Et s’il y avait une autre abstention, pernicieuse parce que non dite ?

Une abstention peut en cacher une autre ! Si nous voulons éviter de vivre dans une démocratie censitaire de fait, où seuls votent les plus riches (et les plus vieux, ça va ensemble), faisons preuve de lucidité…

Ah, on en a eu des explications sur l’abstention historique de ces deux tours de scrutin ! Sauf une, celle qui me parait pourtant la plus évidente : les médias audiovisuels n’ont tout simplement pas parlé de ces élections. Ils n’en ont strictement rien dit. Avez-vous entendu le moindre débat sur les choix de développement économique d’une région de gauche et d’une région de droite ? Ou sur leurs choix en matière de transports express régionaux (les TER) ? A moins que votre attention n’ait été focalisée sur les trop nombreux débats sur les politiques sociales des départements ! Il faut dire qu’après la crise du Covid, il était normal qu’on s’intéresse aussi fortement aux différentes solutions que proposent les départements pour les alternatives au placement en Ehpad des personnes âgées vulnérables. Il y avait là une vraie actualité à laquelle on ne pouvait pas échapper. Un sujet qui intéresse les gens, en plus : qui n’a pas dans son entourage immédiat une ou plusieurs personnes pour qui la question se pose ? Ces débats n’ont pas eu lieu ? On n’y a pas pensé ? c’est ballot ! Allez, assez de sarcasmes, mais cette incapacité des médias à nourrir le débat public est plus que problématique.

Pourquoi vouloir que les citoyens se déplacent pour des élections que les médias eux-mêmes considèrent insignifiantes ? Puisque les médias sont si sensibles aux risques de l’abstention pour la démocratie, la seule justification possible de leur silence complet sur les enjeux du scrutin ne peut en effet être que l’insignifiance du scrutin et en conséquence l’inutilité d’informer les citoyens. Ou alors serait-il possible qu’ils estiment à la fois que l’abstention met la démocratie en danger et qu’il faut aller voter sans rien savoir des enjeux locaux à départager par son vote ? Les médias audiovisuels ne sont-ils pas en train de nous dire : votez, mais votez sans débat, votez en ne vous souciant que des derniers résultats des sondages ?  Ne ressentez-vous pas comme une injonction paradoxale ? Sommes-nous à ce point accoutumés à ce qu’on ne prononce même pas le nom de l’élection à laquelle on est appelé (combien de journalistes ont pris la peine de dire « élections régionales et départementales » ? trop long, inutile. Les électeurs verront bien sur place qu’ils ont droit à deux élections pour le prix d’une ; inutile de les prévenir…). Si ces élections ont si peu d’importance qu’on n’éprouve pas le besoin d’en parler, pourquoi aller voter ? Même les politiques ne prennent même plus la peine de laisser croire à l’existence pour eux d’un enjeu local. Ils font exactement la même campagne que s’il s’agissait de l’élection suivante, la présidentielle. On ne parle que d’insécurité même dans le camp dit de la « droite républicaine », sans rapport aucun avec les compétences régionales ou départementales (ah, si l’opportune police des trains !). L’Etat lui-même fait le service strictement minimum en termes de campagnes d’information sur les enjeux du scrutin.

En réalité nous nous contentons fort bien d’une élection sans électeurs. Tous les sortants sont réélus. Le socialiste d’Aquitaine (ancienne et Nouvelle) aura à la fin de son mandat 30 ans de présidence sans discontinuer. Quel besoin a-t-on d’un grand nombre d’électeurs, tout cela tourne avec quelques vieux, attachés de façon pavlovienne au rituel électoral. Ce sont les vieux riches qui votent encore. Les jeunes et les pauvres ont déserté, presque totalement. En réalité nous avons rétabli le suffrage censitaire pratiqué jusqu’à la révolution de 1848. Le suffrage censitaire volontaire, et non imposé comme sous la Restauration ou la monarchie de Juillet. Quel progrès !

On comprend bien que ce suffrage censitaire n’incommode pas tant que ça ceux qui font l’opinion quand on voit l’indigence des remèdes qu’ils proposent : un peu plus de vote électronique, un vote étalé dans le temps, une simplification des procurations, … La liste des bonnes idées est longue ! Mais bien sûr rien sur la transformation de nos pratiques démocratiques, de notre expérience démocratique ! Rien sur la manière de réactiver le dialogue et le discernement politique, rien sur la manière d’accueillir l’initiative citoyenne au cœur de l’action publique, rien sur les pratiques alternatives au vote comme le tirage au sort… Quand on parle de « fatigue démocratique », on suppose toujours que ce sont les citoyens qui sont fatigués et qu’il faut les réveiller (en les engueulant le cas échéant comme Marine Le Pen l’a fait, avec le succès qu’on a vu dimanche). Et si c’était la démocratie elle-même qui était fatiguée, usée comme un vieux pouf effondré parce qu’on s’est assis dessus un peu trop lourdement ? Vous le visualisez, le pouf démocratique aux ressorts si fatigués que chacun s’en détourne et va s’asseoir ailleurs ? J’aimerais bien que nous ayons collectivement envie d’autre chose que d’un pouf regonflé ! j’aimerais bien que la question démocratique soit traitée avec toute l’attention et toute la créativité qu’elle mérite.

