Schadenfreude

Avant de partir pour quelques jours de vacances, une invitation à passer de la « joie triste » de la Schadenfreude à la « joie pure » d’un moment de radio, fugace et banal, mais étonnamment touchant

Face à la défaite de l’équipe de foot allemande au Mondial, Mélenchon avait envoyé deux tweets, pas moins ! D’abord pour parler de sa « joie pure », ensuite pour employer le mot allemand de Schadenfreude qui justement est tout sauf une joie pure puisque c’est la joie éprouvée en raison du malheur des autres. Nous n’avons pas de mot équivalent en français, peut-être parce qu’il nous est difficile de nous avouer que nous éprouvons cette joie impure. Nous aimerions croire que nous ne pratiquons que le bel esprit. Hélas la Schadenfreude trouve chez nous une forme ô combien populaire avec les humoristes médiatiques qui nous incitent à rire en permanence des travers, réels ou amplifiés à l’extrême, de ceux qui osent entrer dans l’arène médiatique. N’a-t-on pas quand même, à force de ricaner, l’impression désagréable de devenir méchant ou cynique ? Face à ce poison lent qui nous atteint tous, un bon antidote : un instant de  joie pure pour se laver l’esprit ou l’âme. Il y a quelques jours France Inter nous a offert cet instant de grâce, une gamine de 10 ans interviewée par Hervé Pauchon qui parlait de décontracter les épinards, qui disait merci à ses parents de lui avoir donné la vie et à son frère d’avoir prêté sa console, qui voulait être électricien comme son grand-père mais au bout d’une corde d’escalade. Un drôle d’accent, une assurance et une diction étonnante, une originalité rafraichissante… « Bluffante » comme le disait Nicolas Demorand, traduisant bien ce moment suspendu de joie pure, vraiment pure, celle-là.  

A écouter ou réécouter ici. ça fait du bien !

 

Pauvres de nous !

Gabin dans La traversée de Paris lançait un vigoureux et ambigu Salauds de pauvres ! A-t-on réellement changé d’attitude ?

Ce qui a retenu surtout l’attention dans la vidéo présidentielle, c’était l’apostrophe sur le « pognon de dingue » que l’on mettait dans les minima sociaux sans efficacité puisque les pauvres, « tombés pauvres », restaient pauvres. On s’est focalisé sur l’éventuelle réduction des prestations qui découlerait de cette affirmation pour s’en indigner avec plus ou moins de bonne foi. Pour ma part, le fait de questionner la manière dont on lutte contre la pauvreté est bien une nécessité et réfléchir aux logiques d’émancipation et d’empowerment une voie encore insuffisamment empruntée. La tribune d’Agnès Buzyn parue dans Le Monde ce matin donne ainsi des pistes intéressantes pour repenser le modèle social mais, sans les provocations jupitériennes, elle risque de moins retenir l’attention que la vidéo élyséenne.

Ce qui me parait problématique dans l’intervention du président a été pointé notamment ici, c’est le « tomber pauvre ». Cette expression étrange semble faire de la pauvreté une maladie – on tombe pauvre comme on tombe malade. Tomber, c’est aussi l’évocation de la chute avec son double sens d’accident et de faute morale. L’appel à la responsabilisation qui revient régulièrement dans la bouche du Président laisse penser que les pauvres n’assument pas la responsabilité qu’ils ont de leur propre dignité. Ils se laisseraient aller et perdraient progressivement leur dignité d’êtres humains. Seul le pauvre qui fait des efforts pour s’en sortir reste alors estimable. Celui qui se laisse aller mérite son sort. Etre pauvre n’est ni une tare ni une faute. Ce n’est pas non plus une catégorie sociale. On ne devrait pas dire UN pauvre ou LES pauvres. On essentialise la pauvreté. La pauvreté est une situation et elle est toujours relative. On est toujours ou plus pauvre ou plus riche qu’un autre. Continuer la lecture de « Pauvres de nous ! »

Platane

Que vient faire le platane dans un blog sur notre rapport à la démocratie ? Une récréation botanique ? Plutôt une re-création belle et tonique !

Sur nos avenues, nous n’en avons que la version mutilée aux moignons difformes mais, non taillé, c’est un arbre à l’ombre généreuse. Je viens de découvrir que ce sont les grecs qui ont donné son nom à cet arbre venu d’Asie qu’ils avaient adopté pour rafraîchir les places où ils se réunissaient. Et le plus beau, c’est que place et platane ont la même racine hellénistique signifiant large, étendu. Joëlle Zask[1], la philosophe à qui je dois cette découverte démontre magnifiquement que c’est cette « place au platane » qui constitue la véritable place démocratique, loin de l’idéale agora ou de la démonstrative place de la République. C’est la place qui permet la vie collective, l’initiative et la rencontre parce qu’elle est ouverte, irrégulière, accueillante aux activités les plus banales mais aussi aux discussions sans fin à l’ombre des platanes. Nous nous sommes trop habitués à ne voir la démocratie que dans sa forme solennelle et mathématique, le platane et la place qui se déploie alentour convoquent un imaginaire démocratique moins abstrait, plus attentif au commun, au bien vivre et à la concorde. En parlant de concorde, quelques platanes seraient les bienvenus sur l’esplanade inhospitalière de la place de la Concorde qui, en l’état, porte si mal son nom !

[1] Joëlle Zask, Quand la place devient publique, éditions Le Bord de l’eau, 2018

persopolitique.fr
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