Omicron : une porte de sortie à ne pas manquer !

Omicron est sans doute une chance, ne la gâchons pas !

Delta puis Omicron. Et le sentiment d’un jour sans fin qui s’éternise. Nous sommes désormais tous touchés de près par le Covid-19 qui était longtemps resté pour beaucoup une menace diffuse, plus présente dans les esprits que dans la vie réelle. De mon côté c’est ma fille aînée qui l’a attrapé (maux de tête et vomissements intenses). Des proches avaient été frappés parfois très durement dans leur famille mais sans que nous ne connaissions directement les victimes. Le Covid était une puissance meurtrière qui rôdait, frappait parfois sévèrement mais restait à distance. L’impression est désormais inverse : le Covid (il a perdu entretemps son 19, qui le circonscrivait dans le temps) est partout mais il se banalise. Combien de projets de famille ont été affectés pour les fêtes par l’absence de tel ou telle infectée par le virus ? Affection, infection : jamais ces mots si proches et pourtant si éloignés n’auront été autant associés qu’à l’occasion de ces fêtes habituellement marquées par les retrouvailles. Les liens d’affection ont un temps été dénoués par l’infection.

Alpha, Delta, Omicron, il me semble que nous avons parcouru toute la gamme des attitudes : la stupeur et l’effroi, la vigilance et le combat, l’exaspération et la lassitude. Nous avons éprouvé très concrètement le sens de la durée alors que l’éphémère est devenu notre quotidien. Nous avions l’habitude qu’une actualité chasse l’autre, mais le Covid est resté accroché à la Une de nos journaux ce que n’arrivent pas à faire ni la misère ni le réchauffement climatique ces deux fléaux tout autant durables. Continuer la lecture de « Omicron : une porte de sortie à ne pas manquer ! »

Croissance, expansion, prospérité

J’avais depuis quelques temps envie d’écrire sur expansion et croissance. Bruno Latour, dans son dernier entretien au Monde m’a donné le troisième élément du triptyque avec prospérité. Trois manières de parler du développement. Trois époques.

Pendant les Trente Glorieuses, on parlait d’expansion. Le magazine économique de référence créé en 1967 par Servan-Schreiber et Boissonnat s’appelait « L’Expansion » avec un E majuscule, il y avait des Comités d’Expansion dans chaque département pour contribuer au développement local. Le polystyrène « expansé » envahissait les emballages de nos cadeaux ! Le mot fait désormais désuet sauf peut-être pour les nostalgiques des années 60 (ils semblent se multiplier ces derniers temps !). Il est surtout beaucoup trop explicite. Le terme d’expansion a en effet été largement utilisé pour parler des conquêtes territoriales (expansion coloniale). Pas facile dans d’être un zélateur de l’expansion quand on voit assez crûment qu’elle se produit aux dépends des autres. On comprend qu’on ait progressivement préféré ne plus l’employer. Je n’ai pas réussi à trouver de travaux de sémiologie sur les circonstances qui ont conduit à privilégier le terme de croissance. Pour moi, ce serait dans les années 70, au moment où le développement commençait à faire l’objet de critiques (cf. le fameux rapport du Club de Rome) et où l’on essayait en même temps de le maintenir à tout prix pour sortir des crises qui se succédaient depuis celle du pétrole en 73. L’expansion était trop guerrière, trop sûre d’elle pour convenir à une époque où le développement sans limite semblait à la fois hors de portée et contestable. Et si le mot croissance, plus directement lié au fonctionnement de la nature, avait supplanté l’usage du mot expansion justement pour son caractère innocent, incontestable ? Il n’est pas très naturel de s’opposer à la croissance, les promoteurs de la décroissance en savent quelque chose ! En réalité on a gardé la logique expansionniste sans le mot et on a adopté le mot croissance sans retenir sa limitation propre au vivant. Une forme d’entourloupe sémantique qui a sans doute contribué à maintenir un modèle économique au-delà des alertes qui se multipliaient. Les mots, nous le savons tous, ne sont pas innocents.

Bruno Latour, dans l’entretien qu’il vient d’accorder au Monde propose celui de prospérité même s’il se permet de défendre la croissance.

« Croître », mais c’est un mot magnifique, c’est le terme même de tout ce qui est engendré, c’est le sens de la vie même ! Rien ne me fera associer « décroissance » avec un quelconque progrès dans la qualité de vie. Je comprends ce que veulent dire tous ces gens formidables qui s’emparent du terme, mais je crois que viser la « prospérité » est quand même préférable. Or prospérer, c’est justement ce que l’obsession pour la production destructrice rend impossible pour la plupart des gens.

