taxe à 75% : et si on demandait aux footballeurs de payer ?

Un court texte… pour faire un peu de politique-fiction en ce jour de Toussaint ! bonne lecture.
Et n’hésitez pas à revenir sur le texte concernant les Roms/Tziganes. J’aimerais bien avoir d’autres réactions …

Etonnant que personne ou presque ne propose cette solution de bon sens pour sortir de l’imbroglio fiscal dans lequel le Président s’est mis : puisque ce sont les joueurs millionnaires qui étaient visés, puisque les clubs ne peuvent/veulent pas payer à leur place, demandons aux joueurs de payer… volontairement ! Il ne s’agit que de 120 personnes à convaincre !

Imaginons : ils l’acceptent tous sans rechigner et c’est un superbe exemple de solidarité. Ça ne change rien à la réalité des inégalités mais ça montre néanmoins que nous vivons encore dans un « monde commun »… et c’est beaucoup symboliquement.

Autre solution : certains acceptent, d’autres refusent, le débat monte dans le pays, la pression des uns et des autres finit par contraindre chaque récalcitrant, de plus ou moins bonne grâce, à finalement payer. L’exemplarité dans ce cas est moins probante mais on gagne la conviction que l’opinion peut pousser les plus privilégiés à revenir dans le monde commun. Ce n’est pas rien !

Troisième solution : la plupart refusent et finalement ceux qui se disaient prêt à payer y renoncent, ne voulant pas apparaître comme des pigeons ou des faibles. L’écœurement est grand dans le pays. Une partie des habituels supporters des grands clubs se détournent de leur spectacle favori – non, ça j’y crois pas ;). En revanche une réflexion sérieuse sur l’impôt s’engage. Le débat monte et oblige le gouvernement à reprendre la main sur la réforme fiscale. Picketty est appelé comme Haut-Commissaire à la réforme fiscale et un débat national participatif est engagé avec une conférence de consensus pour conclure ce débat et proposer au Parlement les principes d’une réforme juste.

Mais il y a aussi une quatrième solution : les joueurs refusent de payer, les médias dénoncent une « chasse aux riches » inacceptable et l’immense majorité d’entre nous se désintéressent de la question… en regardant le prochain match à la télé ! Est-ce la solution la plus probable ? Beaucoup vous diront oui ; moi, je me dis qu’aucune des trois hypothèses précédentes n’est totalement exclue. On peut rêver un matin gris de Toussaint – le jour où chacun est appelé à la sainteté !

« Du discours du grenier au discours du midi »

J’ai trouvé cette expression sous la plume du constitutionnaliste D. Rousseau. Elle illustre très bien, je trouve, le changement de discours que nous avons à faire si nous voulons que la démocratie à laquelle nous aspirons « donne envie » au plus grand nombre. …Et j’espère encore des réactions au texte sur les tziganes !!

Un article qui met en mots, de façon simple et lumineuse, le décalage entre le discours politique et la réalité sociale ! Trouvé dans le Monde sous la plume du constitutionnaliste Dominique Rousseau, j’hésitais à le lire car le titre annonçait une énième analyse de la montée du Front National. En fait au-delà du FN, Rousseau nous parle du « syndrome du grenier » qui nous frappe collectivement :

« Quand un individu traverse une crise existentielle – comme l’adolescence –, il se réfugie dans le grenier pour retrouver ses poupées en cire et ses 45 tours. Aujourd’hui, les sociétés traversent une crise existentielle. Elles changent leur mode de vie mais sont encore attirées dans le grenier où elles trouvent le franc et la blouse grise, la règle sur les doigts et l’Etat bonapartiste, la voix de la France et l’ORTF. Et la force du FN tient à ce que les gens n’ont pas d’autre discours que celui du grenier pour se représenter la situation d’aujourd’hui. […]

Cette pensée du grenier « ne dit rien sur la société actuelle. Les choses de la vie ne sont plus « comme à l’époque ». Les familles sont recomposées, monoparentales, homosexuelles. Les femmes sont libres de disposer de leur corps, esprit et vote. Les élèves ont accès aux sources de savoirs. Le destin se décide au-delà du national. Le peuple devient pluriel ».

