Passation de pouvoir

Après les passations de pouvoir entre ministres, à quand la passation DU pouvoir ? Réflexion printanière sur la démocratie 😉

Les dernières passations de pouvoir ont eu lieu. Le jeu de chaises musicales est terminé. Les promus comme Ségolène Royal et Benoît Hamon ont profité de la défection des Verts pour avancer de deux cases. Le seul nouveau venu est le maire de Dijon, 61 ans ! Le pouvoir est censé passer… mais en fait il reste ! Et personne n’est dupe. Les sondages montrent que Manuel Valls n’aura pas la confiance des Français. Tout ça pour ça.

Il fait beau ce dimanche, les glycines embaument, la lumière sur Lyon vibre en contrebas de la Croix-Rousse d’où j’écris … et j’aimerais tant que le printemps concerne aussi notre vie politique ! J’entendais tout à l’heure Elio di Rupo le premier ministre belge, il était vif et drôle. Pourquoi Valls oublie-t-il la liberté de ton que nous lui connaissions quand il était maire d’Evry ? La République, ses ors et ses pompes, nous plombent !

Il est temps que le pouvoir passe vraiment ! C’est pour moi le principal enseignement des municipales. Alors qu’on disait que les maires bénéficiaient d’une cote de proximité et pouvaient cumuler dans le temps 3 ou 4 mandats sans souci, les Français ont démenti cette affirmation par un vote qui renouvèle largement le personnel municipal. Ils ont même  évité quand ils le pouvaient de mettre en avant les étiquettes politiques. L’UDI, les Verts alliés au Front de gauche, les divers droite en ont profité… et pas seulement le Front National comme on pourrait le croire avec la focalisation des médias sur la tentative de Marine Le Pen de sortir son parti de la marge. Même artificielle, sa volonté de s’inscrire dans une logique ni gauche ni droite correspond à une tendance qu’on retrouve élection après élection depuis des années. Bayrou avant elle, Chevènement encore avant ont cherché à sortir de la bipolarisation.  Eux l’ont tenté sans succès en voulant s’insérer dans le jeu classique par la réunion des bonnes volontés de gauche et de droite au-delà du clivage partisan. Peut-être que demain la stratégie de Marine Le Pen trouvera plus d’écho car, elle, ne cherche pas l’union mais « l’alternative à l’UMPS ». Elle ne dit plus, comme Bayrou, dépassons nos fausses rivalités mais chassons les sortants, tous les sortants. En cela elle ne remet pas en cause la bipolarisation de la Vème République, elle invente un nouveau découpage bipolaire dont elle incarne un pôle, tous les autres faisant parti du deuxième pôle. On est loin des raisonnements byzantins du centriste Bayrou, c’est sûr ! Et le moment venu efficace, car conforme au mode de fonctionnement des institutions. Le danger est là.

Alors oui, la question de la « passation du pouvoir » devrait nous occuper tous avant que la vague bleu marine ne submerge la République ! Que peut être ce « passage DU pouvoir » ? D’abord la reconnaissance d’une migration : le pouvoir n’est plus seulement dans les palais de la République ! L’impuissance du politique tient largement au fait qu’il ne reconnait pas ses limites et ne modifie pas en conséquence ses modes d’action. On dit « la finance voilà l’ennemi » pour conquérir le pouvoir mais ensuite on se garde d’y toucher. On veut un pacte de responsabilité avec des contreparties et on renonce à les exiger. On fait comme si… mais personne n’est dupe, simplement un peu plus désabusé jour après jour.

Oui, il y a des pouvoirs qui échappent largement au pouvoir politique tel qu’il est organisé : pouvoir économique, pouvoir financier, pouvoir médiatique,… Doivent-ils pour autant être « hors champ » par rapport à la démocratie ? Pour moi, il va de soi que non. La démocratie doit investir tous les pouvoirs. Doit-elle le faire en passant par le pouvoir politique et par ses modes d’action : ma réponse, provocante pour beaucoup, contestable bien évidemment, est non. Il est urgent de trouver des règles du jeu qui donnent aux citoyens les moyens d’agie sur et avec les pouvoirs médiatique, économique,… Le développement du « pouvoir d’agir » est à ce prix. Il faut réussir à développer des alliances avec les pouvoirs existants pour redonner aux citoyens le moyen de maîtriser leur vie… sans tout attendre du pouvoir politique qui n’a plus les bons leviers.