Prospérer est en effet un beau mot, un peu oublié, mais qu’on pourrait remettre en avant. Son étymologie (pro et esperare) est assez claire : la prospérité est ce qui répond aux espérances. La prospérité a un rapport subtil avec le bonheur. La richesse qu’elle évoque n’est en rien ostentatoire, elle est avant tout un art de vivre. Pas besoin d’accumuler pour être prospère. On peut viser la prospérité tout en sortant de la course à la croissance économique qui nous condamne à une frénésie consommatrice épuisante tout autant pour les ressources naturelles que pour nous-mêmes.

Simple ? Non, pluriple !

La simplification outrancière de la parole médiatique devient insupportable. Le monde est en péril climatique immédiat et on focalise le débat présidentiel sur l’identité ; les écologistes essaient de parler de la transition, on les enferme dans la querelle du nucléaire ; l’Eglise doit faire face à une remise en question majeure, on se préoccupe du secret de la confession. A chaque fois, on a envie de hurler « ce n’est pas le problème ». Pour prendre un peu de recul, je me suis replongé dans une réflexion déjà amorcée autour du mot « simple », un mot moins innocent qu’il en a l’air !

On a l’habitude d’opposer simple et complexe mais l’étymologie nous fait comprendre que ce n’est pas si simple ! Le ple à la fin de simple à la même signification que le plexe de complexe. Il s’agit du pli. Complexe, c’est littéralement avec des plis et son opposé littéral est donc sans pli, lisse. Or simple signifie avec un pli, la variante la plus basique du complexe mais pas son opposé. L’opposé de simple serait donc plus logiquement multiple avec beaucoup de plis. Mais dans multiple, il faut reconnaître qu’on n’entend pas le pli final. Multiplexe serait plus juste mais les salles de cinéma multiplex ont définitivement décrédibilisé le mot ! Il n’y a pas beaucoup de plis et de replis dans la programmation d’un multiplex où le cinéma est avant tout une industrie de la distraction uniformisée.

Et si, pour s’opposer au simple nous inventions le pluriple ? avec plusieurs plis ! Nous voilà donc doté d’un mot nouveau, où l’oreille détecte bien le -ple final avec l’allitération en pl. Pas très euphonique ce pluriple mais il consonne avec périple et évoque par cette proximité une forme nouvelle de navigation. Va donc pour pluriple !

Mais pourquoi vouloir un mot qui s’oppose à simple ? Pour en revenir aux plis de manière apparente ! Il faut comprendre à la fois que le simple n’est pas sans pli et que la réalité n’a pas un pli unique mais une pluralité de plis. Il est important d’en prendre conscience au moment où beaucoup de leaders d’opinion voudraient nous ramener à des « idées simples », avec le pli bien marqué entre le bien et le mal, selon le locuteur. Pour nos trois exaspérations initiales, cela donne : patriotes/mondialistes ; pro-nucléaires réalistes/anti-nucléaires sectaires ; laïcs transparents/religieux dissimulateurs. Mais la réalité ne se laisse pas plier aussi facilement. Un pli souvent en recouvre un autre et alors on se met à déplier pour mieux voir l’étendue de la réalité. Les sciences humaines ont pris l’habitude de « déplier » des notions pour en découvrir les multiples significations qui, sans ce déploiement, finissent par se recouvrir et se confondre.

Le mot pluriple aiderait à se rappeler qu’une réalité n’est pas seulement plurielle, composite et chamarrée. Elle est aussi pliée et repliée, avec des replis qui ne sont pas immédiatement apparents mais n’en sont pas moins importants. Pluriple, en mettant l’accent sur les plis invite à l’exploration. Le monde n’est pas « déjà composé » (comme la toile d’un artiste), il est toujours « à composer » (comme un origami) en dépliant ici, en repliant là, quitte à accepter quelques faux-plis !

Dire « ce n’est pas si simple », c’est dénoncer le pli idéologique  infligé à la réalité et s’autoriser à rouvrir le questionnement, que ce soit pour le débat présidentiel qui ne peut évidemment se résumer à la question identitaire, pour les choix énergétiques qui supposent l’intégration du temps long, ou pour l’avenir de l’église catholique qui exige, bien davantage que la transparence, un autre rapport à l’autorité… Allez, si on pariait sur l’intelligence pluriple plutôt que sur la bêtise simple ?!

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