Exilé

Un texte court autour d’un mot. Une nouvelle manière d’échanger avec vous, pour être lu plus facilement, pour susciter, je l’espère, encore plus de commentaires, voire de débats. Je continuerai bien sûr les textes longs selon l’inspiration !

Dans la recherche pour remplacer le mot migrant, celui de réfugié s’est imposé. On a très largement laissé de côté le terme d’exilé, celui qui est obligé de partir de sa patrie. Pourquoi ce choix ? Une hypothèse. Nous avons encore  privilégié notre  point de vue d’Européens. Le refuge fait référence au point d’arrivée, chez nous. L’exil parle d’un ailleurs, de cette  terre qu’on a dû quitter. En parlant de réfugiés, nous parlons de nous et de notre sollicitude. Nous laissons un peu de côté la  douleur de l’exil.  Le regard de l’exilé ne brille pas des richesses rêvées de son lieu d’accueil. Il brille des larmes de douleur ou de rage, des souffrances traversées et des bonheurs perdus.

Si nous parlions d’exilés, aurions-nous encore le cœur à trier entre les réfugiés acceptables et les migrants économiques à refouler, comme l’Europe et tous ses Etats membres entendent le faire ?

Gentillesse

J’allais commencer un billet sur « comment on change le monde ? ». Je voulais revenir sur les Débats du DD (à Synergence, nous accompagnons McDonald’s France dans la mise en place de ce colloque avec Le Monde). Le thème de cette année était justement « entreprendre autrement…. Pour changer le monde ! ». Je regardais les vidéos des jeunes entrepreneurs, et je trouvais qu’ils avaient tous un air  de famille, la famille des enthousiastes déterminés. Je repensais à la rencontre organisée par la FING à la  CNDP où Laurence Monnoyer-Smith disait avec véhémence et justesse que les ZADistes en prétendant changer le monde, confortaient les plus conservateurs parce qu’ils ne laissaient aucune place au compromis.

Je commençais à réfléchir à la nécessité d’un pragmatisme radical… et puis j’ai eu envie de dire autre chose. Peut-être le temps de Noël, peut-être parce  que j’ai rappelé récemment ma croyance que la nouvelle promesse démocratique était sans doute : « le bonheur de se relier », peu importe ! En fait j’ai envie de parler de la gentillesse, de l’énergie incroyable qu’elle permet de faire circuler.

J’ai l’impression de la rencontrer souvent en ce moment. Attention, je ne dis pas que les gens que je rencontre sont gentils, je n’en sais rien ! Je dis qu’ils se comportent gentiment, c’est très différent. La gentillesse est une relation, pas un attribut ! On voit souvent aujourd’hui dans la  gentillesse une forme de soumission, de servilité. Moi je préfère y voir ce qu’évoque le terme de « gentilhomme » : une forme de noblesse. La noblesse de l’accueil.

La gentillesse c’est, pour moi, l’accueil de l’autre dans son potentiel. Je ne parle pas de l’accueil de ceux qui en fait n’engagent aucune relation, qui vous reçoivent mais pour parler d’eux et de leurs œuvres ! Pas non plus de ceux qui vous jugent et vous attribuent une place en fonction de ce qu’ils ont immédiatement perçu de vous. Tant mieux si vous êtes naturellement rayonnant et tant pis si vous êtes plus secret, l’accueil qui vous est réservé n’ira pas jusqu’à prendre le temps de vous découvrir ! Je déteste particulièrement ce que j’appellerais l’accueil éteignoir : cette (fausse) bienveillance qui sous prétexte de vous être agréable vous éteint sous le poids d’une démonstration d’amitié qui reste à la surface des choses. Accueillir, c’est s’intéresser au potentiel de l’autre. Pas ce qu’il exprime spontanément, plutôt ce qu’on sent qu’il pourrait exprimer si on prend le temps de le laisser se déployer ! Et c’est très différent. Cela suppose d’accepter une relation vraie et donc incertaine, changeante. Cela suppose d’accepter de suspendre son jugement à une époque médiatique où la première impression est la seule possible puisqu’on n’aura pas le temps d’une deuxième impression.