La reconnaissance de la réalité DES pouvoirs et de leur nécessaire démocratisation par des moyens donnés aux citoyens d’interagir directement avec eux, voilà un chantier essentiel auquel le Laboratoire de la Transition Démocratique entend s’atteler. Pour cela il est tout aussi nécessaire de sortir d’une vision univoque de la question du pouvoir. Penser uniquement le pouvoir en termes de séparation, de « checks and balances » comme disent les anglo-saxons, laisse dans l’ombre l’égale nécessité de coopération des pouvoirs. Face à l’impuissance publique, ne doit-on pas aussi chercher à rendre le pouvoir plus efficace ? Une manière de le faire, comme y invite Patrick Viveret,  consiste à distinguer ses deux aspects, le « pouvoir sur » qui est une domination et le « pouvoir de » qui est une capacité à faire. Notre souci légitime de limiter le pouvoir de domination nous a trop souvent empêchés de réfléchir aux conditions d’émergence d’une véritable capacité d’action politique.

Pierre Rosanvallon dans un article du Monde du 17 juin 2011[1] affirmait avec justesse qu’il fallait revoir notre conception de la séparation des pouvoirs :

Plus que d’une séparation ou d’une balance de ceux-ci, c’est en termes de complication, de démultiplication et de distinction des fonctions et des formes démocratiques qu’il faut raisonner. Il lui parait ainsi utile de démultiplier les voies d’expression de l’intérêt général.

Rosanvallon en conclut qu’il faut « compliquer » la démocratie, une proposition à contrecourant des poncifs habituels sur la nécessaire simplification de l’action publique. Il écrit ainsi :

L’objectif est dorénavant de compliquer la démocratie pour l’accomplir, plus que de séparer des pouvoirs. Compliquer ne signifie pas affaiblir, condamner à l’impuissance, mais contraindre en permanence à l’explication, à la reddition de compte, à l’évaluation et au contrôle. Compliquer veut aussi dire donner son congé à l’idée d’une démocratie simple et immédiate.

La passation DU pouvoir c’est  aussi ce que Daniel Mothé, dans la revue Esprit[2] , appelait très justement la « petite démocratie », les rencontres de voisinage, les syndics de copropriété, l’organisation d’un atelier… :

Bien des pratiques collectives relèvent d’une démocratie informelle que l’on pourrait appeler la petite démocratie par opposition à la grande démocratie qui organise la vie politique représentative.

La démocratie des pratiques quotidiennes ouvre des lieux de délibération sur des thématiques très diverses, en tant qu’habitant mais aussi, quand l’univers professionnel n’est pas trop normé, en tant que professionnel. Daniel Mothé imagine la manière dont on passe de cette « petite démocratie » à la grande dans l’espace local, grâce à des

petits groupes qui peuvent régler eux-mêmes certains problèmes collectivement sans avoir recours aux autorités municipales, à la police et aux bailleurs. Ce qui nécessite que les assemblées s’effectuent sur des découpages plus fins que le quartier. Les réunions par entrée d’immeubles semblent une bonne solution car les participants se connaissent ou ont envie de se connaître davantage, et la proximité du lieu de réunion facilite la présence du plus grand nombre.

OUI, il est temps d’organiser la passation DU pouvoir ! Heureusement, c’est déjà en train de se produire silencieusement comme le note Pascale d’Erm à propos d’écologie urbaine dans « Ils l’ont fait et ça marche ».

J’aime aussi cette image de la ville comme un cerveau qui se réinvente et s’adapte de lui-même. Confrontées à des problématiques nouvelles ou à des situations complexes, voire à des dangers, les synapses créent d’elles-mêmes des nouvelles connexions entre les neurones pour trouver des solutions ou des échappatoires. Les villes, confrontées à de nombreux défis, doivent réduire leurs émissions de gaz à effets de serre, trouver des solutions à la raréfaction des ressources fossiles, ou encore favoriser l’intégration sociale et intergénérationnelle. Face à l’urgence de ces enjeux, les habitants sont autant de millions de petits neurones qui tissent de nouveaux liens, et forme une « plasticité synaptique » urbaine qui se traduit par un foisonnement d’initiatives. Ces minorités actives à l’œuvre aujourd’hui forment autant de laboratoires qui peu à peu changent le système de l’intérieur. Cela prend du temps, mais l’évolution de la société dépend d’eux.

 

… mais il devient nécessaire de le rendre visible et explicite aux yeux de tous.

 

 

 

 



[1]In « Mieux contrôler l’exécutif, voilà la liberté des modernes », Le Monde, 17 juin 2011. Lire aussi du même auteur La légitimité démocratique : Impartialité, réflexivité, proximité, Le Seuil, 2008 qui offre des perspectives plus larges que la seule contre-démocratie décrite dans son précédent livre.

