Après « Est-ce ainsi que les hommes meurent ? », de l’éthique à la politique

Il y a toujours un risque à prendre la parole sur un énervement. Les coups de gueule sonnent souvent justes mais ne sont pas toujours ajustés. Je reviens donc aujourd’hui sur mon dernier texte non pas pour me justifier mais pour continuer le débat, en me plaçant sur le registre politique.

Si j’ai bien sûr été touché par les nombreux messages qui disaient une commune indignation, un besoin de se réapproprier le moment où l’on passe de la vie à la mort, ce qui me pousse à reprendre la plume c’est le besoin de dialoguer plus avant avec mes contradicteurs dont je vous invite à (re)lire les commentaires. Je ne reviendrai pas ici sur la question du rapport à la mort mais plutôt sur ce qu’il y a d’éminemment politique, de nécessairement politique dans nos prises de décision par rapport au confinement. La politique étant pour moi la capacité de construire un monde commun, du plus local (un Ehpad par exemple) au plus global, la planète que nous habitons.

Donc, sans aborder tous les aspects des commentaires, je voudrais revenir sur trois questions :

  • Qu’est-ce qui est « jouable » dans les Ehpad ?
  • Comment « politise-t-on » les questions aujourd’hui traitées dans des relations bilatérales vieux/familles, familles/ehpads…?
  • Comment questionner le confinement sans remettre en cause la nécessaire cohésion nationale ?

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Une autre entreprise est possible ! – 2ème partie du texte du 25-10

Voici la suite de mon texte sur le pouvoir dans l’entreprise. Si la théorie des parties prenantes et la différence entre droit des sociétés et droit de l’entreprise, évoqués dans la 1ère partie, sont des sujets déjà débattus, cette deuxième partie s’éloigne des chemins balisés. J’espère des réactions !!

Dans la théorie des parties prenantes, tous ceux qui contribuent au bon fonctionnement des entreprises sont représentés … sauf les entrepreneurs ! Un paradoxe ! Les parties constituantes au cœur du projet entrepreneurial et du partage de la valeur ajoutée sont en théorie les actionnaires et les apporteurs de travail. L’entrepreneur n’a aucune place en tant que tel. Il est soit dans une des deux catégorie, apporteur de capital ou dirigeant salarié, soit en arbitre entre les deux catégories.

On a vu que les actionnaires n’étaient la plupart du temps rien d’autres que des financiers sans lien avec le projet entrepreneurial. Un fonds de pension n’est pas réellement partie prenante puisque son seul projet est la maximisation des revenus de son capital. Une illustration par l’absurde en est donnée par le passage de Sébastien Bazin d’actionnaire d’Accor à PDG : il a fait l’inverse de ce qu’il exigeait en tant qu’actionnaire une fois devenu patron ! Et il se révèle un plutôt bon patron d’Accor alors qu’en tant qu’actionnaire, il exigeait un démantèlement de l’entreprise qui n’aurait plus été qu’un opérateur de tourisme sans la propriété (et la responsabilité) de ses investissements hôteliers. Le fait d’être propriétaire d’une part du capital de l’entreprise ne conduit donc pas automatiquement à faire que l’on soit un acteur pertinent des choix que doit faire l’entreprise.

Les salariés sont-ils plus à même de faire ces choix ? Leur intérêt à la pérennité de l’entreprise est évidemment supérieur de même que leur connaissance concrète du fonctionnement de l’entreprise. Mais dès que l’entreprise dépasse une certaine taille, qu’en connaissent réellement les salariés lorsqu’ils sont simples opérateurs sans désir particulier de s’investir dans la marche de leur entreprise qu’ils voient avant tout comme un gagne-pain ? Qu’on soit clair : ce n’est pas une question de niveau social ou de compétence. De nombreuses coopératives ont réussi à fonctionner avec des salariés de base aux commandes. Nécessité fait loi et des personnalités se révèlent en situation. En revanche, nous n’avons pas tous le même désir d’être partie prenante du fonctionnement de l’entreprise qui nous emploie. Et c’est légitime ! Même dans les coopératives, on peut trouver une cohabitation de coopérateurs et de simples salariés. Continuer la lecture de « Une autre entreprise est possible ! – 2ème partie du texte du 25-10 »

Repenser le « gouvernement » local, urgence des municipales

Les élections de 2020 sont particulièrement importantes pour renouveler nos pratiques démocratiques. Espérons que les violences récentes à l’égard de quelques maires ne nous détournent pas de la question cruciale du « bon gouvernement ».

J’entendais il y a quelques jours, sur France Inter, la femme d’un maire qui craignait pour la vie de son mari. Cet élu venait encore d’être menacé, cette fois avec une tronçonneuse. « Je ne tolère pas la moindre incivilité » disait-il à son intervieweuse, « Dès qu’il se passe quelque chose, renchérissait son adjointe, il me téléphone : allo Coco, y a ça, j’y vais ». Cette agression est inadmissible mais doit-on la mettre au cœur de l’actualité ? Bien sûr une agression qui touche une personne dévouée au bien commun (ce maire ici, des pompiers ailleurs,…) nous parait de ce fait encore plus insupportable ; mais encore une fois, doit-on se focaliser sur cette question comme on semble commencer à le faire, pris dans le tourbillon médiatique ?

Même en hausse, cette violence reste en effet – et heureusement – assez faible, le reportage n’évoquait que 361 agressions ou incivilités à l’égard des maires l’an dernier sur 35 000 maires d’après une étude du Ministère de l’Intérieur. Avec la focalisation sur la violence, on risque de ne chercher que des réponses sécuritaires qui ne traitent jamais le fond des problèmes. Ce qui est pour moi le plus dérangeant dans cette manière de rendre compte de la réalité, c’est ce qui est dit en creux : le maire victime est héroïsé. Le maire apparait ainsi comme un bon maire parce qu’il incarne l’autorité et parce qu’il est prêt au sacrifice. Il ne compte pas son temps, il peut être appelé jour et nuit, il est toujours sur le coup,… Le Maire, même familier, même proche des gens est et reste « hors du commun », il s’écrit avec une majuscule.

C’est cette sacralisation de l’élu, cette mise à part, qui pose problème et contribue paradoxalement à aggraver le blues des élus dont on parle (un maire sur deux envisage de ne pas se représenter en 2020 selon le Cevipof). Continuer la lecture de « Repenser le « gouvernement » local, urgence des municipales »