Je parlais de l’énergie que la gentillesse permet de faire circuler. Ça peut sembler un peu étonnant tant nous sommes habitués à la gentillesse mièvre. La gentillesse accueillante est bien évidemment source d’une énergie incroyable puisqu’elle ouvre de nouveaux horizons, amène de nouvelles rencontres. La gentillesse, c’est ce moment où l’on brûle de dire quelque chose et où on prend pourtant le temps de laisser l’autre s’exprimer car on est confiant à la fois dans l’intérêt de ce que l’on va entendre de la bouche de l’autre et dans la capacité qu’on aura ensuite d’intégrer ce qu’on a accepté de ne pas dire dans la suite de l’échange. Il y a alors une  forme de tension joyeuse, d’appétence pour le moment vécu qui recharge les batteries pour tous les moments (ils sont hélas fréquents) où la communication est bien davantage vécue comme une lutte.

Pour revenir au sujet sur lequel j’imaginais écrire – changer le monde – je crois fermement que la gentillesse est un ferment de transformation beaucoup plus radical que celui de la lutte intransigeante des radicaux autoproclamés. Combien de révolutions se sont ainsi révélées illusoires en ne changeant que les possesseurs du pouvoir et pas les attitudes. La gentillesse est peut-être la « vraie » révolution, simplement parce qu’elle lie étroitement transformation personnelle et transformation sociale. J’ai le sentiment que la génération qui monte est mieux éduquée à la gentillesse ! Dans le même ordre d’idée, Jeremy Rifkin, entraperçu hier dans une émission, disait que les jeunes étaient très nombreux à pratiquer spontanément l’économie collaborative et que ça changeait tout pour l’économie des années à venir.

Allez, un peu d’espoir ! C’est ma contribution à l’esprit de Noël !

PS / entendue ce matin sur France Inter dans la bouche de Dominique Seux, l’éditorialiste économique si souvent platement libéral, une phrase qui le surprenait lui-même puisqu’il trouvait sa chronique « un peu bizarre » :

Ce sont les interactions, les échanges qui font avancer les personnes, on n’avance plus seul… ces vacances de Noël sont l’occasion d’interactions différentes, de découvrir des idées nouvelles d’une belle-sœur, d’un cousin éloigné… alors n’hésitons pas pendant ces fêtes à parler un peu boulot, projet, politique, économie…

Les Ateliers, nom commun – nom propre

Au moment où démarre enfin le projet du Laboratoire de la Transition Démocratique, petit retour sur l’aventure des Ateliers avec la publication d’un document d’une cinquantaine de pages pour garder la trace de ce qui s’est vécue là.

« Ça me rappelle la manière dont on discutait aux Ateliers », « il faudrait un lieu comme le théâtre où se réunissaient les Ateliers », « on avait travaillé ça aux Ateliers »… ces bouts de phrases ponctuent encore souvent les conversations que j’ai avec mes interlocuteurs. Il y a bien une  culture Ateliers qui persiste malgré les années qui passent. J’avoue être réjoui et touché que les Ateliers restent une référence encore actuelle pour quelques-uns quand si souvent une initiative chasse l’autre. Pour moi et pour toujours Ateliers est devenu un nom propre, même si j’aimerais plus que jamais qu’il soit un nom commun ! Une brique de base de la démocratie, réappropriée par d’autres. Nom propre et nom commun !

Au moment où commence une nouvelle aventure avec le laboratoire de la transition démocratique (enfin sur les rails !), un petit retour en arrière n’est pas inintéressant. J’ai ainsi rédigé un document-mémoire qui donne à voir ce qu’a été l’aventure des Ateliers de la Citoyenneté. C’est un texte patchwork avec une présentation des « formats » de rencontres que nous avons mis au point[1], un bilan de ce qui reste et de ce qui pourrait être repris/réinventé, et aussi plein de témoignages de participants recueillis tout au long de l’aventure. Ceux ou celles qui ont été de l’aventure et ont lu  le document m’ont affirmé avoir bien retrouvé ce qu’ils avaient vécu.

Vous pouvez le trouver en pdf sur la colonne de droite du blog, vous pouvez aussi vous le procurer en format papier, nous en avons imprimé quelques exemplaires[2].

Quelques extraits pour, je l’espère, vous donner envie d’en lire davantage !

Chemin faisant nous avons en effet découvert que notre réflexion collective était un formidable accélérateur de nos propres transformations personnelles. Penser la citoyenneté entreprenante nous a amené à agir en citoyens entreprenants.

On rejoint un réseau, on n’adhère pas à une cause. On parle pour cela de « liens élastiques ». Les participants aux Ateliers ont en effet une relation très particulière à l’association. On y vient, on en repart, on y revient, au gré des mouvements de la vie, et particulièrement des changements dans l’activité professionnelle. Cette intensité variable de la présence conduit assez rarement à la rupture ; des personnes perdues de vue depuis des mois redonnent signe de vie de manière impromptue.

