Borloo, … enfin !

J’ai lu immédiatement l’interview de Jean-Louis Borloo, dès sa parution sur le site du Monde. J’étais tellement impatient de voir ce qu’il allait proposer. Au fur et à mesure que je la lisais, je sentais que je m’électrisais, je piaffais ! Enfin, on y était ! Pas de rafistolage mais du neuf, inspiré directement par des acteurs de terrain. Je craignais un peu qu’il nous refasse le coup de l’ANRU, son bébé, mais il sait bien que le problème est plus grave que la seule « rénovation urbaine ». Ce qu’il propose c’est une rénovation sociale, je dirais même une « rénovation nationale ». C’est notre rapport à l’autre qu’il veut travailler, à ceux que nous voyons comme des tout-Autres alors qu’ils sont nos semblables. Comme le disait avec sa feinte ingénuité Pascale Puechavy dans la lettre des Ateliers de la citoyenneté lors de la crise de 2005 (à relire ici et ici) en parlant des banlieues : « les enfants n’y jouent-ils pas aussi ? les adolescents n’y tombent-ils pas amoureux ? les parents n’y aiment-ils pas leurs enfants ? les adultes n’y vieillissent-ils pas ? Sont-ils si autres, ces autres-là ? »

Ce matin, hélas, je voyais les commentaires sous l’article détaillant les différents programmes : « bisounours », « rupture de l’égalité républicaine », « la question c’est la délinquance armée des bandes », « et nos villes de campagne qui se meurent ?! »… et je vous passe naturellement les « simples » expressions du racisme et du nationalisme ordinaires.

Alors il faut réagir et permettre au plan Borloo » ou plutôt à la « mobilisation nationale » de se déployer avec tous les moyens de l’Etat et surtout, surtout, l’énergie de tous les citoyens de bonne volonté, dans les entreprises, les associations, les collectivités,…  

Je serais heureux que ceux qui ont des idées pour participer à cette mobilisation nationale me fassent signe, il faut aller vite pour qu’on ne parle pas demain du « rapport Borloo » mais du « déclic » Borloo.

Je suis Lula !

Je vous invite à lire le discours puissant et simple de Lula avant qu’il choisisse librement de se laisser incarcérer. Dommage qu’il n’ait pas été plus repris. Merci au réseau Convivialiste de l’avoir traduit et diffusé.

 

J’ai rêvé qu’il était possible de gouverner en intégrant dans la nation des millions de pauvres, qu’un simple métallo sans diplôme pouvait faire accéder les Noirs à l’université. J’ai commis un crime : faire entrer les pauvres à l’université – ces pauvres qui mangeraient de la viande et qui pourraient prendre l’avion. C’est de ce crime que je suis accusé. J’ai rêvé, puisque tel est mon crime, de pouvoir poursuivre ma carrière de criminel. Je vais donc me présenter au commissariat la tête haute et l’Histoire démontrera que les véritables criminels, ce sont mes accusateurs. Je ne leur pardonne pas d’avoir diffusé dans la société et dans le monde l’idée que je suis un voleur. Je ne suis pas au-dessus des lois, car si je pensais l’être, je n’aurais pas créé un parti politique pour aller aux urnes, j’aurais préconisé la révolution.

Le juge a reconnu qu’il n’a aucune preuve, mais qu’il a des convictions. Qu’il garde donc ses convictions pour ses complices. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que plus ils m’attaquent, plus se renforce ma relation avec le peuple brésilien.

Ce putsch n’a pas pris fin avec la destitution de Dilma Roussef. Il ne sera achevé que lorsque ses promoteurs seront parvenus à interdire ma candidature. Leur rêve, c’est de voir Lula en prison. Ma photo comme prisonnier leur provoquera un orgasme à répétition. Vous allez tous voir Lula se diriger vers la prison. C’est n’est pas un être humain qui fait ce chemin vers la prison, mais une idée. Vous tous, vous vous appelez désormais Lula. Ils me suggèrent d’aller à l’ambassade de Bolivie ou d’Uruguay, mais cela n’est plus de mon âge. Je vais les affronter les yeux dans les yeux. De cette épreuve, je sortirai plus fort, meilleur, plus authentique. Je ne saurai jamais comment vous rendre l’affection et le respect que vous me manifestez tous.

Les puissants peuvent toujours couper une, dix, cent roses, mais ils ne pourront jamais empêcher l’arrivée du printemps. Il ne pourront pas dire que je suis caché, ou en fuite. Ils ne me font pas peur. Qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Je prouverai mon innocence.

Lula aurait pu choisir d’attiser la colère de ses partisans et déclencher des violences révolutionnaires; il aurait pu choisir de s’exiler et attendre qu’on lui rende justice. Il accepte l’épreuve et le jugement de l’histoire. J’admire sans réserve ! …et j’aimerais tant que partout dans le monde des millions de personnes disent « je suis Lula ». Parce que Lula n’est plus simplement « un être humain qui fait ce chemin vers la prison, mais une idée« . Nous devrions tous être Lula, être cette idée de la démocratie, au-delà de nos opinions politiques.

Beltrame, héros ou saint ?

J’espère que mon papier sera compris. Il me semble important par la distinction qu’il opère et par l’appel qui le conclut.

