Gyrovague

On ne prend pas toujours le temps de suivre la piste des mots que l’on découvre au fil de ses lectures… Je l’ai fait hier soir et j’ai appris que je pouvais me dire gyrovague !

Traiter un combi VW de « moine gyrovague défroqué » comme le fait Ivan Jablonka dans En camping car, savoureux récit de ses vacances d’enfant, forcément ça pique la curiosité ! Quelques clics plus tard, je tombe sur le blog d’un moine qui se définit lui-même comme gyrovague et m’éclaire d’abord sur ce que n’est pas un gyrovague : ce n’est ni un anachorète, ni un cénobite et pas non plus un sarabaïte ! Vous voilà plus éclairé ? C’est que vous avez lu le premier chapitre de la règle de saint Benoît qui classe les moines en quatre catégories ! Les anachorètes, ce sont les ermites ; les cénobites, les moines vivant dans une abbaye ; les sarabaïtes, des faux moines dont seule la tonsure est réelle. Et les gyrovagues ? des moines qui tournent vaguement sur eux-mêmes ? Gyro veut dire tourner (comme dans gyrophare) mais vague vient de vagus, le vagabond. J’apprends en passant (chez Alain Rey, comme toujours) qu’il y a trois homonymes pour le mot « vague » ce qu’on n’imagine pas spontanément tant le mot semble indéfini et propre à épouser une variété de signification. En réalité LA vague n’a rien à voir avec LE vague. La vague vient d’une racine indoeuropéenne qui signifie mouvement, alors que le vague (à l’âme notamment) vient donc de vagus, errant, indéfini, flou, léger… Un dernier vague ne se retrouve plus que dans l’expression terrain vague (dérivé de vacuus, vide).
Revenons à notre moine errant et circulant. Il n’est pas en odeur de sainteté au Moyen-âge ce moine qui suit son bon plaisir, passant d’abbaye en abbaye. Saint Benoît le classe en dernier dans sa liste des types de moines, derrière même le faux moine (le sarabaïte, si vous suivez). C’est là qu’on constate à quel point nous nous sommes éloignés de ce temps où la fixité était préférée à la véracité ! Même croyants, ne sommes-nous pas tous un peu gyrovagues dans nos pratiques, naviguant entre des fidélités multiples, incorporant des spiritualités au gré des rencontres, appréciant tour à tour chant grégorien et méditation zen ? La « gyrovagie » comme antidote aux fanatismes et fondamentalismes ? Au-delà même de nos croyances, comme le suggère le camping car de Jablonka, la gyrovagie est notre manière de nous ouvrir au monde, du nomadisme touristique au programme Erasmus. Vive les identités multiples des gyrovagues. Ce qu’ils perdent en profondeur, ils le gagnent en ouverture et c’est aujourd’hui une vertu cardinale!

Une autre entreprise est possible ! – 2ème partie du texte du 25-10

Voici la suite de mon texte sur le pouvoir dans l’entreprise. Si la théorie des parties prenantes et la différence entre droit des sociétés et droit de l’entreprise, évoqués dans la 1ère partie, sont des sujets déjà débattus, cette deuxième partie s’éloigne des chemins balisés. J’espère des réactions !!

Dans la théorie des parties prenantes, tous ceux qui contribuent au bon fonctionnement des entreprises sont représentés … sauf les entrepreneurs ! Un paradoxe ! Les parties constituantes au cœur du projet entrepreneurial et du partage de la valeur ajoutée sont en théorie les actionnaires et les apporteurs de travail. L’entrepreneur n’a aucune place en tant que tel. Il est soit dans une des deux catégorie, apporteur de capital ou dirigeant salarié, soit en arbitre entre les deux catégories.

On a vu que les actionnaires n’étaient la plupart du temps rien d’autres que des financiers sans lien avec le projet entrepreneurial. Un fonds de pension n’est pas réellement partie prenante puisque son seul projet est la maximisation des revenus de son capital. Une illustration par l’absurde en est donnée par le passage de Sébastien Bazin d’actionnaire d’Accor à PDG : il a fait l’inverse de ce qu’il exigeait en tant qu’actionnaire une fois devenu patron ! Et il se révèle un plutôt bon patron d’Accor alors qu’en tant qu’actionnaire, il exigeait un démantèlement de l’entreprise qui n’aurait plus été qu’un opérateur de tourisme sans la propriété (et la responsabilité) de ses investissements hôteliers. Le fait d’être propriétaire d’une part du capital de l’entreprise ne conduit donc pas automatiquement à faire que l’on soit un acteur pertinent des choix que doit faire l’entreprise.