Progressivement s’invente donc une pratique du discernement citoyen peu formaliste mais avec des ingrédients suffisamment forts pour qu’ils soient immédiatement repérés par les nouveaux arrivants et adoptés avec plaisir. Il y a ainsi une forme d’évidence dans notre fonctionnement collectif apprécié de tous et donc protégé par chacun. Les régulations se font donc naturellement ce qui autorise une grande liberté d’expression.

Les ateliers qui fonctionnent le mieux sont ceux qui n’ont pas un objectif de « production » imaginé à l’avance mais ceux qui acceptent de remettre l’ouvrage sur le métier à chaque séance. (Je n’ai jamais connu de situation où cette maxime s’appliquait mieux qu’au sein d’un atelier). L’animateur est alors celui qui facilite les échanges, tente de créer des liens entre opinions et expériences, retient des pistes prometteuses pour une exploration future. Un atelier chemine, il progresse à son rythme, avec des temps d’exploration qui peuvent sembler erratiques et des temps de cristallisation.

Cette « proposition » s’est naturellement faite sur le mode de la gratuité. Double gratuité : pas de financement personnel, pas d’engagement. Beaucoup s’étonnaient de pouvoir disposer d’un tel lieu sans rien débourser, sans adhésion. La plupart étaient heureux de cette relation dégagé des questions matérielles, moi le premier ! Disons-le : c’était plutôt gratifiant de pouvoir offrir cette liberté. Mais tout cela avait un coût.

Le dernier rendez-vous des Ateliers a donc eu lieu samedi 7 mai 2011. La rencontre qui avait conduit à la fondation de l’association s’était tenue le 11 décembre 2001. Une aventure de près de 10 ans s’est donc achevée un jour de printemps ensoleillé et venteux, par un « débarquement » en bonne et due forme. Nous ne voulions pas d’une fin sans fin, d’un lent délitement. Nous avions envie d’un clap de fin.

Et pour conclure des extraits des témoignages. Et pour savoir qui dit quoi, il faut aller voir dans le document-mémoire !

Ce que j’aime tout particulièrement dans les Ateliers, c’est leur côté auberge espagnole. On y trouve ce que l’on y amène… Magique vraiment cette chose qui ne sait pas où elle va, ni comment, mais très bien en revanche ce qui la fait partir, avancer, créer.

La nuit de novembre s’était installée en cette fin d’après-midi. Quelques ombres, isolément ou en petits groupes, rejoignaient cette ancienne salle de cinéma reconvertie, dans cette rue à l’apparence d’impasse, et à vrai dire un peu coupe-gorge pour l’aspect… Mais comment se dérober à la gentillesse de l’accueillante, qui vous salue comme si votre présence était évidente, comme si vous vous connaissiez déjà ? En route donc pour ce débat. Surprenant. Une atmosphère de liberté.

Mon cheminement m’a fait m’éloigner de cette militance associative au sein de laquelle je menais des actions collectives depuis plusieurs années. J’en suis arrivée à ne plus me reconnaître dans cette culture, brandissant haut l’idéal d’égalité, si sûre d’elle-même et de la justesse de ses intentions. [Aux Ateliers], cette parole circulante qui caracole hors des rails souffle un air d’une incroyable liberté, ce doit être ça, penser ensemble.

Alors que la politique agit par le haut et par la force (la loi, le règlement, l’interdit …) nous agissons par le bas et le modeste.

Etant la benjamine du groupe, j’ai était particulièrement marquée par l’écoute que m’ont accordée les plus expérimentés. Prendre conscience que mon vécu pouvait être digne d’intérêt et, ensuite, que me soit de ce fait accordée une légitimité à m’exprimer, représente une expérience fondatrice pour moi. Cela m’a permis de renforcer ma confiance en moi.

Livret Ateliers de la citoyenneté
Cliquer pour télécharger le document (pdf 2,4Mo)…

[1] Ateliers de discernement, Initiales, Instantanés, Arrêts sur écrit, Samedi matin, Cafés Media, Kfés métiers, Bourses des envies d’agir, Jeux de piste citoyens.

[2] merci d’envoyer une participation aux frais de mise en page, d’impression et d’envoi de 10 € à l’ordre d’IOP-STD, l’association qui a pris le relais des Ateliers, 17 rue Richan 69004 Lyon.

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