[2] Daniel Mothé, « La Grande démocratie et la petite démocratie », Esprit, juin 2006.

Comment intéresser les jeunes à la démocratie ?

« La démocratie n’intéresse plus les jeunes ». L’enquête publiée par Le Monde fin février est inquiétante. Les campagnes pour le vote n’y changeront rien ! C’est la démocratie qui doit changer.

Les jeunes au bord de la révolte ? Dans un article intitulé « Frustrée, la jeunesse rêve d’en découdre » Pascale Kremer rend compte d’une étude originale. C’est en effet l’analyse d’un questionnaire mis en ligne … par France Télévisions et auquel ont répondu 210 000 jeunes. Une mobilisation plutôt inhabituelle qui montre clairement une envie de prendre la parole.

La journaliste la résume en quelques phrases nettes :

Besoin d’expression étouffé. Frustrations de ne pas avoir de place, de n’obtenir aucune reconnaissance sociale, de ne pouvoir devenir des citoyens à part entière, dotés d’un travail et d’un logement. Trajectoires déviées parce que l’emploi trouvé ne correspond pas aux études. Craintes pour l’avenir. Défiance vis-à-vis du politique…

Cécile Van de Velde une des sociologues responsables de l’enquête, précise :

Ce sont des gens informés, qui ne se fichent pas de la politique, qui ont des habitudes participatives liées à l’usage des réseaux sociaux. Mais l’offre politique ne répond pas à leurs attentes. La démocratie ne s’adresse pas à eux.

Les jeunes ne sont pas dans la résignation. Il y a une énergie latente, comme en 1968 », perçoit Cécile Van de Velde. En temps de crise, explique-t-elle, on peut adopter une stratégie d’adaptation au système (loyalty), de départ (exit), ou de révolte (voice). «Loyalty pourrait bien se transformer en voice si rien ne bouge… Il suffit d’une étincelle…

Enfants de soixante-huitards, les jeunes ne croient pas particulièrement à la révolte, il me semble. Pour eux, elle est sans doute plutôt associée à l’insouciance de leurs parents et aux années 60-70. On est très loin de ce temps-là. En 2014, il n’y a pas de rejet du vieux monde. Il y a au contraire une demande énorme de normalité. C’est la société qui ne veut pas des jeunes aujourd’hui, en 1968, c’étaient les jeunes qui ne voulaient pas de la société.

Mais ne peut-on rien imaginer d’autre que la résignation ou la révolte« La démocratie ne s’adresse pas à eux » dit-elle. En écho Camille interviewée par Le Monde constate : « Les politiques ne changent pas notre vie ». La génération arrivée au pouvoir en 1981 prétendait pourtant « changer la vie ». Que faire de « l’énergie latente » dont parle la sociologue ?

Quand il existe une « offre » qui leur est précisément adressée, ils s’en saisissent. Le succès du service civique est assez significatif à cet égard. Pas seulement pour un succédané d’insertion professionnelle pour temps de crise mais bien pour un engagement qui a du sens. Alors qu’on en parle très peu, ils sont maintenant chaque année près de 25 000 à s’y inscrire. François Chérèque, le nouveau président de l’agence du service civique table sur 35 000 jeunes en service civique en 2014.

Quelle offre démocratique pourrait s’adresser aux jeunes, et au-delà à tous ceux qui se détournent du politique ?

Quand on va sur le site du Cidem, l’organisme officiellement en charge de promouvoir la participation à la vie démocratique, on ne peut être qu’atterré. Le document qui est censé donner envie est en fait un manuel d’instruction civique avec des Marianne en couverture et un titre qui se passe de commentaire : « La République, son histoire, ses symboles, ses valeurs » !

www cidem
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Il faut absolument sortir de cette vision d’une République en surplomb, purement conçue sur le registre de la rationalité désincarnée. Sans prétendre proposer ici LA solution, essayons quand même de définir les approches qui peuvent répondre à la culture contemporaine de ceux qui ont 20 à 30 ans. J’en vois quatre, complémentaires les unes des autres : « persopolitique », participative, ludique et médiatique.

Persopolitique, c’est partir des personnes telles qu’elles sont et voir comment elles se relient naturellement pour les amener à élargir, de proche en proche, leur prise en compte des autres dans une logique politique (vie de la cité). C’est l’inverse de l’approche descendante, celle des valeurs républicaines que l’on inculque.

