La France catholique et l’évêque de Normandie

La « France catholique touchée au cœur » disent médias et politiques en boucle… Vraiment ??

Les terroristes ont gagné. L’emballement politico-médiatique est total. Plus rien ne semble pouvoir l’arrêter. L’écart n’a jamais été aussi grand entre les faits et leur écho. Qui aurait imaginé que l’assassinat d’un vieux prêtre dans une petite paroisse périurbaine ferait un jour l’objet d’éditions spéciales de tous les journaux télévisés et provoquerait le déplacement immédiat du président de la République et du ministre de l’Intérieur ? « La France catholique est touchée au cœur » disaient en boucle les journaux radio et télé. Le président lui-même reprenait cette expression de « France catholique ». La soif de symbolique pousse à des généralités profondément absurdes. Plus personne ne parle de « France catholique » parmi les chrétiens ! Nous parlons seulement de l’Eglise en France. En France et non « de France », pour bien montrer que l’Eglise ne s’approprie pas les Nations mais qu’elle ne s’y réduit pas non plus. L’Eglise est universelle (c’est d’ailleurs ce que signifie le terme de catholique). La « France catholique » sonne à mes oreilles comme un vieux rappel de ce que fut la chrétienté. Une page d’histoire à jamais vieillie… et dangereuse à faire revivre. Avec ce terme je me sens ramené à une identité que je refuse absolument : franco-catholique. Je suis français et catholique. Le ET est essentiel !! car j’y ajoute beaucoup d’autres ET pour construire mon identité, volontairement multiple. Je suis aussi mari, père, fils, consultant, blogueur,…

Il n’y a pas de France catholique comme il n’y a pas non plus d’évêque de Normandie ! François Hollande, devant les caméras, pour bien montrer toute l’importance qu’il accordait à l’événement, annonçait que dès ce soir il recevrait « l’évêque de Normandie ». On avait bien vu dans ses yeux l’hésitation au moment de dire de quel évêque il s’agissait. Rappelons qu’on est évêque d’un diocèse et que la carte des diocèses correspond à peu près à celle des départements. De plus la coutume veut qu’on désigne l’évêque par le nom de la ville où siège l’évêché et nom par le nom du département et encore moins de la région. On dit l’évêque d’Angoulême et non l’évêque de Charente ou, plus bizarre encore, de Nouvelle Aquitaine ! Une erreur anodine ? Oui, assurément si elle est isolée. Mais on ne peut pas parler en même temps de « France catholique » et d’ « évêque de Normandie ». Parler d’évêque de Normandie c’est montrer en réalité qu’il n’y a pas de France catholique puisque le représentant de la France ne sait pas comment se nomment les évêques ! Cette manière de parler de l’évêque laisse voir que le président n’est pas catholique ni même de culture catholique. C’est pour lui un univers étranger. Alors l’association des termes France et catholique apparait dès lors pour ce qu’elle est : une manipulation symbolique. Le terme sera peut-être jugé outrancier mais comment nommer cet assemblage des symboles ? Les symboles ne sont pas anodins, ils sont au contraire terriblement actifs en ce moment. Il n’est donc pas nécessaire de les manipuler au sens premier du terme. En chimie au lycée, nous étions mis en garde face au risque d’explosion quand on mettait en contact deux substances a priori chacune anodine. Il y a des associations explosives de mots. J’aimerais bien qu’on ne joue pas à l’apprenti chimiste au sommet de l’Etat et dans les journaux télé.

Hélas, parce que les terroristes ont déjà gagné, chaque acte criminel est traité sur le mode de l’hyperbole symbolique. A Nice ne s’est pas attaqué à des promeneurs mais à la fête nationale. En novembre cela avait été « l’esprit français », et en janvier « la liberté d’expression ». On ne pouvait pas simplement dire qu’un vieux prêtre venait être victime d’un crime odieux déguisé en acte terroriste. Je lisais l’autre jour qu’il fallait arrêter de nommer ces assassins pour éviter de leur donner la gloire posthume à laquelle ils aspirent. Je crois qu’il faut aussi que nous cessions de manipuler des symboles en restant dans la vérité absurde et triviale des faits.

Un vieux prêtre de 86 ans s’est fait égorger ce matin alors qu’il disait la messe devant quelques rares fidèles parce que nous sommes tous pris dans une spirale folle qu’il nous faut absolument rompre en revenant à la vérité des faits.

Voilà ce que j’aurais aimé entendre ce midi dans la bouche du président.