Comme chacun sans doute, l’hommage rendu au lieutenant-colonel Beltrame m’a ému. Je garderai en tête cette image du cortège semblant flotter sur l’eau, corbillard et motos se reflétant dans le miroir parfait de la chaussée détrempée par une pluie tenace.

Pourtant le malaise qui m’accompagne depuis le début de l’héroïsation du geste de ce gendarme ne m’a pas quitté. Oui cet homme est admirable. Son geste comme le disait Comte-Sponville dans Le Monde est plus encore que courageux, il est la générosité même puisque c’est une vie donnée pour sauver une vie. Ni le geste, ni l’homme qui l’a accompli ne sont en cause dans mon malaise. Mon admiration est totale. Alors quoi ? Pourquoi je ne vibre pas à l’unisson de tous ceux qui célèbrent un « héros français » ? Je ne suis pas antimilitariste comme cet homme qui s’est réjoui de la mort du gendarme. Je ne suis pas gêné que cet homme ait pu agir au nom de sa foi puisque je la partage. Je suis heureux qu’un Français montre des qualités humaines dont on puisse être fier. Mais je ne pense pas pour autant qu’il faille en faire un héros national. C’est pour moi plus un saint qu’un héros. Un saint, c’est celui qui suit l’exemple donné par le Christ en aimant jusqu’au don de sa vie. Pour moi Beltrame n’a pas fait un acte nécessaire à l’ordre public, il a fait preuve d’un exceptionnel altruisme ; il a agi moins en gendarme (tout le monde a reconnu que son acte n’était pas nécessité par sa fonction) qu’en homme et en chrétien solidaire d’une personne qu’il a voulu sauver. Un héros, c’est autre chose pour moi, c’est quelqu’un qui s’inscrit dans la construction d’un projet collectif, national ou non, quelqu’un qui participe d’une œuvre commune.

Je crains que cette héroïsation soit dictée par deux mauvaises raisons et qu’elle risque de renforcer nos fractures en ne solidarisant qu’une partie de la population de notre pays. Pour moi, on a trop appuyé sur le fait qu’il était soldat, français et chrétien comme si on retrouvait enfin le socle national alliant Eglise et Armée dans la même défense d’une identité française menacée. Cette vision obsidionale de la France m’attriste. La France, je l’aime, ouverte, diverse et impertinente. Cette insistance à dire qu’il est bien Français laisse entendre en contrepoint (mais bien sûr sans le dire ouvertement) qu’être blanc, catholique et défenseur de l’ordre public, c’est la France de référence, celle dont on doit être fier (exclusivement ?). 

L’autre élément de cette héroïsation c’est cette « guerre au terrorisme » dont j’ai déjà eu ici l’occasion de me distancier. J’ai relu 3 malaises face à la guerre, je le signe encore aujourd’hui. Faire du lieutenant-colonel Beltrame un héros renforce encore cette idée que nous sommes en guerre et que son geste est un fait d’arme dans un combat guerrier. Qui peut croire sérieusement que ce jeune délinquant abruti était un combattant ? Encore une fois nous créons nous-mêmes nos ennemis en leur donnant autant d’importance. Ils n’existent que par l’écho médiatique qu’ils suscitent. La réalité de leur action concrète relève du fait divers sordide. Ce sont des criminels plus que des terroristes. Il faut évidemment protéger au mieux la population, repérer en amont ceux qui risquent de passer à l’acte mais pas au prix de notre liberté, de notre dignité.

Si donc je pense que Beltrame est plus un saint qu’un héros, qui peuvent être aujourd’hui nos héros ? … car je crois aussi que nous avons besoin de figures qui orientent notre projet national et donnent envie d’y participer. Beltrame, en tant que « saint », nous aide à discerner quelle valeur nous donnons à la vie, et c’est essentiel ; mais qui peut nous aider, par son exemple, à construire une Nation dont nous soyons fiers et surtout que nous aurions envie de contribuer à construire ? (Car une Nation, ce n’est pas seulement un passé qu’on admire et qu’on protège, c’est un futur qu’on prépare par ses propres engagements).

J’aimerais que nous prenions tous la plume pour dire nos « héros d’aujourd’hui », ceux qui nous inspirent et nous font avancer. Allez, je me lance ! Je sais qu’il va trouver le qualificatif lourd à porter mais tant pis, pour moi, Jean-Pierre Worms est un « héros d’aujourd’hui ». Par son combat au service de la justice à l’égard des plus pauvres, des oubliés, par sa capacité à prendre des initiatives qui marquent (France Initiative pour le développement local, le collectif Pouvoir d’agir pour la reconnaissance de l’empowerment,…), par sa capacité à mener ensemble 3 vies, celle de chercheur, d’homme politique et de responsable associatif, par ses qualités humaines de disponibilité, d’enthousiasme, d’entraînement et de modestie. Je pourrais continuer mais je ne fais pas un éloge funèbre ; Jean-Pierre est heureusement bien vivant, étonnant jeune homme qui a dépassé 80 ans !

Et si nous faisions collectivement cet exercice d’admiration ? Une page Facebook des « héros d’aujourd’hui » ? Si vous êtes prêts à l’alimenter, chers lecteurs, je suis prêt à la créer. Chiche ? Christine tu te lances ? 

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