Participative, c’est privilégier le collaboratif, l’échange, qui sont au cœur de la culture de nombreux jeunes, en leur laissant le plus possible l’initiative contrairement à tant de démarche de démocratie participative qui sont trop souvent de nouvelles manières d’enrôler

Ludique, parce que l’esprit de sérieux tue toute spontanéité, crée de la distance entre sachants et profanes alors que je jeu met chacun à égalité, oblige à sortir des postures et des rigidités (on met du jeu dans les rouages), entraîne dans une même aventure (on se prend au jeu)

Médiatique, car la vie est autant celle qu’on vit que celle qu’on voit.

Place à l’imagination ! Sur ce sujet aussi le Laboratoire de la Transition Démocratique va bientôt être force de proposition…

 

Autorité ? et si on se trompait de quête ?

Notre quête légitime d’autorité conduit à rechercher « l’homme providentiel ». Et si on prenait la question autrement ?

 

Reculade, couac, renoncement, enterrement : le report de l’examen du projet de loi sur la famille donne une nouvelle occasion à la presse de se gausser d’un exécutif jugé décidément incapable d’autorité. On sait cependant que la critique inverse est immédiatement faite quand un exécutif « passe en force », est « sourd aux demandes de la rue »,… Mais ici ce qui frappe et qui a priori légitime le point de vue des éditorialistes, c’est que le gouvernement a vraiment vite reculé. La loi sur le mariage homosexuel avait été maintenue alors que les mêmes étaient dans la rue, depuis plus longtemps et beaucoup plus nombreux. On avait donc cette fois-ci plutôt l’impression d’assister à un baroud d’honneur qu’à une pression irrésistible. Le recul du gouvernement semble donc sans réelle logique.

Pourquoi alors ce sentiment de malaise devant le déferlement de critiques puisque je suis, comme chacun, frappé de cette conduite brouillonne de l’action gouvernementale ? Sans doute parce que ce qui ressort de tout ça est moins une demande de conduite efficace de l’action publique qu’une demande de chef que l’on suit. L’éditorial de Thomas Legrand sur France Inter disait à la fois quelque chose de très juste par rapport à la réalité de notre régime politique…. et en même temps de totalement inacceptable si l’on veut une démocratie vivante.

Dans la Vème République il faut que le président dise ce en quoi il croit. Et il y a encore trop de domaine pour lesquels on ne sait pas quelle est la conviction profonde de François Hollande ! Sa volonté de ne pas brusquer la société de ne pas être péremptoire et cassant est mal exprimée et ressemble à de la faiblesse ou du calcul cynique.

Il insiste :

Le sentiment général est, encore une fois, que l’exécutif a raté, dans les grandes largeurs, ce débat de société. Pour une raison principale, toujours la même : manque de clarté dans l’affirmation des convictions ! Le travail de clarification présidentielle tout azimut, débuté avec l’année 2014 n’est donc pas encore totalement achevé !

Quel paradoxe ! On veut être pris en compte dans le cadre d’un débat démocratique où chacun peut s’exprimer et on veut tout autant que le chef parle, pour s’aligner ou contester. Le principe majeur de la démocratie est pourtant ce que les grecs appelaient « l’iségoria », le droit à la parole égale pour tous. Nulle préséance du chef qui dirait sa conviction en préalable à toute discussion. Si c’est ça, la démocratie vire au plébiscite.

On m’objectera (et on l’a déjà fait lorsque j’ai testé mon propos avec celle qui partage ma vie mais pas toujours mes opinions !) : les réformes de société ne sont faites que lorsqu’un exécutif assume son rôle d’éclaireur.  C’est bien parce que Mitterrand le voulait contre l’avis de l’opinion que la peine de mort a été abolie. L’argument porte mais il faut tenter d’aller plus loin.

Opposer la vision du dirigeant politique clairvoyant au conservatisme de la population ne tient que parce qu’on confond l’opinion telle qu’elle s’exprime dans un sondage et l’expression collective des citoyens. Celle-ci n’a de réelle portée que lorsqu’elle est issue d’une délibération collective après un débat contradictoire. Force est de constater que le sondage d’opinion ne correspond pas à ces critères. Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’une technique très utilisée aux Etats-Unis mais très peu en France, celle du sondage délibératif montre qu’il y a un écart notable entre l’opinion mesurée avant la délibération d’un jury tiré au sort et l’opinion mesurée à nouveau à l’issue du débat collectif. Confondre l’opinion avec l’expression politique des citoyens est donc extrêmement dommageable. Cela ne veut pas dire pour autant que le résultat d’une délibération citoyenne serait nécessairement progressiste mais cela veut dire que l’on peut sur des sujets où l’opinion d’un seul, même s’il a été élu, ne garantit pas l’acceptabilité sociale d’une réforme, chercher à construire collectivement ce qu’on appelle légitimement un « choix de société ». Rien n’empêchera le Président de peser dans le débat, d’affirmer clairement l’option qu’il préfère mais il acceptera que le choix final ne lui appartienne pas. Ce qui, soit dit en passant, est normalement déjà le cas puisque c’est le Parlement qui est censé avoir aujourd’hui le dernier mot. (On a d’ailleurs vu un début de rébellion parlementaire chez les socialistes à propos de la loi sur la famille qui me semble pleinement légitime)

