Celui qui croyait au ciel, Celui qui n’y croyait pas …

L’économie positive de Jacques Attali, l’ « enzèbrement » d’Alexandre Jardin, le manifeste convivialiste piloté par Alain Caillé, l’Ecocity World Summit de Nantes, les états-généraux du pouvoir citoyen de Viveret, Foucauld, Larrouturou, la Métamorphose du Club des Vigilants, le global SoL Forum sans oublier les initiatives du collectif Pouvoir d’agir… Pas un jour en ce moment où je n’apprenne une initiative visant explicitement la transformation de notre rapport à l’économie et à la politique ! Tout ça n’est pas sur le même plan ? Peut-être… mais est-ce si grave ?

L’économie positive de Jacques Attali, l’ « enzèbrement » d’Alexandre Jardin*, le manifeste convivialiste piloté par Alain Caillé, l’Ecocity World Summit de Nantes, les états-généraux du pouvoir citoyen de Viveret, Foucauld, Larrouturou, la Métamorphose du Club des Vigilants, le global SoL Forum sans oublier les initiatives du collectif Pouvoir d’agir… Pas un jour en ce moment où je n’apprenne une initiative visant explicitement la transformation de notre rapport à l’économie et à la politique ! Certains diront en découvrant la liste ci-dessus que tout ça n’a aucun rapport ou plutôt qu’il y a des initiatives de fond et des récupérations, des projets réellement collectifs et des initiatives personnelles, des actions émanant de la société civile et des approches plus descendantes et institutionnelles. Oui, ils auront raison sur le fond. Ils auront raison de voir des arrières pensées, des calculs, des incohérences, …

Oui les différences de fond sont nombreuses. Elles tournent autour de deux questionnements qui sont essentiels en termes de stratégie pour aller vers la démocratie sociétale que j’appelle de mes vœux :

1- Doit-on convaincre les princes d’enclencher un changement en leur affirmant que c’est le seul moyen pour eux d’éviter la catastrophe ou faut-il constituer un mouvement de masse d’une telle ampleur qu’il rende inévitables des transformations profondes ?

2- Pense-t-on que tout un chacun est partie prenante du problème et partant de la solution ou pense-t-on que la solution vient de l’extérieur avec « une bonne réforme » ou « une bonne révolution ». Réformisme et révolution peuvent en effet être dans le même camp quand ils oublient le lien entre transformation personnelle et transformation sociale comme le prônait si justement le mouvement animé par Laurence Baranski.

Dans le groupe des Convivialistes auquel Alain Caillé m’avait proposé de participer au printemps dernier, le débat a été passionné sur les divergences entre l’économie positive et le convivialisme. Je reprends avec l’accord d’Alain Caillé la manière dont il le synthétisait. « L' »économie positive » se présente comme un ensemble de recettes économiques ou écologiques présentées par des experts à destination de gouvernants potentiellement de bonne volonté et supposés capables de les mettre en œuvre. Le convivialisme selon moi pose que notre problème premier n’est pas un problème d’expertise économico-écologique, même s’il nous faut évidemment l’intégrer, mais d’abord de philosophie morale et politique. Il se considère par ailleurs comme l’émanation réflexive de tout un ensemble de militances pratiques et théoriques mondiales, et c’est à elles qu’il entend donner de la force, en faisant apparaître leur plus grand commun dénominateur idéologique parce qu’il est persuadé que rien ne se fera sans une gigantesque mobilisation de l’opinion publique mondiale, et non par l’improbable conversion de quelques dirigeants éclairés ».

Ces débats sont utiles car ils évitent tout syncrétisme illusoire et surtout parce qu’ils obligent à penser en termes stratégiques. Mais ils seraient catastrophiques s’ils conduisaient à l’anathème et au repli de chacun sur son camp. Pour moi, on peut désirer une dynamique « bottom up » avec des prises de conscience reliant étroitement démarches personnelles et engagements collectifs nourris « de philosophie morale et politique » sans pour autant considérer avec mépris ou hostilité les initiatives qui cherchent à séduire les gouvernants.

Qu’est-ce qui importe aujourd’hui plus que tout ? que l’on sorte de l’entre soi confortable pour risquer des alliances forcément plus larges que nos chapelles identitaires, que l’on dépasse ainsi le mur de l’indifférence ou de l’incrédulité médiatique par la création d’une vague, ou plutôt d’une série de vagues car c’est la répétition et non l’exceptionnalité qui fera bouger les représentations. Que toutes les vagues ne soient pas de la même hauteur, que certaines charrient du varech… peu importe ! C’est le battement de la mer qui use les digues les plus solides bien plus que les submersions spectaculaires mais temporaires.

