Discours anticipé (et rêvé !) d’E. Macron en réponse aux Gilets jaunes

Plutôt que de commenter mardi un discours déjà prononcé, j’ai préféré écrire le discours que j’aimerais entendre ! Il joue sur les trois registres qui, lorsqu’ils ne sont pas réunis, rendent l’action vaine : la solidarité, la coopération et la vision.

Mes chers compatriotes,

J’ai dit l’autre jour à Gilles Bouleau que je regrettais de n’avoir pas réussi à réconcilier les Français et la politique. J’ai pris du temps ces derniers jours pour écouter et pour réfléchir. Vous dites massivement que vous ne croyez plus aux discours et que vous attendez des actes. Acceptez d’écouter ce discours et voyez les actes qu’il prépare. Ils sont, je le crois, en mesure de réussir cette réconciliation dont je parle.

Vous avez été très nombreux à exprimer votre sentiment d’injustice. Vous avez fait le parallèle entre les efforts demandés aux plus modestes pour réussir la transition écologique et la limitation des impôts que nous avons accordée aux plus riches dans le but de les faire revenir participer à l’activité du pays. Même s’il est caricatural de dire qu’on a pris aux pauvres pour donner aux riches, je comprends bien le sentiment d’injustice que cela traduit. On me demande pour y répondre de renoncer à la fiscalité écologique ou de la reporter à plus tard. Je ne le ferai pas. Ce serait irresponsable à l’égard de vos enfants, et pas seulement à l’égard de vos enfants puisque les spécialistes du climat nous disent qu’en 2030 – demain – il sera trop tard, les bouleversements du climat seront devenus irréversibles. C’est parce que nous devons absolument tenir sur la transition écologique que je choisis une autre voie, celle de la solidarité entre les plus riches d’entre nous et ceux qui aujourd’hui, alors qu’ils comprennent les enjeux écologiques, se trouvent dans l’impossibilité d’y faire face. Mes chers compatriotes, nous allons créer une taxe exceptionnelle de solidarité face à l’enjeu climatique qui sera acquittée par les 1% les plus fortunés pendant 3 ans.

La deuxième mesure que je veux vous annoncer ce soir concerne l’usage qui sera fait de cette taxe. J’ai bien compris que les mesures envisagées pour faciliter l’achat de véhicules propres étaient inadaptées puisque beaucoup ont dit qu’il leur était impossible de réaliser cet achat, même avec une aide de 4000 €. Il faut faire autrement. Mais comme nous appelons les plus riches à plus de solidarité, nous appelons chacun à plus de coopération. Il n’y aura pas de transition écologique sans transformation de nos modes de vie. Pas par des renoncements ou des privations mais au contraire par le renforcement de nos liens entre voisins et avec nos élus dans les territoires, en proximité. Nous devons apprendre à construire à plusieurs, y compris les responsables d’entreprises (travail et déplacement sont en effet liés), des solutions de déplacement différentes du « chacun dans sa voiture » : le covoiturage, l’autopartage, les transports collectifs adaptés au monde rural, le transport à la demande,… et toutes les formes de mobilité partagée que vous inventerez vous-même, en adaptant aux besoins locaux les grandes solutions aujourd’hui disponibles. Il faut réussir à réduire le nombre de véhicules en circulation et à les remplacer par des véhicules moins polluants. Pour autant, on le sait, il faudra gérer de nombreuses situations particulières, c’est possible à l’échelle locale. Ainsi, une infirmière qui fait sa tournée et participe par là-même à une mission d’intérêt général doit pouvoir disposer d’un véhicule peu polluant mis à disposition par la collectivité.

Il existe déjà de nombreuses initiatives prises par des élus ou par des associations et des collectifs de citoyens mais elles doivent être démultipliées sur tout le territoire national. C’est à ça que va être affectée la taxe : à faciliter, commune par commune, l’organisation coopérative de nos déplacements. C’est à une transformation positive de nos modes de vie que va servir l’argent public, pas à acheter des voitures individuelles qui ne serviraient qu’à prolonger un peu plus des pratiques que nous savons que nous devons changer. Ces coopérations pour trouver des solutions aux déplacements quotidiens, je suis certain qu’elles vont s’étendre de proche en proche à d’autres sujets : comment améliorer notre alimentation, comment mieux accompagner les personnes âgées du territoire,… Nous savons que les Français sont déjà convaincus qu’il faut passer à de nouveaux modes de vie, plus économes en énergie et en ressources naturelles. Ce qui manque, ce n’est pas l’envie d’agir, c’est l’accompagnement concret de tous ceux qui sont déjà en train de changer. La taxe exceptionnelle de solidarité va permettre, en 3 ans, de transformer fortement nos manières de nous déplacer, de nous alimenter, de travailler…

