Pauvre René, il n’est pas à la fête en ce moment ! On s’en prend régulièrement à son fameux Cogito ! Je ne cesse de tomber sur des textes qui s’attaquent plus ou moins directement à l’expression qui l’a immortalisé : « Je pense donc je suis ». Dommage pour lui (et pour notre chauvinisme « cartésien ») mais certainement pas pour notre compréhension de l’homme et de sa relation à la société. Petite revue des symptômes diagnostiqués par nos contempteurs de Cogito.
Trop singulier, le Cogito, pour Bruno LATOUR (encore lui !). Au Cogito singulier, il préfère le Cogitamus pluriel dont il a fait le titre de son dernier livre, un bon résumé de sa pensée, à la fois accessible et drôle. On ne pense vraiment qu’en participant à des collectifs et en évitant de séparer ce qui relève du politique et ce qui relève du scientifique, puisqu’il faut composer un monde commun.
Trop rationaliste le « je pense donc je suis » pour Satish KUMAR penseur indien disciple de Gandhi et auteur de « Tu es donc je suis. Une déclaration de dépendance ». Isoler la conscience de soi, c’est se couper de la compassion et de l’interdépendance.
Connaissez-vous le mot de la langue bantou UBUNTU si difficile à traduire justement parce qu’il mêle l’individu au collectif : « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous » ? Un terme popularisé à travers le monde par Desmond Tutu. [Merci à Emmanuel Delannoy, de l’institut Inspire, de l’avoir présenté et à Pierre Michel de l’avoir colporté.]
Nous avons longtemps cru que notre rationalisme occidental était un progrès indépassable. Ne devons-nous pas inventer des formules plus complexes qui articulent singulier et pluriel, penser et être ? Je vous propose : « NOUS pensons donc TU es et JE suis » !