Ce débat sur le manque d’autorité de l’exécutif est donc révélateur de notre incapacité à sortir de la monarchie républicaine. Dominique de Montvallon le constatait avec justesse dans une analyse publiée dans Le Monde à propos de la propension des Français à attendre l’homme providentiel pour les sortir d’une situation politique qui leur apparaît bloquée.

L’aspiration à un « vrai » chef, clé de voûte d’un système qui fonctionne mal : on ne saurait mieux décrire en si peu de mots ce qu’est devenue notre Ve République, rongée de l’intérieur par l’illusion sur laquelle elle a été bâtie. Cette illusion, qui est restée très prégnante dans l’imaginaire collectif, est celle de l’homme providentiel.

Il pointe bien l’écart entre la réalité des pouvoirs et notre pratique politique

Dans la « vie réelle », les centres de décision se sont déplacés, complexifiés et multipliés, sous l’effet conjugué des traités européens et de la mondialisation. Un tel contexte aurait dû nous inciter à moderniser nos institutions, renforcer les contre-pouvoirs et rétablir des lieux de débats. Mais nos règles du jeu ne s’y sont pas adaptées, bien au contraire. La personnalisation du pouvoir a renforcé le caractère monarchique du régime.

le président [normal]s’est remis sur le devant de la scène afin de raffermir une autorité dont on n’a eu de cesse de répéter qu’elle lui faisait défaut. Derrière lui, plus aucune tête ne dépasse ; ni au gouvernement ni dans la majorité. […] Point de débat, sauf ceux – si peu structurés – qui sont orchestrés en marge de cette vie politique, sur les réseaux sociaux et/ou dans la rue.

Il concluait d’une manière que je ne peux qu’approuver :

N’aurait-on pas besoin de nouvelles règles du jeu plutôt que de l’illusion d’un « vrai chef » ?

Dominique Rousseau, le constitutionnaliste que je citais récemment, disait aussi en novembre dans Le Monde

Les présidents sont enfermés dans le temps de l’Etat, incapables de saisir le rythme de la société. La « décision » Leonarda – inviter la jeune fille à revenir mais laisser ses parents au Kosovo – en est le parfait exemple : elle est une belle synthèse rationnelle dans la tête de l’Etat, mais un salmigondis dans la tête de la société.

Il voit dans les institutions « un bouclier » qui protège le Président. Et il s’interroge :

Mais un bouclier protège des ennemis. Les citoyens seraient-ils les ennemis dont il faudrait se protéger ? Les institutions doivent être, à l’inverse d’un bouclier, les canaux de communication entre les gouvernants et les gouvernés. Or, aujourd’hui, ces canaux sont bouchés et la société en cherche d’autres pour se faire entendre.

Si l’on veut éviter que la solution ne soit trouvée dans le recours à l’homme providentiel (ou pire au Lepénisme qui en est la version désespérée et désespérante), il faut bien remettre sur le tapis la question des institutions ou plus largement des « règles du jeu démocratique ». Là encore je partage l’avis de Dominique Rousseau :

En France, on bricole : un jour, on modifie la durée du mandat présidentiel, un autre les compétences du Parlement, un autre encore les pouvoirs du Conseil constitutionnel. Résultat : aucune vision d’ensemble. […] La question institutionnelle est considérée comme secondaire ».

Pour lui c’est au contraire une question essentielle :

C’est une question sociale car les institutions sont ce qui fait tenir debout une société. Sans elles, la société ressemblerait aux montres de Salvador Dali !

OUI, il faut revoir les règles du jeu démocratique pour que l’on sorte de l’alternative impossible entre l’impuissance gouvernementale  et l’autorité de l’homme providentiel. Et comme le disait excellemment Etienne Chouard :

Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir

Nous sommes tout un groupe, autour de Patrice Levallois à travailler à la concrétisation de cette idée… à suivre !

 

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