Laurent Delahousse et les vrais gens

Les médias, pour amorcer la campagne présidentielle, cherchent à donner la parole à des « vrais gens » selon l’expression qu’ils utilisent si souvent sans qu’on sache qui sont, a contrario, les faux gens. Le souci d’authenticité est louable. Le Monde a ainsi entamé une plongée dans la France profonde en ouvrant une série de blogs sur la durée de la campagne qui raconte la vie « dans huit coins de France », de Dunkerque à Sucy-en-Brie. C’est plutôt bien vu. Mais dans certains cas, ça dérape, comme dimanche dernier sur France 2. Laurent Delahousse n’est pourtant pas le journaliste le plus racoleur  et son magazine de fin de journal aide parfois à réfléchir. L’idée était donc d’aller donner la parole aux Français pour connaître leurs préoccupations avant le rendez-vous présidentiel. Déjà la chronique était faussement créative : on allait ainsi successivement à l’Elysée, à Matignon puis à Solférino mais l’Elysée était un camping sur la Côte d’azur, Matignon la ville d’où est originaire la famille qui a donné son nom à l’hôtel particulier qui sert de résidence au premier ministre… et Solférino un village landais. Ouf ! C’était gentillet mais pas très grave.

Le problème tient aux propos que la journaliste a cru bon de retenir pour synthétiser le point de vue des Français. Le jeune de l’Elysée affirmait ne rien connaître à la politique en se déhanchant sur un air de techno, la commerçante de Matignon prenait à témoin clients et spectateurs sur la nécessité de remettre tout le monde au travail en baissant les charges, le maire de Solférino vantait sa vidéosurveillance car « même à la campagne, la délinquance se développe ». Dépolitisation, poujadisme et insécurité, voilà comment était décrite la France de 2011. La boucle est bouclée : les Français sont bien comme on vous les montre à longueur de journaux. CQFD. Ça justifiera donc les prochains reportages sur la fraude aux prestations sociales ou sur le développement de l’incivilité… puisque c’est la réalité vécue par les Français et qu’ils le disent lorsqu’on leur tend les micros !!

Pourquoi s’énerver ? Ce comportement éditorial n’est pas nouveau. Simplement, il m’est apparu insupportable parce qu’il était particulièrement caricatural à un moment où on nous annonçait une prise de recul sur l’actualité ordinaire. Et puis aussi sans doute parce que je venais de passer mon été à tenter d’écrire exactement le contraire : les Français ne sont pas leur caricature. Bien sûr, ils râlent, ils sont individualistes, mais ils sont EN MEME TEMPS empathiques, ils sont EN MEME TEMPS inventifs de nouvelles formes de socialité. Les réduire à un seul aspect de leur réalité, c’est dénaturer les faits. C’est affreusement grave car ça tue l’espoir de changer le monde. Si les gens sont comme ça, alors effectivement, il n’y a rien à faire. Imaginer construire un monde commun devient une chimère. Les lecteurs de ce blog le savent, je suis convaincu que la démocratie ne peut se renouveler que si les citoyens reprennent la main. Si les citoyens sont comme France 2  vient de les décrire, c’est mort. La démocratie va continuer à se transformer insidieusement en oligarchie, sans réaction jusqu’aux catastrophes sociales et environnementales alors inévitables.

Même ceux qui ne sont pas convaincus de la capacité d’initiative citoyenne des hommes et des femmes d’aujourd’hui devraient faire  le pari de Pascal : nous avons tout à gagner à « croire » que les citoyens sont aptes à prendre leur destin en mains… et rien à y perdre.

Peut-on suggérer à France 2 une chronique de campagne pour nourrir le débat ? Partez à la recherche des citoyens qui inventent le monde de demain… Ils sont beaucoup plus nombreux, divers et intéressants que vos poujadistes et vos sécuritaires ! Lorsque vous ferez le bilan de vos découvertes, vous constaterez peut-être qu’en faisant des liens entre leurs initiatives, en les démultipliant par des soutiens publics limités… on peut inventer des politiques réellement nouvelles, plus économes des deniers publics, davantage créatrices de lien social et de richesse. Peut-être… Allez Monsieur Delahousse, faites le pari de Pascal !

Parenthèse

J’ai enfin décidé de me mettre résolument à l’écriture de mon livre qui est en attente depuis 4 ans. Il faut évidemment tout reprendre. En fait j’ai décidé avec l’éditeur Yves Michel d’en proposer deux, l’un sur le Tirage au sort (lui aussi reconnait que le sujet est aujourd’hui plu porteur), l’autre sur la Citoyenneté entreprenante. Lors de nos discussions sous les arbres du Parc de la Tête d’Or à l’occasion des Dialogues en Humanité, nous avons proposé à Jean-Pierre Worms de s’impliquer dans le projet… et celui-ci, présent aussi aux Dialogues, a accepté d’être de l’aventure.

Je vais donc mettre ce blog entre parenthèses le temps de restructurer mes écrits. Je reviens en septembre. Bon été.

Ecole et société civile : les écoles fenêtre des Pays-Bas

La question de l’éducation concluait mon précédent article, une éducation au « pouvoir de faire ». Cette question de l’éducation est depuis les origines des Ateliers de la Citoyenneté au cœur de ma réflexion. Guy Emerard, l’ancien directeur de la formation professionnelle du Conseil Régional, y est pour beaucoup. C’est lui qui nous a mis sur la voie de l’apprentissage mutuel, c’est lui qui a transposé l’idée canadienne de Cité éducatrice. Lors de la rencontre sur la gouvernance à SoL le 16 mai dernier, notre groupe a travaillé sur « éducation et société civile » et c’était très stimulant. Il y aura bientôt une synthèse accessible. On peut lire avec profit dans la veine de ce qu’écrivait Illich, la présentation du concept d’ « école de la société civile » dans le livre de Michel Laloux « La démocratie évolutive ».

Plus prosaïquement, mais déjà avec plusieurs ingrédients qui changent la nature de l’école, voici la pratique néerlandaise des « Écoles fenêtres ». C’est en naviguant sur le site de Territoires, la revue de l’ADELS, que je suis tombé sur ce texte de Jean-Yves Boulin (que je connaissais pour ses travaux sur le « temps des villes »). En voici pour moi le point-clé, l’inter-action entre éducation et vie sociale : « En rassemblant sous le même toit et en tissant des partenariats entre organisations dédiées à l’éducation, à la culture et aux soins, destinées non seulement aux enfants mais aussi aux parents et habitants du quartier, les vensterscholen initient une démarche d’intégration puissante entre éducation et vie sociale ».

Nous réfléchissons au lancement d’un groupe de travail sur la manière dont la société civile pourrait « investir » l’école dans la suite de ce que nous avons amorcé le 16 mai avec SoL. A suivre donc.

 

persopolitique.fr
Résumé de la politique de confidentialité

Ce site utilise des cookies afin que nous puissions vous fournir la meilleure expérience utilisateur possible. Les informations sur les cookies sont stockées dans votre navigateur et remplissent des fonctions telles que vous reconnaître lorsque vous revenez sur notre site Web et aider notre équipe à comprendre les sections du site que vous trouvez les plus intéressantes et utiles.