Inventons !

Un texte court et optimiste pour sortir du malaise que provoque un déconfinement étouffant (derrière des masques) ! il m’a été inspiré par Barbara Cassin qui proposait d’inventer, sur un registre très éloigné des pesants appels à la réinvention qui se multiplient !

Depuis quelques jours, alors que le déconfinement semble n’être qu’une longue liste de règles à respecter – et même une liste de listes, puisque chaque lieu a ses propres règles : l’école, les magasins, les transports, chaque entreprise,… – on voit heureusement fleurir ici ou là des « Inventons ! » suggestifs et réjouissants. D’abord parce qu’ils sont à la première personne du pluriel, mettant spontanément l’initiateur de l’injonction joyeuse au même niveau que ses lecteurs : ce n’est ni l’injonction comminatoire du « inventez », ni la prétention du « j’ai inventé ». Ce n’est pas non plus ce réinventer si agaçant avec son RE qui dit exactement le contraire de l’invention. Le RE c’est toujours la fausseté de tout changer sans rien changer. On comprend bien la différence entre une voie renouvelée et une voie nouvelle : la première passe toujours par le même chemin, on l’a simplement rempierrée ou, plus sûrement, goudronnée de frais ; la voie nouvelle est partie ailleurs, dans une autre direction. Et qu’on ne me dise pas idéaliste, désireux d’une tabula rasa, c’est tout le contraire. On n’invente pas à partir de rien. Mais souvent on invente avec d’autres, avec de l’attention aux surgissements, avec de la sérendipité, avec de la joie. Tout l’inverse de la réinvention qui rationalise à outrance. Voyez le papier de Schneidermann  qui liste, en s’en moquant, les multiples réinventions promises. Mais surtout lisez Barbara Cassin et son fils qui proposent une invention opportuniste et futée, tout à fait de celles auxquelles j’aspire : celle  d’une école ouverte – et non déconfinée – amenant les enfants dans les musées, les théâtres et les parcs aujourd’hui fermés et vides, une école faisant appel aux compétences d’éducateurs divers aujourd’hui réduits au chômage, comédiens, éducateurs sportifs, moniteurs de centre aéré…

Inventons donc ! Inventons un nouveau rapport à l’agriculture en profitant de l’engouement marqué pour les producteurs locaux, inventons un hôpital humain en tirant parti des espaces de liberté et de la reconnaissance obtenus dans l’urgence sanitaire, inventons d’autres rapports au travail en créant enfin le revenu d’existence, inventons d’autres rapports à la propriété, inventons autre chose que des métropoles clones les unes des autres et trouvons des ressources de vitalité pour la moindre parcelle de nos territoires. Inventons de façon pragmatique et, comme le fait le Vivant, en multipliant les options et les expérimentations.

Rappelons nous enfin que celui qui découvre un trésor en est l’inventeur. Alors soyons inventeurs des richesses de demain (et surtout ne réinventons pas les « trésors » d’hier (les SUV, les escapades en avion à l’autre bout du monde, la mode jetable ou les fraises en hiver). Et si les 55 milliards que les Français n’ont pas dépensé pendant le confinement étaient investis dans les inventions du monde de demain plutôt que consommés – consumées – dans le REdémarrage d’une économie follement RElancée ? Décidemment oublions les RE et inventons !

Après « Est-ce ainsi que les hommes meurent ? », de l’éthique à la politique

Il y a toujours un risque à prendre la parole sur un énervement. Les coups de gueule sonnent souvent justes mais ne sont pas toujours ajustés. Je reviens donc aujourd’hui sur mon dernier texte non pas pour me justifier mais pour continuer le débat, en me plaçant sur le registre politique.

Si j’ai bien sûr été touché par les nombreux messages qui disaient une commune indignation, un besoin de se réapproprier le moment où l’on passe de la vie à la mort, ce qui me pousse à reprendre la plume c’est le besoin de dialoguer plus avant avec mes contradicteurs dont je vous invite à (re)lire les commentaires. Je ne reviendrai pas ici sur la question du rapport à la mort mais plutôt sur ce qu’il y a d’éminemment politique, de nécessairement politique dans nos prises de décision par rapport au confinement. La politique étant pour moi la capacité de construire un monde commun, du plus local (un Ehpad par exemple) au plus global, la planète que nous habitons.

Donc, sans aborder tous les aspects des commentaires, je voudrais revenir sur trois questions :

  • Qu’est-ce qui est « jouable » dans les Ehpad ?
  • Comment « politise-t-on » les questions aujourd’hui traitées dans des relations bilatérales vieux/familles, familles/ehpads…?
  • Comment questionner le confinement sans remettre en cause la nécessaire cohésion nationale ?

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Est-ce ainsi que les hommes meurent ?

N’avez-vous pas le sentiment diffus et grandissant d’être dans une impasse ? Nous ne savons plus sortir du confinement. L’exemple le plus tragique est l’attitude à l’égard des plus vieux et des plus vieilles d’entre nous.

Ce papier vient de mon énervement, dimanche, lorsque j’ai entendu Olivier Véran, le ministre de la Santé évoquer le « droit de visite très encadré » des personnes âgées vivant dans les Ehpad. En utilisant doctement ce terme, il confirmait le statut réel de toutes ces vieilles dames et vieux messieurs : ce sont des personnes vivant désormais dans des lieux de privation de liberté comme on dénomme maintenant les prisons, les centres de rétention, les lieux d’hospitalisation d’office. Les vieux, les vieilles disposent d’un droit de visite, comme n’importe quel prisonnier ! Très encadré, ce droit nous disait le ministre si sûr d’être dans le vrai. Hélas les Ehpad ne font pas partie de la longue liste des lieux de privation de liberté dont est chargée Adeline Hazan, la contrôleur général en charge du respect des droits fondamentaux des personnes qui y sont enfermées. On a véritablement l’impression que le droit à la vie s’est transformé en un devoir de survie. Assez de morts dans les Ehpads ! il est temps de créer les conditions, très encadrées, de la « vie éternelle », en tous cas d’une éternité suffisante pour que notre attention ait eu le temps d’être captée par d’autres préoccupations. Parce qu’en fait, on ne s’intéresse aux vieux que lorsqu’ils ont la désagréable propension à mourir en masse. 2003, la canicule; 2020, le covid-19. Entretemps, rien !

Ecoutons le Ministre et les mots qu’il emploie : Continuer la lecture de « Est-ce ainsi que les hommes meurent ? »