La solidarité des plus riches, la coopération de chacun sont indispensables à la réussite de la transition mais elles ne prendront tout leur sens que si nous sommes collectivement en mesure de dire le monde qu’elles préparent. Mais avons-nous une vision commune du monde qui vient ? A l’évidence ce n’est pas le cas. Or il n’y a pas de mobilisation collective forte sans but partagé, sans imaginaire commun. Je propose de réunir une assemblée de l’avenir, composée de citoyens tirés au sort, qui aura pour tâche de dessiner et de raconter l’avenir commun que désirent les Français. Pendant un an, ces Français, indemnisés comme des députés Français, auront toute latitude pour entendre les experts, les élus, les entrepreneurs, les responsables d’association, les penseurs, les créateurs qu’ils voudront auditionner. Le récit de l’avenir qu’ils écriront sera le manifeste, le point de ralliement auxquels nous pourrons nous référer pour coordonner nos actions depuis celles que nous prenons dans le cadre familial jusqu’à celui de la Nation.

Une solidarité des plus riches, la coopération de chacun, une vision partagée de l’avenir, voilà comment nous allons réussir ensemble la plus grande transition à laquelle les peuples de la Terre ont eu à faire face.
Mes chers compatriotes, comme disait le poète Hölderlin, « là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » ! Vive la République, vive la France, vive les Françaises et les Français !

 

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Auteur/autrice : Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY

Je continue à penser que l’écriture m’aide à comprendre et à imaginer.

 

8 réflexions sur « Discours anticipé (et rêvé !) d’E. Macron en réponse aux Gilets jaunes »

  1. @ Thierry
    oui tu as raison ! j’en avais d’ailleurs dit un mot dans mon précédent billet. je vais modifier mon texte en ce sens. merci !

  2. Bonsoir Hervé, non la création d’une énième taxe (sur les riches, quelle démagogie) quand nous avons le record du monde des prélèvements obligatoires n’est pas la solution. On connaît ces taxes exceptionnelles qui finissent par s’incruster. N’était-ce pas le cas de la CSG qui près aujourd’hui plus lourd que l’IRPP. Des quelques GJ que j’ai personnellement entendus, il ressort que la taxe sur les carburants n’est que la goutte d’eau d’un ras-le-bol plus général sur la faibles et l’érosion du pouvoir d’achat. J’aurais aimé une phrase pour dénoncer ce penchant insupportable des Français (toutes tendances confondues) à prendre leurs compatriotes en otage dès qu’il leur prend d’être mécontent. Enfin, Macron a été élu – avec une assemblée introuvable à sa suite – il y a un an pour réformer la France selon son programme. A quoi bon convoquer une nouvelle assemblée ….???

  3. @ Jacquelin,
    tu n’auras pas manqué de voir dans Le Monde ce graphique (que je ne retrouve pas) où l’on voit les effets positifs et négatifs des évolutions de la fiscalité sur les Français selon leurs niveaux de revenus. Seuls les 1% les plus riches ont vu nettement leur situation s’améliorer. De ce fait, il ne me semble pas incongru de leur demander un effort exceptionnel puisqu’il y a péril exceptionnel à ne pas faire la transition écologique.
    Macron a bien sûr été élu et il est légitime pour appliquer son programme. Pour autant il ne peut pas oublier qu’il a été élu dans des circonstances exceptionnelles, contre Marine Le Pen, et donc qu’il a constitué pour beaucoup un choix par défaut. Par ailleurs tout président doit composer avec la réalité et non appliquer mécaniquement un programme. Sarkozy avait été obligé de faire face à la crise des subprimes en changeant de politique. La question écologique, largement sous-évaluée par Macron avant son arrivée au pouvoir, lui impose des inflexions politiques, qui peut vraiment s’en plaindre ? Il y a en la matière des réformes plus urgentes à mener que celles qu’il avait en tête. Je ne peux qu’approuver tout changement d’orientation. C’est ça l’intelligence politique et la force d’âme, pas l’enfermement dans un programme pour partie inadapté !

  4. Hervé, bel exercice de travaux pratiques d’utopie concrète. Si cela pouvait occasionner un copier-coller bien avisé, on avancerait…
    En te lisant toutefois je ne pouvais manquer de faire le parallèle avec les réflexions sur les limites systémiques que tout programme politique ambitionnant de s’affranchir du carcan de ‘l’ordo-libéralisme’ actuel ne manquerait pas de rencontrer (en l’occurrence il s’agissait de penser la faisabilité d’un programme de ‘gauche’ dans le contexte du marché unique…). D’où la question de l’échelle pertinente et de l’inscription nécessaire des initiatives locales dans le cadre européen, et pas seulement sur la question épineuse de la convergence des fiscalités, mais bien sûr aussi sur celle d’un nouvel imaginaire. Le jaune de nos gilets hexagonaux devrait rentrer en résonance avec celui des étoiles du drapeau européen, une belle occasion de redonner du sens à cette utopie…
    Bien à toi

  5. Merci à Christine pour la référence de Douglas Rushkin dont j’ai lu l’article Survival of the richest avec bcp d’intérêt. Edifiant! et qui fait sourire en coin car hum hum…. « Nous n’avons pas les mêmes valeurs »

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