Vœux, souhaits ou promesses ?

Comme tous les premiers jours de janvier, j’ai reçu et répondu à des vœux de bonne année. A chaque fois, j’essaie de ne pas me contenter des sempiternels  » … et avant tout la santé, parce quand on a la santé… »  Vous connaissez la suite. Même si bien sûr je suis d’accord avec le très joli billet de François Sureau paru dans La Croix, sur le fait que former des vœux participe d’une manière de s’inscrire dans le temps et de se projeter, je n’en reste pas moins sur la ligne de ce qui suit et que j’écrivais pendant les vacances et que j’ai complété ce week-end.
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Migrations, terrorisme, mixité : trois problèmes mal posés

Les politiques ont une responsabilité énorme et souvent sous-estimée : celle de désigner les problèmes auxquels nous devons faire face. Si le problème est mal posé, il ne peut avoir de bonne solution. Trois sujets d’actualité, hélas, le montrent cruellement.

Les politiques ont une responsabilité énorme et souvent sous-estimée : celle de désigner les problèmes auxquels nous devons faire  face et donc par voie de conséquence les solutions qui y répondent. Si le problème est mal posé, il ne peut avoir de bonne  solution. Deux lectures dans Le Monde et une intervention malheureuse du premier Ministre l’illustrent avec une actualité tragique.

Ce sont en effet trois des problèmes majeurs du temps qui sont mal analysés, mal nommés  et qui conduisent à prendre des décisions plus qu’inefficaces, dangereuses à terme pour le maintien de la confiance dans la pertinence du régime  démocratique.

Frontières  et migrations

Le premier sujet concerne les frontières. On ne peut accueillir toute la misère du monde, nous devons donc nous protéger des migrations clandestines, renforcer les contrôles, ériger des murs, faire la  guerre aux  passeurs,…. Nous connaissons tous ces « raisonnements », ressassés à l’envi sur tous les bords de l’échiquier politique avec de moins en moins de variantes entre les camps et de plus en plus  de raideur martiale !

Le Monde  culture publiait utilement  ce week-end les premières conclusions du programme de recherche « Mobilité globale et gouvernance des migrations »  qui propose de réfléchir à une question que personne n’imagine possible : « Et si on ouvrait les frontières ? » Cette étude est dirigée par Hélène Thiollet et Catherine Wihtol de Wenden, avec quatre autres chercheurs : anthropologues, politistes, géographes et sociologues : Michel Agier (EHESS), François Gemenne (IDDRI-Sciences Po), Thomas Lacroix (Migrinter CNRS), Antoine Pécoud (Université Paris 13). Ses conclusions vont à l’encontre des représentations habituelles. Non, l’ouverture des frontières ne provoquerait pas de migrations massives. Toutes les variantes étudiées laissent  penser que l’absence de  frein aux migrations changerait leur nature : migrations pendulaires, nomadisme, démultiplication des destinations y compris sud-sud remplaceraient ces  allers sans retours faits la peur  au ventre.

L’article de  Maryline Baumard  est passionnant et vaut la peine d’être lu de  bout en bout ! Voici juste deux  citations  qui montrent les idées  fausses sur lesquels on construit nos représentations :

« On vit sur des idées fausses, affirme Catherine Wihtol de Wenden. L’opinion croit encore que les migrants vont prendre le travail des Français, que les immigrés coûtent cher. Ces mensonges ne sont jamais contredits par les politiques. Tétanisée par la montée de l’extrême droite, la classe politique ne veut pas ouvrir le débat. Pire, elle ajuste son discours et son action sur l’opinion publique, ce qui rend nos solutions aussi décalées qu’inadaptées. »

« Une chose est claire, que les politiques ne semblent pas avoir intégrée : une migration se joue bien ailleurs que sur une frontière, rappelle le politologue Bertrand Badie, chercheur au Centre d’études et de ­recherches internationales (CERI). Rendre les passages d’un pays à l’autre plus ­poreux ou plus contrôlés ne change rien à la décision de partir. Cela modifie en ­revanche le choix d’une trajectoire, cela fait prendre plus de risques et augmente le coût – financier et humain – du voyage en obligeant à se mettre entre les mains de passeurs, ajoute-t-il. La continuité des flux, même lorsqu’on construit des murs ou qu’on surmilitarise une zone, en est la preuve la plus manifeste »

Pauvreté et mixité

Depuis des années des sociologues comme  Jacques Donzelot dénoncent une erreur de diagnostic en matière de politique de la  Ville. On se bat pour plus de  mixité dans l’habitat alors que le  problème est ailleurs, dans  le  développement du pouvoir d’agir  des personnes. Les  personnes et non les  lieux. Pourtant toute la  politique de l’ANRU a consisté à rénover les lieux pour y attirer des « classes moyennes » et le débat politique s’est focalisé sur le pourcentage de logements sociaux par commune.

