Simple ? Non, pluriple !

La simplification outrancière de la parole médiatique devient insupportable. Le monde est en péril climatique immédiat et on focalise le débat présidentiel sur l’identité ; les écologistes essaient de parler de la transition, on les enferme dans la querelle du nucléaire ; l’Eglise doit faire face à une remise en question majeure, on se préoccupe du secret de la confession. A chaque fois, on a envie de hurler « ce n’est pas le problème ». Pour prendre un peu de recul, je me suis replongé dans une réflexion déjà amorcée autour du mot « simple », un mot moins innocent qu’il en a l’air !

On a l’habitude d’opposer simple et complexe mais l’étymologie nous fait comprendre que ce n’est pas si simple ! Le ple à la fin de simple à la même signification que le plexe de complexe. Il s’agit du pli. Complexe, c’est littéralement avec des plis et son opposé littéral est donc sans pli, lisse. Or simple signifie avec un pli, la variante la plus basique du complexe mais pas son opposé. L’opposé de simple serait donc plus logiquement multiple avec beaucoup de plis. Mais dans multiple, il faut reconnaître qu’on n’entend pas le pli final. Multiplexe serait plus juste mais les salles de cinéma multiplex ont définitivement décrédibilisé le mot ! Il n’y a pas beaucoup de plis et de replis dans la programmation d’un multiplex où le cinéma est avant tout une industrie de la distraction uniformisée.

Et si, pour s’opposer au simple nous inventions le pluriple ? avec plusieurs plis ! Nous voilà donc doté d’un mot nouveau, où l’oreille détecte bien le -ple final avec l’allitération en pl. Pas très euphonique ce pluriple mais il consonne avec périple et évoque par cette proximité une forme nouvelle de navigation. Va donc pour pluriple !

Mais pourquoi vouloir un mot qui s’oppose à simple ? Pour en revenir aux plis de manière apparente ! Il faut comprendre à la fois que le simple n’est pas sans pli et que la réalité n’a pas un pli unique mais une pluralité de plis. Il est important d’en prendre conscience au moment où beaucoup de leaders d’opinion voudraient nous ramener à des « idées simples », avec le pli bien marqué entre le bien et le mal, selon le locuteur. Pour nos trois exaspérations initiales, cela donne : patriotes/mondialistes ; pro-nucléaires réalistes/anti-nucléaires sectaires ; laïcs transparents/religieux dissimulateurs. Mais la réalité ne se laisse pas plier aussi facilement. Un pli souvent en recouvre un autre et alors on se met à déplier pour mieux voir l’étendue de la réalité. Les sciences humaines ont pris l’habitude de « déplier » des notions pour en découvrir les multiples significations qui, sans ce déploiement, finissent par se recouvrir et se confondre.

Le mot pluriple aiderait à se rappeler qu’une réalité n’est pas seulement plurielle, composite et chamarrée. Elle est aussi pliée et repliée, avec des replis qui ne sont pas immédiatement apparents mais n’en sont pas moins importants. Pluriple, en mettant l’accent sur les plis invite à l’exploration. Le monde n’est pas « déjà composé » (comme la toile d’un artiste), il est toujours « à composer » (comme un origami) en dépliant ici, en repliant là, quitte à accepter quelques faux-plis !

Dire « ce n’est pas si simple », c’est dénoncer le pli idéologique  infligé à la réalité et s’autoriser à rouvrir le questionnement, que ce soit pour le débat présidentiel qui ne peut évidemment se résumer à la question identitaire, pour les choix énergétiques qui supposent l’intégration du temps long, ou pour l’avenir de l’église catholique qui exige, bien davantage que la transparence, un autre rapport à l’autorité… Allez, si on pariait sur l’intelligence pluriple plutôt que sur la bêtise simple ?!

Mycélium n°2

Même si souvent les textes de Persopolitique « s’inspirent de faits réels », il est rare que je relate en détail une expérience personnelle. Si je le fais aujourd’hui, c’est que cette expérience est pour moi très symptomatique d’un autre rapport au politique possible… et souhaitable !

Olivier Frérot ne m’avait donné que quelques bribes d’explication. Même s’il ne l’avait pas dit exactement comme ça, ça ressemblait un peu à l’appel des disciples par le Christ dans l’Evangile : « Viens, laisse tes affaires en plan et suis-moi » ! C’était à la fois flatteur et inquiétant d’être ainsi « élu ». Et puis il y avait ce nom énigmatique de Mycélium[1]… Dans quoi je m’embarquais ?!

J’avais failli renoncer à venir quand Olivier m’avait informé que les personnes que je connaissais au moins de nom avaient finalement déclaré forfait. La curiosité et le souhait de ne pas ajouter à la déception d’Olivier m’ont conduit jusqu’à cette maison de l’Yonne où nous accueillait ce « jardinier punk » et j’y ai passé quatre jours décoiffants.

J’ai su que j’allais vivre un événement marquant quand je me suis aperçu de la facilité avec laquelle j’avais mémorisé les prénoms des 10 personnes avec qui je m’étais embarqué pour l’aventure sans savoir réellement ce que j’allais faire.

Si vous m’avez lu jusque-là, vous devez commencer à vous demander si je vais enfin dire ce que j’ai vécu de si extraordinaire pour mobiliser un billet de blog d’habitude plus politique que perso même s’il est toujours persopolitique ! Continuer la lecture de « Mycélium n°2 »

Est-ce ainsi que les hommes meurent ?

N’avez-vous pas le sentiment diffus et grandissant d’être dans une impasse ? Nous ne savons plus sortir du confinement. L’exemple le plus tragique est l’attitude à l’égard des plus vieux et des plus vieilles d’entre nous.

Ce papier vient de mon énervement, dimanche, lorsque j’ai entendu Olivier Véran, le ministre de la Santé évoquer le « droit de visite très encadré » des personnes âgées vivant dans les Ehpad. En utilisant doctement ce terme, il confirmait le statut réel de toutes ces vieilles dames et vieux messieurs : ce sont des personnes vivant désormais dans des lieux de privation de liberté comme on dénomme maintenant les prisons, les centres de rétention, les lieux d’hospitalisation d’office. Les vieux, les vieilles disposent d’un droit de visite, comme n’importe quel prisonnier ! Très encadré, ce droit nous disait le ministre si sûr d’être dans le vrai. Hélas les Ehpad ne font pas partie de la longue liste des lieux de privation de liberté dont est chargée Adeline Hazan, la contrôleur général en charge du respect des droits fondamentaux des personnes qui y sont enfermées. On a véritablement l’impression que le droit à la vie s’est transformé en un devoir de survie. Assez de morts dans les Ehpads ! il est temps de créer les conditions, très encadrées, de la « vie éternelle », en tous cas d’une éternité suffisante pour que notre attention ait eu le temps d’être captée par d’autres préoccupations. Parce qu’en fait, on ne s’intéresse aux vieux que lorsqu’ils ont la désagréable propension à mourir en masse. 2003, la canicule; 2020, le covid-19. Entretemps, rien !

Ecoutons le Ministre et les mots qu’il emploie : Continuer la lecture de « Est-ce ainsi que les hommes meurent ? »