Son constat, nous sommes désormais nombreux à le partager, et ce blog s’en fait souvent l’écho :

« Partout, dans les écoles, quartiers, villages, lieux de travail, l’individu démocratique imagine, agit et fonde une manière nouvelle de faire société : système d’échanges locaux, réseaux d’entraide scolaire, accueil des étrangers et partage des coutumes. Toutes ces forces d’avenir sont là, souvent lumineuses, mais qui attendent d’être mises en lumière par des intellectuels qui oseraient penser. Quand Voltaire, Diderot, Rousseau ou Condorcet pensent leur société, ils ne regardent pas le passé sécurisant des liens féodaux. Ils inventent les mots – contrat social, citoyen, république – qui vont permettre à la société de s’arracher de sa représentation ancienne et de construire une autre forme du vivre-ensemble ».

Dominique Rousseau use d’une jolie formule quand il nous exhorte à « opposer au discours du grenier un discours du midi ».

Oui, il est urgent que nous construisions une représentation positive de ce que peut devenir la démocratie. Il est effectivement souhaitable que ce soit un « discours du midi » dans tous les sens possibles du terme : un discours ensoleillé, chaleureux, gai ; un discours tourné vers le sud et les métissages ; un discours du milieu du jour, ancré dans la vie quotidienne. Le midi c’est tout ça !

J’ai la volonté, comme beaucoup d’autres de participer à cette construction. J’ai même pour cela décidé de prendre du temps* afin de mettre en place une recherche-action. Son objet ? travailler à démontrer qu’une logique d’alliance est possible afin de construire une « démocratie sociétale » qui donne toute sa place à « l’individu démocratique » dont parle Dominique Rousseau.

* : Je remercie ici Didier Livio et toute l’équipe de Synergence de me permettre de m’engager dans cette aventure en acceptant que je sois (un peu) moins présent au quotidien dans l’entreprise. Je suis en effet passé à mi-temps depuis le 1er octobre. Deux mi-temps donc, mais une seule personne et donc un engagement total dans deux registres d’action pour moi parfaitement complémentaires.

 

 

Les Roms, l’Europe et le tirage au sort

Un courrier reçu récemment mérite, je crois, d’être partagé et commenté… et peut-être de déboucher sur une initiative inédite. Plus encore que d’habitude, vos commentaires seront précieux pour sentir s’il est pertinent d’avancer sur ce sujet délicat, puisqu’il lie des questions elles-mêmes propices aux polémiques !

Un courrier reçu récemment mérite, je crois, d’être partagé et commenté… et peut-être de déboucher sur une initiative inédite. Voici donc d’abord le courrier. Il a été envoyé par Guy E avec qui nous pratiquons le ping pong intellectuel depuis déjà plus de 20 ans !

Même si cela ne se manifeste guère, je continue d’être attentif à tes réflexions. Et notamment à tes récurrentes allusions à un éventuel système de jury plutôt que d’élection pour penser et fabriquer la loi. Oui, c’est une suggestion d’autant plus intéressante que les assemblées législatives issues des élections montrent chaque jour un peu plus leurs limites. Mais comment faire avancer cette proposition autrement qu’en la confrontant à un cas concret, à une mise à l’épreuve ? Or il est, me semble-t-il, une thématique qui s’y prêterait; je veux parler de la question des Roms ou préfèrerais-je dire du « peuple tsigane », à partir d’un article de Andrzej Stasiuk paru dans l’Espresso et repris par le Courrier international (n°926 d’août 2008) intitulé: « Sans eux nous ne serions rien »

j’intercale ici dans le texte de Guy quelques extraits pour mieux suivre son propos. L’article complet est là.

J’ai toujours pensé que l’Europe unifiée était la solution idéale pour les Tsiganes. Qui davantage qu’eux a subi l’oppression de frontières étroitement surveillées ? Qui davantage qu’eux a fait l’expérience d’être des hôtes à peine tolérés des Etats-nations ? Qui davantage qu’eux s’est senti étranger partout, de l’Oural à Gibraltar ?

Cela ne sert à rien de les obliger à être comme nous. Le vrai défi européen consiste à faire survivre les Tsiganes sous la forme qu’eux-mêmes voudront choisir. C’est là que nous ferions la preuve de notre européanité.