Thomas Kirszbaum, sociologue, chercheur associé à l’École normale ­supérieure de Cachan a coordonné un livre « En finir avec les banlieues ? » dans lequel Hélène  Balazard[1], entre autres jeunes  chercheurs, présente les politiques d’empowerment (de  développement communautaire) alternatives à notre politique de la Ville. Interviewé  dans le même supplément Culture & Idées du Monde, Thomas Kirszbaum est explicite :

[…] invoquer la mixité sociale, c’est faire  référence à une norme de vie urbaine dans laquelle  les blancs auraient vocation à constituer un groupe majoritaire. C’est une lecture obsolète. […] on assiste à la formation permanente et durable d’espaces où les minorités sont majoritaires. Ces quartiers connaissent toute une série de difficultés mais ils remplissent aussi une fonction d’accueil résidentiel et de promotion sociale […] Il est temps de faire le deuil du retour des classes moyennes blanches par la rénovation urbaine.

Et il en conclut :

Plus que de politiques de peuplement, on a besoin de politiques d’accès. L’enjeu est de faciliter l’accès  des pauvres et des minorités à des écoles, des services publics et des  emplois de qualité.

Le collectif Pouvoir d’agir, déjà évoqué ici, se bat sur cette ligne déjà depuis plusieurs années  mais il peine à être  entendu au-delà d’un premier  cercle.

Police et guerre

Manuel Valls, avec son goût de dire les choses sans langue de bois, a choisi de parler de guerre de civilisation pour parler de la lutte contre le terrorisme. Cette posture est particulièrement grave car elle veut signifier qu’on appelle un chat un chat… alors que ce n’est pas  un chat ! Beaucoup de commentateurs s’en sont offusqué mais plutôt pour pointer le terme de « civilisation » en restant bloqué sur la critique faite à Huntington lorsqu’il parlait de « choc des civilisations ». Mais c’est là aussi se tromper de combat. Manuel Valls ne stigmatise pas l’Islam puisque son choc de civilisation est entre tous les civilisés, quels qu’ils soient, et les barbares qui pratiquent le terrorisme.

Ce n’est donc pas là qu’est le problème  mais bien dans l’utilisation du mot « guerre ». Cela fait des années que je m’énerve contre l’expression de « guerre au terrorisme ». J’entendais dimanche Alain Bauer dire qu’il faudrait parler de police et non de guerre. Il a cent fois raison ! L’idée de guerre suppose un ennemi avec des buts de guerre comme la conquête d’un territoire. Les personnes qui pratiquent le terrorisme en France relèvent bien de la police. Ils mènent des entreprises criminelles, pas des actes de guerre. Toute la journée de vendredi on a essayé de faire passer le déséquilibré de Saint-Quentin Fallavier pour un soldat au service de l’islamisme. On a en fait découvert qu’il utilisait l’alibi islamiste pour régler des comptes personnels et pour tenter de donner un sens à son suicide (raté).

En disant cela, je ne cherche pas à banaliser le terrorisme ni à la justifier, au contraire ! La guerre, on le sait, peut être juste, il y a même une forme de noblesse  dans  la  guerre (et c’est ce  qui la  rend  si dangereusement  séduisante !). Avec  le terrorisme, on ne  trouve que pratiques  criminelles et lâcheté. Ceux qui s’y livrent sont des hors-la-loi pas des combattants ! Confondre les  deux comme le fait le Premier Ministre risque de renforcer paradoxalement l’image des terroristes, assimilés à des guerriers et non des  criminels. Parler de police, ce serait aussi parler de  la « polis », de la Cité. La police n’est pas que répression du crime, elle  est aussi prévention (on l’oublie trop depuis que Sarkozy avait nié l’utilité de la police de proximité). On voit qu’en passant de « police » à « guerre », on se trompe de diagnostic et on se prive de  moyens d’action.