 

 

Causer, discuter, converser

La pluie de ce dimanche m’a ramené à la lecture et à l’écriture. En feuilletant mon fidèle dictionnaire étymologique, je me suis amusé à rechercher l’origine de plusieurs mots qui évoquent le fait de se parler ; ce n’est pas sans surprises… et quelques enseignements !

conversationQuoi de plus banal que de se parler ? Et pourtant nous avons éprouvé, avec raison, le besoin de multiplier les mots pour le dire. Chacun sent qu’entre causer, discuter ou converser, on monte en sophistication. On peut causer n’importe où (et de n’importe quoi) mais converser se fera sans doute au salon, sur des sujets plus recherchés (nous avons tous, dans notre imaginaire, l’esprit français des Salons du XVIIIème siècle). Discuter, sans doute en lien avec la proximité phonétique de disputer, semble moins policé que converser et plus polémique que causer qui n’engage pas trop loin dans l’argumentation et la « guerre des mots » de la polémique…

Cette diversité des mots est encore plus nette quand on regarde du côté de l’étymologie (merci Alain Rey !). Le cheminement des mots bouscule la hiérarchie que nous venons d’esquisser. Causer vient du latin juridique que l’on retrouve dans l’expression « plaider sa cause ». Converser – cum versari, se tourner ensemble – évoque plutôt la proximité de la fréquentation d’un lieu ou d’une personne y compris sur le plan amoureux. Quant à discuter, il veut dire à l’origine fracasser (!) puis, en langage ecclésiastique, examiner, enquêter.

Se parler, ce serait ainsi lier l’intime et le public qu’il soit celui du droit, de la religion ou de la politique (parler et Parlement sont évidemment d’origine commune). Se parler suppose donc à la fois de la familiarité et de l’éloquence. Multiplions donc les causeries, les discussions, les conversations comme autant d’antidotes au repli sur soi mutique et aux soliloques populistes. Le vivre ensemble est avant tout un parler ensemble.

 

 

Composition

Un mot pas si banal qu’il en a l’air… juste avant de profiter des trois jours du week-end pascal !

Dans un entretien récent pour la lettre interne d’entreprise, on me demandait mon mot préféré. Spontanément « composition » m’est venu à l’esprit. C’est un mot que j’utilise beaucoup (6 occurrence sur ce blog) même s’il suscite parfois les réserves de mes interlocuteurs : « un peu vieillot », « trop scolaire », « pas évident ». Pourquoi l’utiliser alors ? il n’a pas une étymologie sophistiquée, il n’est pas particulièrement euphonique, et sur le fond, il est assez prosaïque. Tout de même, ce qui sauve ce mot de la banalité c’est le fait qu’il s’utilise dans des registres très différents mais qui ont tous une dimension créative : la composition d’un… compositeur de musique, la composition d’un logement (lorsqu’elle a été faite par un architecte), la composition d’un bouquet de fleur (mais oui c’est un art au moins au Japon avec l’ikebana), même la modeste composition française de mon enfance qui m’a amené sur les chemins de l’écriture,…
Full title: A Still Life of Flowers in a Wan-Li Vase Artist: Ambrosius Bosschaert the Elder Date made: 1609-10 Source: http://www.nationalgalleryimages.co.uk/ Contact: picture.library@nationalgallery.co.uk Copyright (C) The National Gallery, London
Full title: A Still Life of Flowers in a Wan-Li Vase
Artist: Ambrosius Bosschaert the Elder
Date made: 1609-10
Source: http://www.nationalgalleryimages.co.uk/
Contact: picture.library@nationalgallery.co.uk
Copyright (C) The National Gallery, London

Mais si j’utilise le mot composition aujourd’hui c’est pour l’art politique que cela évoque dans l’expression « composition d’un monde commun », popularisée par Bruno Latour.

La politique n’est pas une science, ne pourra jamais l’être, quelque nom qu’on lui donne et à quelque science que l’on se voue. C’est un art […]. Le monde commun est à composer, tout est là. Il n’est pas déjà là enfoui dans une nature, dans un universel, dissimulé sous les voiles chiffonnés des idéologies et des croyances et qu’il suffirait d’écarter pour que l’accord se fasse. Il est à faire, il est à créer, il est à instaurer.

en illustration une « vie immobile » selon l’expression utilisée par les Flamands au lieu de notre terme si inapproprié de « nature morte »; un véritable art de la composition sous l’apparence si lisse de ce bouquet : on trouve dans cette toile des coquillages, un papillon, un bourdon, une mouche et … une chenille !

 

persopolitique.fr
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.