Après sa lecture je m’étais dit que les Tsiganes devraient être considérés comme un peuple à part entière, le 29° de l’UE, et non comme le sous-ensemble de divers pays (Roumanie, Bulgarie, Hongrie…). L’histoire a fait qu’ils s’y sont concentrés sans pour autant s’y sentir citoyens à part entière et comme tels représentés par leurs institutions. De plus, il est assez injuste de demander à ces pays de régler le problème alors même qu’ils ont été finalement plutôt plus hospitaliers à l’égard de ces nomades que d’autres pays, comme le nôtre, qui eux n’ont su (et continuent de ne savoir) que les chasser.

Le problème est que l’UE ne connait que des Etats-nations avec des territoires et des peuples sédentaires. Ah les pauvres nomades: Caïn ne saura-t-il donc jamais en finir avec Abel qu’en le tuant ? D’où le questionnement à poser à un éventuel « Jury » législateur » : « Quelle place en Europe pour un 29° Etat sans territoire ? Quelles institutions pour le représenter ?…. « 

Il semble que la question dite « des Roms » soit en passe de devenir suffisamment grave pour qu’il devienne nécessaire de la traiter au fond. Et ce, en particulier parce qu’à partir du 1° janvier prochain ils seront citoyens européens à part entière et devront être traités comme tels; ils ne pourront plus être renvoyés manu militari dans leur(s) (faux) pays. C’est la raison pour laquelle M. Valls a fait la sortie que l’on sait, appuyé par de nombreux élus locaux (dont G. Collomb) qui ne savent plus comment s’en sortir. Ce qui veut dire que ces élus seront peut-être enfin attentifs aux idées neuves et à l’affectation de moyens pour les faire émerger. Et donc pourquoi pas à celles qui se dégageraient d’un procès sur l’avenir du peuple Tsigane européen. Je verrai bien la Fondation des Sciences Politiques s’associer avec son aura, ses chercheurs… à une telle opération.

Ce n’est qu’une idée. Comme toujours et plus encore qu’habituellement, elle ne représente que 1% (et encore) d’inspiration au regard des 99% de transpiration nécessaires pour la faire avancer…

 

Je trouve comme souvent l’intuition de Guy séduisante : elle procède de deux qualités indispensables pour innover :

  1.  savoir faire le pas de côté pour arrêter de faire « toujours plus de la même chose » (les Roms ne s’intègrent pas alors forçons-les à s’intégrer … et s’ils ne veulent pas forçons les à partir !). Si on renonce à imposer cette alternative, l’intégration ou l’exil, l’imagination peut se déployer. L’idée d’un 29ème Etat non territorialisé stimule la réflexion. A la fois pour ce qui concerne les Tsiganes dont la singularité prendrait de la valeur puisqu’on inventerait pour eux une altérité enfin positive. Mais aussi pour l’Europe dont la citoyenneté deviendrait concrète puisqu’elle serait la condition de cet Etat sans terre, le territoire européen tout entier devenant l’espace de référence des Tziganes.
  2. proposer des liens entre deux questions sensibles qui se confortent ainsi mutuellement. L’addition de la question Roms et de la question du Tirage au sort est intéressante ! Pour réussir à traiter la question Roms de manière complètement neuve, il serait effectivement utile de sortir de l’habitude bien française de convoquer une commission d’experts ou de sages ! Pour réussir à populariser l’idée du Tirage au sort au-delà des tentatives faites sur des sujets plus obscurs, il est astucieux de prendre appui sur la question polémique du moment.

Doit-on alors s’engager sans plus tarder dans l’expérimentation de cette idée ? A ce stade, une chose me dérange : on est encore à vouloir faire le bonheur des autres malgré eux. Que pensent les Tziganes ? Quelle vie veulent-ils vivre ? Quels rapports veulent-ils nouer avec les populations qu’ils côtoient ? On entend souvent les gens qui protestent du voisinage subi, on entend encore les associations qui viennent en aide aux Roms… mais la parole des intéressés est beaucoup plus rare. Rien ne serait pire que de « réussir » un superbe exercice démocratique sans partir d’une attente des personnes directement concernées. Ce serait de la rhétorique pure. N’oublions pas le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ! Nous qui cherchons à promouvoir une démocratie sociétale, bottom-up misant sur l’empowerment, il serait intéressant de commencer par dialoguer avec les Tziganes.

 

 

 

 

 

 

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