Trois travers à surmonter

Pourquoi n’arrivons-nous pas à poser les  problèmes de façon correcte ? Refusons  là aussi les visions simplistes ! les politiques ne sont pas « coupables » au sens  où ils choisiraient intentionnellement de nous tromper. Ils  sont victimes de trois travers majeurs mais pas impossibles à surmonter :

  1. Ils  ne prennent pas le temps de réfléchir à la question, ils  se focalisent  sur la  solution. au rebours de la formule de tous les vendeurs de services : « vous avez un problème, j’ai la solution », j’ai l’habitude de dire : « vous avez des solutions ? j’ai le problème ! ». J’avais choisi le mot Kasumi Tei pour dire mon activité d’innovateur sociétal. Ce mot japonais désigne les digues qu’on construisait autrefois au Japon pour protéger les villes des inondations. Les Japonais ne cherchaient pas à stopper l’eau, mais plus modestement à réduire son impact destructeur. Avec des digues en chevrons de part et d’autre du fleuve, ils freinaient les crues tout en laissant l’eau ainsi assagie, s’épandre sans dommage dans les rizières environnantes. Quand on pose bien le problème (ici, éviter  l’inondation et non arrêter l’eau), on trouve des solutions créatives. Notre croyance prométhéenne dans les capacités humaines à maîtriser la  nature nous ont  fait faire  régulièrement des choix erronés à partir d’une question trop rapidement ramenée à un problème d’ingénieur.
  2. Ils croient trop au « bon sens », à l’évidence. Parce qu’ils ont besoin d’être compris par le  plus  grand  nombre, les responsables politiques préfèrent  souvent une solution qui est attendue par l’opinion. On sait pourtant qu’on ne peut pas seulement se fier à ses sens pour comprendre la réalité. Toute la physique quantique est contre-intuitive. Elle est pourtant scientifiquement fondée. On ne devrait pas non plus oublier ce que provoquent les « changements d’état ». L’eau reste toujours de l’eau mais chacun sait qu’elle n’a pas  les mêmes propriétés si elle est sous forme de glace, de liquide ou de vapeur. Il faut accepter qu’un problème sociopolitique change aussi d’état selon la manière dont il est abordé : les migrations si elles sont libres deviennent un nomadisme relativement rationnel, si elles sont interdites, un pari cauchemardesque sur la possibilité de survie à la traversée (qu’elle  se fasse sur un esquif en Méditerranée ou dans le train d’atterrissage d’un avion en provenance d’Afrique du Sud).
  3. Ils ne voient pas l’intérêt de la pluralité des points de vue étant donné qu’ils sont les gardiens vigilants de l’intérêt général. C’est pourtant cette  multiplicité des regards qui permet de découvrir d’autres  manières de prendre le  problème. Lorsqu’on n’a qu’un marteau à sa disposition, tous les problèmes ont la forme de clous ! je n’insiste pas  sur cette question des « points de vue », j’y ai consacré un papier l’an dernier.

Si les politiques faillissent dans la  désignation des questions politiques, il faut d’urgence revoir la manière dont les questions  sont mises à l’agenda. De nombreuses  voies  peuvent être explorées mais toutes doivent contribuer  à sortir des trois travers que je viens  de mentionner. Prenons le temps de poser les questions (les problématiques pour prendre  un mot plus  savant  et plus juste) ; méfions-nous des idées toutes faites, du « bon sens » qui conduit aux  yakas ; multiplions les points de vue sans  chercher  nécessairement le graal représentatif, la diversité est le plus souvent une ressource suffisante.

On a  coutume de  dire qu’un problème  sans solution est un problème  mal posé. Regardons le  nombre de questions aujourd’hui insolubles et remettons  sur le  métier les questionnements qui conduisent aux  impasses actuelles. Voilà ce que l’on pourrait attendre de partis  politiques  faisant réellement leur boulot ! en cas de  carence, il nous appartient  à nous citoyens  de reprendre l’initiative.

