réussi à réconcilier les Français et la politique. J’ai pris du temps ces derniers jours pour écouter et pour réfléchir. Vous dites massivement que vous ne croyez plus aux discours et que vous attendez des actes. Acceptez d’écouter ce discours et voyez les actes qu’il prépare. Ils sont, je le crois, en mesure de réussir cette réconciliation dont je parle. Continuer la lecture de « Discours anticipé (et rêvé !) d’E. Macron en réponse aux Gilets jaunes »