Les salariés sont-ils plus à même de faire ces choix ? Leur intérêt à la pérennité de l’entreprise est évidemment supérieur de même que leur connaissance concrète du fonctionnement de l’entreprise. Mais dès que l’entreprise dépasse une certaine taille, qu’en connaissent réellement les salariés lorsqu’ils sont simples opérateurs sans désir particulier de s’investir dans la marche de leur entreprise qu’ils voient avant tout comme un gagne-pain ? Qu’on soit clair : ce n’est pas une question de niveau social ou de compétence. De nombreuses coopératives ont réussi à fonctionner avec des salariés de base aux commandes. Nécessité fait loi et des personnalités se révèlent en situation. En revanche, nous n’avons pas tous le même désir d’être partie prenante du fonctionnement de l’entreprise qui nous emploie. Et c’est légitime ! Même dans les coopératives, on peut trouver une cohabitation de coopérateurs et de simples salariés. Continuer la lecture de « Une autre entreprise est possible ! – 2ème partie du texte du 25-10 »

Libéraux, soyez cohérents : luttez contre l’absolutisme d’aujourd’hui ! – 1ère partie

Il y a longtemps que j’ai envie d’écrire sur ce qui reste un impensé dans nos démocraties : l’entreprise en tant qu’institution. Voilà la première partie d’un texte long qui, je l’espère, suscitera des commentaires. D’où le titre provocateur !

Face à l’urgence du Vivant, quel est le bon combat ? Je me faisais cette réflexion en écoutant une juriste participer à la séance d’ouverture du Festival Vivant. Elle présentait le droit de l’environnement comme une avancée majeure (avec l’écocide comme but à atteindre) alors que pour moi, même avec l’écocide, on en reste à un droit défensif qui n’anticipe pas le système juridique de l’avenir. Il est certes utile de défendre les droits des fleuves et des forêts mais on admet ce faisant que l’enjeu est de réduire l’impact du système économique actuel, pas de le changer.

Qu’est-ce qui est à reconstruire en priorité ? Qu’est-ce qui nous bloque dans un présent qui n’est plus viable ? C’est en écoutant cette juriste évoquer le droit de l’environnement que la chose m’est apparue encore plus nettement qu’avant : le cadre juridique de l’entrepreneuriat est central. C’est ce cadre juridique qui a accompagné la révolution industrielle et, hélas, le passage à l’anthropocène et à l’hubris dans lequel nous nous enfermons. On n’entrera pas dans le monde d’après sans un cadre juridique entièrement transformé. J’ai déjà écrit sur la nécessité de revoir le droit de propriété mais c’est plus spécifiquement le droit de l’entreprise qu’il faut envisager sur des bases radicalement nouvelles.

Alors que le libéralisme a historiquement lutté contre l’absolutisme royal, il a laissé s’installer un absolutisme entrepreneurial qu’il devrait aujourd’hui combattre comme il a combattu autrefois la monarchie absolue.

Tout le monde reconnait que les grandes entreprises transnationales sont aujourd’hui beaucoup plus puissantes que les Etats incapables (et peu désireux) de leur contester leur suprématie. Si au début du XXème siècle, on n’a pas trop hésité à défaire les monopoles du pétrole et de l’acier, qu’on a encore réussi à séparer les activités d’AT&T au début de ce siècle, aujourd’hui le simple fait de faire payer des impôts à Google relève de l’exploit. Que font les libéraux contre l’absolutisme économique ? Il est frappant de voir que les lois de l’économie sont devenues les « lois naturelles » et que, comme les lois divines au XVIIIème siècle, elles ne peuvent être discutées (sauf par des impies). Pourquoi ce qui a été considéré comme insupportable aux libéraux au temps des Lumières ne l’est-il pas aujourd’hui ? Pourquoi les libéraux contemporains restent-ils focalisés sur le pouvoir d’Etat qui est désormais résiduel alors qu’ils restent muets sur le pouvoir économique démesuré et hyper-concentré ? Avons-nous à ce point été domestiqués que la liberté ne nous est plus vitale ? Sommes-nous tous devenus semblables au chien de la fable qui n’envie même plus la liberté du loup ?

Voici ce que je propose à tout libéral conséquent d’envisager sérieusement. C’est radical j’en conviens mais c’est à mon sens réellement libéral !

Une approche radicalement libérale doit naturellement s’appuyer sur le droit. C’est bien par le droit que le libéralisme s’est manifesté à la fin du XVIIIème siècle avec la Déclaration des Droits de l’Homme, le droit constitutionnel et le code civil. Continuer la lecture de « Libéraux, soyez cohérents : luttez contre l’absolutisme d’aujourd’hui ! – 1ère partie »

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