[1] Hélène Balazard est intervenue dans le cadre du groupe Empowerment que nous avons animé avec Philippe Bernoux en 2011. Elle  publie également Agir en démocratie: vers de nouvelles mobilisations citoyennes

Pour un téléthon de la fraternité

Un mois a passé depuis le 11 janvier. Le débat s’est poursuivi sur « quoi faire ». Voici une contribution écrite avec Jean-Pierre Worms. Nous aimerions qu’elle soit débattue car elle nous semble à même de tirer l’élan de fraternité vers l’action. Nous ne nous retrouvions pas dans les initiatives prises jusque-là, qui en restaient trop au « plus jamais ça ».

 

La logique de guerre souhaitée par les terroristes ne s’est pas imposée. Les pouvoirs publics, les médias sont restés relativement mesurés. La surenchère n’a pas eu lieu et on a évité un patriot act à la française. Pour autant l’élan de fraternité né de ces événements terribles n’a pas conduit à des actes à la hauteur des aspirations exprimées par tant de nos compatriotes. Chacun est resté dans son registre habituel. Les acteurs de la société civile ont lancé beaucoup d’appels à la fraternité. Le gouvernement a annoncé que l’enseignement du fait religieux serait développé à l’école. Les médias ont maintenu pendant plusieurs jours des émissions pour décrypter ce que nous venions de vivre. Chacun a agi dans son domaine, mais en faisant un peu plus de la même chose. Les émeutes de 2005 avaient aussi connu leurs « plus jamais ça » avec le succès que l’on sait.

Revenons donc sur ce qui s’est passé le 11 janvier, à la  lumière des trois  termes de la devise nationale. Le 11 janvier, c’est en premier lieu  notre attachement viscéral à la liberté : liberté d’expression et aussi pluralisme des opinions et des croyances. Nous avons redit fortement que nous avions le droit d’être nous-même. Mais ces marches ont aussi manifesté le plaisir, voire l’émotion éprouvée à le dire ensemble, dans la reconnaissance mutuelle qui permettait de dire à la fois « je  suis  Charlie, je suis policier, je suis juif,… » On a eu ainsi la preuve de la vigueur de deux éléments de notre devise: liberté et fraternité. Mais  l’égalité est restée hors champ. De là vient sans doute une grande partie du malaise ressenti dans les jours qui ont suivi les formidables rassemblements du 11 janvier. En effet l’absence était criante, ce jour-là, de nombre de ceux qui souffrent quotidiennement de l’accumulation de toutes les pauvretés (face à l’emploi, à l’école, au logement, à la santé et, globalement à l’ensemble des « biens communs » d’une citoyenneté partagée), pauvretés qui se combinent pour reléguer  ceux qui les connaissent aux marges de notre société. Dans une société où le monde des inclus s’éloigne de plus en plus du monde des exclus, ces derniers ont souvent vécu les manifestations du 11 comme l’achat d’une bonne conscience à bas prix de ce monde des inclus qui les rejette, voire, paradoxalement, comme le signe même de leur relégation. Ils ne se sentaient pas concernés  par ces appels à la fraternité et même, souvent,  refusaient de les cautionner de leur participation.

Comment leur montrer qu’on les a entendus mais qu’ils se trompent ? Comment mettre ce désir de fraternité, si fortement ressenti et largement partagé, au service de l’égalité? d’une reconquête simultanée de la justice sociale et d’une démocratie inclusive?