N’oublions pas les paroles de La Rose et le Réséda, le poème d’Aragon publié en pleine tempête (1943)

Celui qui croyait au ciel

Celui qui n’y croyait pas

Quand les blés sont sous la grêle

Fou qui fait le délicat

Fou qui songe à ses querelles

Au cœur du commun combat

——

* Jardin évoquait dans L’Opinion la nécessité de se réinventer (ce qu’il développe dans son nouveau livre Les 3 zèbres). Deux extraits :

« Cessez de vous déposséder de votre propre pouvoir ! […]Sortez de la croyance fantasque qui veut qu’il soit indispensable de tenir l’Elysée pour agir résolument. La vitalité française ne reviendra pas par l’Etat mais par tous, pour tous. Du bas vers le haut. L’ancien schéma est mort. […] Il n’est plus temps de disserter, d’espérer d’influencer le pouvoir central – le schéma était valide dans le monde d’hier – mais bien de FAIRE SOI-MÊME, en visant haut. De réveiller les ressources civiles. »

 

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Auteur/autrice : Hervé CHAYGNEAUD-DUPUY

Je continue à penser que l’écriture m’aide à comprendre et à imaginer.

 

6 réflexions sur « Celui qui croyait au ciel, Celui qui n’y croyait pas … »

  1. … et eprouver la joie, à l’échelle de son modeste possible individuel, d’être partie prenante, agissante, d’un projet collectif plus large et très ambitieux. Sans cette joie comment sortir de l’entre-soi confortable que tu décris ?

  2. Hervé,

    Merci de ce billet (-:
    J’ai eu le bonheur d’assister samedi à une conférence gesticulée de Franck Lepage (http://fr.wikipedia.org/wiki/Franck_Lepage), une vague à lui tout seul ! Une vague stimulante car touchant aux mots que nous utilisons sans plus y penser et car elle amène beaucoup de rire, de force « déconstructrice » et pensante. Mais surtout pas bien-pensante.
    Je ne suis pas sure qu’il croit au ciel mais il retrousse ses manches d’une belle façon pour cultiver enthousiasme et dialogue plutôt que résignation ! C’était donc ma minute de pub pour un marin bien engageant..

  3. J’apprécie beaucoup la métaphore des vagues de la mer qui finiront par venir à bout de la digue, celle qui protège les privilèges et les privilégiés, tout ce qui bloque l’indispensable transition écologique et sociale; Mais cette métaphore est comme celle de la métamorphose attendue de la chenille en papillon, de ce qui bouillonne vers le bas et qui fera surgir on ne sait quoi, certainement bien bel et beau..Elles signifient toutes deux qu’il faut laisser le destin s’accomplir.
    Ne faut il pas forcer ce destin dans la « bonne » direction? Si les princes qui nous gouvernent ne s’y risquent pas et préfèrent surtout éviter que ne se rompe la digue, il se pourrait bien que les mille et une vagues s’échinent inlassablement mais sans guère d’effet. Il faut donc c’est sûr tenter de convaincre les princes tout en donnant aux vagues une conscience politique pour qu’elles ciblent bien la digue, pour qu’elles prennent conscience qu’elles sont une mer et que réunies dans une même inspiration, elle peuvent faire sauter cette digue,
    C’est semble-t-il le message que vous donnez. Il faut vous en remercier.

  4. Marc, merci de votre commentaire. comme toute métaphore, celle des vagues a des limites et effectivement elle peut laisser croire qu’il faut laisser faire… ce qui n’est évidemment pas mon propos comme vous l’avez compris.il y a bien un combat à mener et pour ma part je pense effectivement qu’il faut A LA FOIS agir auprès des princes et au sein de la société sans oublier les entreprises ou les médias qui ont à prendre leur part de la transformation nécessaire.

  5. bien d’accord avec ce mot de « joie »… qu’on oublie un peu trop alors qu’il est fondamental. c’est bien cette joie que j’éprouve aussi à chaque fois que je parviens à sortir de mon confort individuel

  6. Salut Hervé,
    Suis tombé par hasard (?) hier sur le livre du Manifeste convivialiste dans une librairie, je l’ai acheté et lu dans la foulée.
    Je me retrouve pas mal dans ce texte et je connais pas mal de personnes, d’horizons et d’opinions différentes, qui pourraient le signer aussi. C’est donc une belle prouesse d’avoir pu élaborer une telle plateforme, qui laisse la place aux différences.
    Je constate comme toi que ça bouge de partout, et que les initiatives fusent. C’est tant mieux, les énergies commencent à se libérer et à oser imaginer autre chose ! C’est un bon début 🙂

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