que faire ?

Vous avez été nombreux à réagir au texte d’hier. La suite ce matin… les nuits sont courtes !

Je me suis couché hier soir avec l’interpellation de Philippe Bernoux :

que faire ? Tu réponds avec de la fraternité et de l’amour. Oui, mais c’est tout à fait insuffisant. Il faut de la lucidité et de la volonté qui peut être violente: lutter contre ce qui se répand maintenant: “nous sommes en guerre” entendu ce matin de la bouche d’un député. Il se répand insidieusement l’idée qu’en effet, nous sommes en guerre, causée par la présence des musulmans et que pour gagner cette guerre, il faudra recourir à des solutions extrêmes.[…] L’amour, oui, mais ne saute pas les actions concrètes.

Au milieu de la nuit, je me suis réveillé avec le sentiment que je n’avais manié que des mots creux et je me suis rendormi avec un fort sentiment d’écœurement. J’ai été réveillé à 4h par une piste née d’un demi-sommeil. J’ai eu envie de la partager. Sans attendre. Elle n’est pas aboutie mais si nous nous y mettons tous, il en naîtra peut-être quelque chose… Merci déjà à tous ceux qui ont commenté le message d’hier ! je vous invite à en prendre connaissance … et à continuer aujourd’hui. (et si je le fais sur Persopolitique, c’est parce que c’est mon lieu d’expression mais il va de soi pour moi que ce que nous faisons collectivement par nos écrits croisés, c’est bien le travail du Laboratoire de la Transition Démocratique !)

La guerre d’Espagne, parce qu’elle a semblé à l’époque une menace contre la  civilisation et pas (seulement) contre le peuple espagnol, a suscité la création des brigades internationales. Des jeunes de toute l’Europe se sont levés et ont pris les armes. Les brigades n’ont pas empêché l’issue fatale mais elles ont sauvé l’honneur. Et c’étaient des initiatives qui ne venaient pas des Etats, au contraire.

Et si nous devions à notre tour monter des Brigades ? Pas pour faire la guerre, bien sûr car l’ennemi d’aujourd’hui est bien plus diffus encore que ne l’étaient les fascismes de l’entre-deux guerres. Plutôt pour combattre pacifiquement ce qui mine nos démocraties : à la fois leur dévitalisation intérieure et les attaques qu’elles subissent de la part des obscurantistes manipulant les paumés de toute sorte que nous avons laissé sur le bord de la route. Il faut à la fois redonner de la force, du goût à la démocratie et éviter que les obscurantistes ne gagnent des âmes faibles.

Des Brigades du Débat et du Rire. Réunir des groupes  d’intervention de 5 ou 6 personnes qui acceptent dans la durée d’être  sollicitées pour lancer/participer/animer des débats, pour monter des conférences gesticulées… Les armes du jour sont encore la parole et le rire. Faisons en sorte qu’elles le restent et qu’on n’en vienne pas à d’autres armes.

A ce stade, c’est tout. Je ne veux pas aller plus loin tout seul. C’est peut-être idiot ou hors de propos. J’espère seulement que l’échange va se poursuivre. Je crois au rebond… et à la non appropriation des idées. Nous sommes tellement nombreux à nous poser la même question que nous allons peut-être inventer une réponse appropriée. Nous en avons évidemment un besoin urgent.

 

 

Ils ont voulu tuer la liberté, ils ont tué des nounours, des enfants

Nous sommes tous Charlie ce matin. Et demain ?

Ce matin Caroline Fourest sur France Inter a souligné, comme d’autres, la gentillesse profonde des dessinateurs de Charlie Hebdo, de Cabu, de Charb. Elle disait « c’étaient des gros nounours, des enfants ». Philippe Val pointait lui aussi la gentillesse et la finesse du correcteur, tué aussi hier. Ce qui me pousse à écrire ce matin alors qu’hier encore j’étais dans le cérébral, les rapports entre religion, laïcité et démocratie, c’est ce désastre humain.

Didier Livio, le patron de Synergence a écrit un texte que j’aurais aimé écrire aussi sur cette attaque contre la fraternité.

Alors face à cette attaque, la seule réponse est la douceur et la douleur. Ce sont des millions de minutes de silence en France et dans le monde, ce ne sont pas les patrouilles en arme dans les rues. Charlie Hebdo était « protégé », ça n’a servi à rien. Face à la bêtise meurtrière, on ne peut pas lutter avec des armes. Au contraire, c’est entrer dans le jeu des ennemis de la fraternité.

On a parlé de professionnels aguerris, super-entraînés à propos des meurtriers. Je crois que ce n’est pas vrai. Hier matin, un des premiers témoins, jamais réentendu ensuite dans une info pourtant en boucle,  racontait que les meurtriers étaient d’abord venus sonner chez eux en demandant où étaient les locaux de Charlie. Ils ont échappé une carte d’identité dans leur fuite. Est-ce cela, des professionnels super-entraînés ?

Je crains qu’on ne veuille pas voir que c’étaient des personnes ordinaires et non des monstres ou des ennemis extérieurs. Je crains qu’ils ne soient qu’une facette de notre société. Hélas. Et face à cela c’est bien toute une société qui doit réagir.

Nous devons réagir par plus d’amour. Je sais, ça a l’air niais. Je le crois profondément pourtant. Et je trouve dramatique que l’on en soit là, à ne plus pouvoir parler d’amour dans l’espace public. Après le 11 septembre, j’ai cru un instant que la fraternité pouvait l’emporter sur la haine, ça n’a duré qu’un instant. Et si, en France, nous inaugurions un temps nouveau ? Ce que nous n’avons pas su faire en 2001, submergés par la peur de « l’autre », si nous le réussissions aujourd’hui ? changer de siècle, enfin.