L’abstention électorale a été vertueusement dénoncée dans touts les débats, chez tous les éditorialistes mais on s’est bien gardé de dénoncer avec les mêmes trémolos une abstention tout aussi grave pour la vie démocratique : l’abstention des médias audiovisuels à organiser le débat.

PS / Et si, avant toute réforme de fond de nos pratiques démocratiques, nous commencions déjà par dé-nationaliser les élections territoriales ? Par exemple en regroupant toutes les élections locales, municipales départementales et régionales (en misant sur l’intérêt des citoyens pour l’élection municipale), et surtout en votant à des dates différentes selon les régions (en Allemagne les élections dans les Länder ne sont pas simultanées) ?

Mycélium n°2

Même si souvent les textes de Persopolitique « s’inspirent de faits réels », il est rare que je relate en détail une expérience personnelle. Si je le fais aujourd’hui, c’est que cette expérience est pour moi très symptomatique d’un autre rapport au politique possible… et souhaitable !

Olivier Frérot ne m’avait donné que quelques bribes d’explication. Même s’il ne l’avait pas dit exactement comme ça, ça ressemblait un peu à l’appel des disciples par le Christ dans l’Evangile : « Viens, laisse tes affaires en plan et suis-moi » ! C’était à la fois flatteur et inquiétant d’être ainsi « élu ». Et puis il y avait ce nom énigmatique de Mycélium[1]… Dans quoi je m’embarquais ?!

J’avais failli renoncer à venir quand Olivier m’avait informé que les personnes que je connaissais au moins de nom avaient finalement déclaré forfait. La curiosité et le souhait de ne pas ajouter à la déception d’Olivier m’ont conduit jusqu’à cette maison de l’Yonne où nous accueillait ce « jardinier punk » et j’y ai passé quatre jours décoiffants.

J’ai su que j’allais vivre un événement marquant quand je me suis aperçu de la facilité avec laquelle j’avais mémorisé les prénoms des 10 personnes avec qui je m’étais embarqué pour l’aventure sans savoir réellement ce que j’allais faire.

Si vous m’avez lu jusque-là, vous devez commencer à vous demander si je vais enfin dire ce que j’ai vécu de si extraordinaire pour mobiliser un billet de blog d’habitude plus politique que perso même s’il est toujours persopolitique ! Continuer la lecture de « Mycélium n°2 »

Mélenchon, la gifle et notre rapport au pouvoir

Beaucoup voient dans les incidents politiques des derniers jours les signes du nécessaire réarmement moral de la République, j’y vois plutôt notre incapacité à regarder les métamorphoses que nous devons affronter. Tentative de pensée à contre-courant.

J’avais eu envie de réagir à chaud à la manière dont tous les médias et tous les politiques presque sans exception ont réagi aux propos de Mélenchon anticipant le déroulement « déjà écrit » de la campagne électorale de 2022. Et puis je n’ai pas voulu apparaître comme un « défenseur de complotiste » et j’y ai renoncé. Et voilà cette semaine le feuilleton politique centré sur la gifle reçue par le président de la République. Rassurez-vous, je n’ai aucune envie de prendre la défense de l’énergumène (c’est le mot qui me vient) qui a agressé le président ! Et pourtant j’éprouve le même malaise devant l’unanimité médiatique et judiciaire à condamner sans délai le coupable que j’avais eu quelques jours avant devant l’unanimisme anti-Mélenchon. Suis-je donc en train de virer « anti-système » sans même m’en rendre compte ? Ou plus simplement céderais-je à mon goût indéniable du contre-pied ? A vous de juger et de me dire.

Mélenchon d’abord. Je l’écoutais sur France Inter, on était presque à la fin de l’émission et j’avais jusque-là trouvé qu’il tenait des propos pertinents et argumentés, allant jusqu’à soutenir la prise de position de Biden sur l’impôt mondial (« il tourne la page du néo-libéralisme »). Et puis il s’est lancé dans une dénonciation de l’oligarchie qui trouverait un candidat pour remplacer Macron si celui-ci était dans l’incapacité de se représenter. Et il a continué avec « sa prédiction d’un grave incident dans la dernière semaine de la campagne présidentielle » qui rendrait inévitable la réélection du candidat de l’oligarchie. Tous ont voulu y voir une forme gravissime de complotisme là où je n’avais entendu qu’une dénonciation de la focalisation des chaînes d’info sur tout ce qui ressemble à une forme d’insécurité, fonds de commerce de ces chaînes. Cette dénonciation était mal calibrée parce qu’associant un acte clairement terroriste (Merah) à un sordide fait divers (papy Voise) mais enfin je n’y voyais pas pour autant une remise en cause des fondements de la démocratie. Continuer la lecture de « Mélenchon, la gifle et notre rapport au pouvoir »

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