Est-il encore temps de tenter quelque chose qui soit à la hauteur de l’émotion partagée? Comment surmonter la fragilité et le risque de fugacité de ces multiples « envies d’agir », en concurrence avec bien d’autres sollicitations dans une société de l’immédiateté? Comment les inscrire dans la durée, les faire converger pour en assurer la cohérence et la puissance transformatrice? Peut-on imaginer une mobilisation conjointe et durable de la société civile, des pouvoirs publics et des media qui seule assurerait l’indispensable changement d’échelle des actions engagées en permettant à un beaucoup plus grand nombre de personnes de s’y engager ? Il s’agit de favoriser dans une même dynamique l’engagement personnel, l’initiative collective et le renouvellement de l’action publique. Le succès du téléthon qui a su créer durablement un élan de solidarité est un exemple dont on pourrait s’inspirer. Et si on lançait un téléthon de la fraternité ? une fraternité tournée vers l’égalité, une fraternité inclusive… ? Un « télétemps » plutôt pour récolter non pas des dons en argent mais en temps. Du temps qui serait consacré aux actions en faveur de la fraternité ce qui est naturellement bien plus engageant que d’ouvrir son carnet de chèque. Un « télétemps » qui donnerait à voir des personnes qui racontent ce qu’elles font ou qui franchissent le pas à cette occasion. Que pourraient être ces « moments de fraternité partagée » ? Ce temps à vivre et à partager, c’est d’abord du temps pour parler ensemble, pour réfléchir à plusieurs dans tous les lieux publics où l’on peut se rencontrer, à l’école, c’est le plus urgent, mais aussi dans les lieux les plus ordinaires, précisément où on ne prend pas le temps de se parler: une gare, le boulanger, le hall d’accueil de le CAF, de la poste, de pôle emploi…, une galerie de centre commercial…, une prison. Car ce que le 11 janvier a aussi révélé c’est le besoin pressant de parole; on le pressentait pendant les marches, on le ressent partout depuis. La liberté d’expression c’est aussi cela.

Le philosophe Ali Benmakhlouf disait récemment : « Transmettre, ce n’est pas décrypter pour les autres, c’est débattre avec eux ». Le télétemps permettrait de créer une incitation puissante à ouvrir des espaces de dialogue, informels, éphémères, sans cesse réinventés. Le télétemps nous donnerait le courage d’oser, puisqu’on verrait que d’autres ont osé et que ça faisait un bien fou à tous. C’est aussi simple que cela, pour nous la fraternité : se réunir, parler ensemble, de soi et de son rapport aux autres et des ajustements qu’on est prêt à faire pour mieux s’accepter en tant que « frères en humanité ». Ça peut faire des instants de télévision inoubliables car empreints d’une émotion et d’une énergie authentiques, ceux qu’on trouve  aujourd’hui parfois dans un témoignage comme celui de Latifa Ibn Ziaten, mère du militaire français Imad, tué par Merah en mars 2012 qui a touché tant de gens après le 11 janvier.

Mais, pour s’épanouir et produire l’effet attendu, l’action individuelle a besoin de s’inscrire dans des démarches collectives. La personne y trouve la reconnaissance d’autrui qui la conforte dans sa volonté d’agir, et l’action collective, pour durer, y trouve les moyens de se renforcer et de se transformer. Le télétemps doit rendre visible au plus grand nombre ces initiatives portées par  des collectifs et des associations. Cette mise en  visibilité ponctuelle devra naturellement être  prolongée dans la durée sur Internet (comme vont commencer à le faire les Conférences du Pouvoir d’agir dont la première concernera les initiatives bretonnes). De nombreuses associations d’éducation populaire existent déjà, et depuis longtemps, qui ne demandent qu’à bénéficier de nouvelles énergies citoyennes pour connaître un renouveau de vigueur et de pertinence. En outre, la perte d’audience et d’efficacité de nos institutions publiques, le désenchantement démocratique à leur endroit, qui n’épargne pas nombre d’anciennes organisations associatives reconnues, a provoqué une véritable effervescence d’initiatives associatives nouvelles  dans tous les champs où la démocratie et les services publics s’avèrent défaillants. C’est là où un effort de tous pour les rendre visibles, faciliter les coopérations et les actions conjointes et, dans le respect de l’autonomie de chacun, construire une force collective puissante à partir de ces désirs d’agir dispersés pourrait véritablement changer la donne, impulser et nourrir une action des pouvoirs publics qui y retrouve à la fois du sens et de l’efficacité.

Car il va de soi que, pour nous,  cette mise en mouvement des citoyens doit se faire en articulation avec l’action des pouvoirs publics. Il ne s’agit pas de remplacer l’Etat, si défaillant qu’il puisse être ici ou là, mais de le stimuler, de montrer aux élus et aux services concernés qu’ils peuvent agir autrement , et mieux, en prenant en compte l’intelligence et l’énergie des citoyens. Oui, pour être à la hauteur des  espérances du 11 janvier, il faut penser en termes d’alliance et sortir du chacun pour soi. Chiche ?

texte écrit avec Jean-Pierre WORMS, membre du collectif Pouvoir d’agir, impliqué également  dans  le  Laboratoire de la Transition Démocratique