J’aimerais tellement que les « nounours » et les « enfants » ne meurent pas pour rien…

 

 

 

Gentillesse

J’allais commencer un billet sur « comment on change le monde ? ». Je voulais revenir sur les Débats du DD (à Synergence, nous accompagnons McDonald’s France dans la mise en place de ce colloque avec Le Monde). Le thème de cette année était justement « entreprendre autrement…. Pour changer le monde ! ». Je regardais les vidéos des jeunes entrepreneurs, et je trouvais qu’ils avaient tous un air  de famille, la famille des enthousiastes déterminés. Je repensais à la rencontre organisée par la FING à la  CNDP où Laurence Monnoyer-Smith disait avec véhémence et justesse que les ZADistes en prétendant changer le monde, confortaient les plus conservateurs parce qu’ils ne laissaient aucune place au compromis.

Je commençais à réfléchir à la nécessité d’un pragmatisme radical… et puis j’ai eu envie de dire autre chose. Peut-être le temps de Noël, peut-être parce  que j’ai rappelé récemment ma croyance que la nouvelle promesse démocratique était sans doute : « le bonheur de se relier », peu importe ! En fait j’ai envie de parler de la gentillesse, de l’énergie incroyable qu’elle permet de faire circuler.

J’ai l’impression de la rencontrer souvent en ce moment. Attention, je ne dis pas que les gens que je rencontre sont gentils, je n’en sais rien ! Je dis qu’ils se comportent gentiment, c’est très différent. La gentillesse est une relation, pas un attribut ! On voit souvent aujourd’hui dans la  gentillesse une forme de soumission, de servilité. Moi je préfère y voir ce qu’évoque le terme de « gentilhomme » : une forme de noblesse. La noblesse de l’accueil.

La gentillesse c’est, pour moi, l’accueil de l’autre dans son potentiel. Je ne parle pas de l’accueil de ceux qui en fait n’engagent aucune relation, qui vous reçoivent mais pour parler d’eux et de leurs œuvres ! Pas non plus de ceux qui vous jugent et vous attribuent une place en fonction de ce qu’ils ont immédiatement perçu de vous. Tant mieux si vous êtes naturellement rayonnant et tant pis si vous êtes plus secret, l’accueil qui vous est réservé n’ira pas jusqu’à prendre le temps de vous découvrir ! Je déteste particulièrement ce que j’appellerais l’accueil éteignoir : cette (fausse) bienveillance qui sous prétexte de vous être agréable vous éteint sous le poids d’une démonstration d’amitié qui reste à la surface des choses. Accueillir, c’est s’intéresser au potentiel de l’autre. Pas ce qu’il exprime spontanément, plutôt ce qu’on sent qu’il pourrait exprimer si on prend le temps de le laisser se déployer ! Et c’est très différent. Cela suppose d’accepter une relation vraie et donc incertaine, changeante. Cela suppose d’accepter de suspendre son jugement à une époque médiatique où la première impression est la seule possible puisqu’on n’aura pas le temps d’une deuxième impression.

Je parlais de l’énergie que la gentillesse permet de faire circuler. Ça peut sembler un peu étonnant tant nous sommes habitués à la gentillesse mièvre. La gentillesse accueillante est bien évidemment source d’une énergie incroyable puisqu’elle ouvre de nouveaux horizons, amène de nouvelles rencontres. La gentillesse, c’est ce moment où l’on brûle de dire quelque chose et où on prend pourtant le temps de laisser l’autre s’exprimer car on est confiant à la fois dans l’intérêt de ce que l’on va entendre de la bouche de l’autre et dans la capacité qu’on aura ensuite d’intégrer ce qu’on a accepté de ne pas dire dans la suite de l’échange. Il y a alors une  forme de tension joyeuse, d’appétence pour le moment vécu qui recharge les batteries pour tous les moments (ils sont hélas fréquents) où la communication est bien davantage vécue comme une lutte.

Pour revenir au sujet sur lequel j’imaginais écrire – changer le monde – je crois fermement que la gentillesse est un ferment de transformation beaucoup plus radical que celui de la lutte intransigeante des radicaux autoproclamés. Combien de révolutions se sont ainsi révélées illusoires en ne changeant que les possesseurs du pouvoir et pas les attitudes. La gentillesse est peut-être la « vraie » révolution, simplement parce qu’elle lie étroitement transformation personnelle et transformation sociale. J’ai le sentiment que la génération qui monte est mieux éduquée à la gentillesse ! Dans le même ordre d’idée, Jeremy Rifkin, entraperçu hier dans une émission, disait que les jeunes étaient très nombreux à pratiquer spontanément l’économie collaborative et que ça changeait tout pour l’économie des années à venir.

Allez, un peu d’espoir ! C’est ma contribution à l’esprit de Noël !

PS / entendue ce matin sur France Inter dans la bouche de Dominique Seux, l’éditorialiste économique si souvent platement libéral, une phrase qui le surprenait lui-même puisqu’il trouvait sa chronique « un peu bizarre » :

Ce sont les interactions, les échanges qui font avancer les personnes, on n’avance plus seul… ces vacances de Noël sont l’occasion d’interactions différentes, de découvrir des idées nouvelles d’une belle-sœur, d’un cousin éloigné… alors n’hésitons pas pendant ces fêtes à parler un peu boulot, projet, politique, économie…

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